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Biographies
Joseph
Laurent EVEN, un chouan, maire de
Callac.

Joseph Laurent EVEN (1765-1828)
Avant-propos.
Peut-on encore de nos jours, deux
cents ans après les évènements, passer sous silence les
tribulations d'un homme de son temps, à peine cité dans
l'histoire locale et dont la gravure est conservée au Musée
Carnavalet. Un personnage dont les déclarations et les prises
de position figurent en bonne place dans les dossiers des
Archives Nationales, accusé, jugé et acquitté dans le célèbre
procès de Georges (Cadoudal), Pichegru et Moreau en 1804 à
Paris. Mais depuis la parution du livre du regretté François
Furet, « Penser la Révolution Française », on peut,
sans crainte de se voir traiter de jacobin ou de
contre-révolutionnaire, raconter dans les détails un récit
tout en nuances et d'en extraire une série d'humbles
évènements.
« On monte plus vite par
l'Etat et par l'argent que par la
naissance »
François Furet
Sa jeunesse
Musée Carnavalet
Joseph Laurent Even, fils de Maître
Joseph Even et de Anne Cécile Houarnay, naît à Callac le 10
août 1765 dans une famille de notaires ruraux originaire de
Maël Pestivien, côté paternel et de Plougonver, côté
maternel. Son parrain est le sieur Yves Le Pezron, brigadier
dans les Fermes du Roi et sa marraine Charlotte Riou, son
aïeule paternelle.
Son père Joseph, notaire, subdélégué de l'Intendance en
1775, procureur de la châtellenie de Callac, fief amorti du
Roi et possédé par les moines de l'abbaye de Sainte Croix de
Quimperlé, fut
maire de Callac de 1770 à 1790.
Nous ne savons rien
de son enfance, à part son séjour relativement court qu'il
fait au collège de Morlaix et son admission au collège de
Quimper avec Claude Quénechdu
de Plusquellec, de
trois ans son aîné.
Il
termine ses études de droit en 1788 à Rennes où il rencontre
Jean Victor Moreau (1763-1813), futur général, originaire de
Morlaix, agitateur des étudiants rennais dans cette période
que l'on nomme pré-révolution.
De retour à Callac, il travaille dans
l'étude de son père
et s'intéresse déjà à la politique, il est acquis aux
idées nouvelles qui circulent déjà depuis plusieurs
années.
Le 17
mars 1789, son père Joseph Even rédige avec le sénéchal Yves
Le Baron, les cahiers de doléances de la ville de Callac et de
la trêve de Botmel, résultat de nombreuses délibérations entre
les diverses personnalités de Callac et Botmel, parmi
lesquelles Yves Le Quéré, syndic militaire, Jérôme Alexandre
Guiot, notaire royal, Jean Yves Guillou, notaire, Pierre Jean
Guiton, avocat, Le Bouéhec, chirurgien, François Goéry,
aubergiste et Le Bon, délibérant.
A la formation de la première
municipalité éphémère le 28 février 1790, dans laquelle son
père est élu maire de Callac après une opposition violente
de Pierre Joseph
Fercoq
, Joseph Laurent
fait partie de l'assemblée et signe
l'acte. Il fait partie des représentants de la municipalité
à la Fédération de Pontivy en février 1790.
Son engagement
En 1791, notre personnage disparaît
de la vie callacoise et nous supposons qu'il rejoint l'armée du
Rhin où il rencontre son futur beau-frère Claude René Guezno,
capitaine au 2ème
bataillon des Côtes du Nord, défenseur de Landau
contre les prussiens et futur lieutenant-colonel du
parti royaliste
de Bretagne. Joseph Laurent subit l'influence
grandissante de son beau-frère, prototype parfait du
militaire de l'Ancien Régime et comme le décrit un document de
l'époque « corps et âme de bronze, véritable soudard
dans toute la force de l'expression ».En 1792, après son
licenciement de l'armée, il est nommé commandant de la garde
sédentaire de Callac.
Le 2 février 1794,
il épouse à Rostrenen Louise Marthe Françoise Guezno, âgée de
17 ans, fille de Claude Louis Guezno, Maître des Eaux et
Forêts de Berrien (Huelgoat) et de Marie Charlotte Digaultray.
La profession de Joseph Laurent qui figure dans l'acte, est
celle de surnuméraire
dans la régie des droits d'enregistrement. De cette union, naissent
deux filles, Cécile Louise Josephe le 3 juillet 1796, qui épouse le 29
septembre 1823, François Antoine Vistorte, arpenteur, fils de
Antoine Noël Julien, président du Tribunal de Guingamp et Danielle Caroline
Josephe le 17 novembre 1799, qui épouse le 15 septembre 1828 à
Callac un avocat de Lannion, Pierre Huon. Cette union permet
aux descendants des Huon , Charles Marie (1832-1901), maire de
Lannion et futur député, d'ajouter à leur patronyme par décret
impérial, le nom de leur aïeule « Penanster », vers les années 1860, puis en 1925 d'y ajouter la
particule et de devenir ainsi les Huon de
Penanster.
Aussitôt après son mariage, il
rejoint comme capitaine la 6ème compagnie du
4ème Bataillon des Côtes du Nord
dans l'armée des Côtes de Brest commandée par le Général
Canclaux. La campagne des Callacois sur le front de Vendée est
de courte durée et le 28 juillet 1793 toute la population de
Callac se rassemble sur la place du Martray (Centre) autour
d'un feu de joie allumé en l'honneur du retour des
volontaires, toute la foule en joie crie « Vive la
République, une et indivisible « . Depuis son
licenciement, il est adjoint des adjudants généraux et
secrétaire du général en activité à Dinan et
Pontrieux.
Joseph Laurent exerce dans la nouvelle municipalité la
fonction de greffier. Pierre Le Milbeau est le nouveau maire
de Callac. Le 28 février 1795, il est candidat avec Jean
Julien Delafargue et Pierre Jean Guitton pour le Comité des
transports, mais c'est Jean Julien Delafargue qui obtient le
poste. Il devient le 17 juin 1795, procureur et assesseur du juge de
paix de la commune. Le registre de la municipalité, paraphé
par son père président de l'administration municipale d'avril
1793 à avril 1796, est tenu par Joseph Laurent et dans lequel
il signe Even fils.

La chouannerie
Nous sommes sous la réaction
thermidorienne, une période trouble qui affecte Joseph
Laurent. Jean Victor
Moreau, son condisciple à Rennes, général victorieux
des Autrichiens en Belgique en 1794 à 30 ans, perd confiance
dans la République après la disparition de son père,
guillotiné à Brest. Son beau-frère, Claude René Gezno rejoint
Georges Cadoudal et l'armée royaliste, profondément ulcéré
contre les Jacobins Rostrenois, persécuteurs de sa famille.
Joseph Laurent est nommé commissaire du Directoire exécutif le
24 mars 1796 et son épouse Louise attend la naissance de son
premier enfant, Cécile Louise Josephe.
Le tournant se situe le 18 août 1797,
sous le Directoire, lorsque Joseph Laurent est destitué de son
poste de commissaire et remplacé par Jacques Marie Fercoq,
frère de Pierre Joseph Fercoq, procureur de la commune et
adversaire déclaré des Even. Joseph Laurent est de plus en
plus sous l'influence de son beau-frère Claude René Guezno et
de son condisciple à Quimper et Rennes, l'avocat Jean François Le Peige
Dorsenne, dit Debar, une figure du parti royaliste breton,
originaire de Concarneau. Debar loge dans une auberge de
Rostrenen tenue par Augustin Chatton , fréquente assidûment les Guezno de Maël-Carhaix et
dirige les forces royalistes dans le secteur de
Carhaix-Rostrenen-Le Faouët.
L'année 1798 voit le début de la
troisième chouannerie, celle où Joseph Laurent s'engage
délibérément au côté de son ami Debar sous le surnom de
«Victor Labrousse ». Il prend le commandement du
2ème bataillon de la 8ème Légion, dite de
Gourin, comme mjor. Il n'en faut pas plus pour alerter les administrateurs
du département des Côtes du Nord, dont Pierre Joseph Fercoq.
Joseph Laurent Even est arrêté à Callac en décembre 1799 et
conduit à la prison de Ste Pélagie à Paris où il reste enfermé
pendant 7 mois. Le 12 juin il est libéré et surveillé par la
police de Fouché qui recherche activement son ami Debar. Son
séjour à Callac ne dure guère et le général Gency le fait de
nouveau arrêter et conduire à la prison de Port Brieuc avec
plusieurs autres suspects dont son beau-frère Claude René
Guezno, promis à l'échafaud.
« Département des Côtes du Nord
Commune
de Callac
Les
Membres du Conseil Municipal
de Callac
A Sa
Majesté Impériale Napoléon Premier
Empereur des Français
Sire,
Vous reparaissez au milieu des Français. Ils vous
acceptent avec confiance.
Vous avez promis
d'être le père de la Patrie, de la Liberté.
La crise
violente que la France a éprouvé arrachent des voux à la
Nation entière.
Daignez,
Sire, écouter celui du Conseil Municipal de Callac.
Depuis
vingt cinq ans divers gouvernements se sont succédés et n'ont
pas fait le bonheur des Français, car ils ont toujours
anéanti la puissance tutélaire des Lois, en y substituant une
tyrannie subalterne, la plus insupportable des tyrannies. Nous
avons encore présent à l'esprit les maux de l'anarchie ;
nous allions retomber sous le despotisme.
Une
malheureuse expérience nous a fait connaître tous les maux
possibles ; tous les genres d'excès.
Sire,
réparez les uns et évitez-nous les autres.
Conservez-nous la Paix.
Défendez
l'inviolabilité du territoire français, mais en ne dépassons
pas les limites.
Écartons
l'étranger, mais n'allons pas l'inquiéter.
Donnez-nous des institutions libérales.
Garantissez les droits du peuple, la sécurité
individuelle, le repos des familles.
Qu'il y
ait un voile épais sur le passé.
Sire, ne
pensez qu'à l'avenir, songez au bonheur du peuple.
Bonheur
qui fera votre gloire et consolidera votre trône.
Les rois
sont faits pour le peuple et non le peuple pour les rois.
Le
changement de gouvernement avait opéré un changement dans
notre administration départementale. Monsieur Le Gorrec avait
été investi de votre confiance par sa nomination à la place de
Secrétaire Général.
Nous
l'avons regretté, nous le
regrettons.
Sire,
Monsieur Le Baron de Goyon a administré ce département d'une
manière à concilier tous les esprits ; mais, Sire, il
entrait dans les vues de votre majesté de remplacer Monsieur
de Goyon dans la Préfecture des Côtes du Nord, en le nommant à
d'autres fonctions.
Veuillez
bien permettre, Sire, que les membres composant le conseil
municipal de Callac vous adressent le vœu sincère qu'ils font
d'y voir appeler Monsieur Le Gorrec, ses principes, son
mérite, son dévouement patriotique sont connus de tout le
Département. Pendant vingt cinq ans, il a donné des preuves
continuelles d'une administration sage et
modérée.
Nous sommes, Sire, de votre Majesté les très humbles et
très soumis sujets.
A Callac
le onze avril 1815.
Signent : Mathurin Le
Barbier, Le Bouédec, Guiot, Benoît Delafargue, Guiton, Yves Le
Reste.
Joseph
Laurent Even, maire »
Alors
que Napoléon vient de se retirer à la Malmaison après la
défaite de Waterloo et son abdication le 26 juin 1815, le
nouveau maire de Callac écrit une curieuse lettre au
sous-préfet de Guingamp :
Lettre d’Even
Callac le 30 juin 1815
Copie de la lettre du maire de Callac au sous-préfet de
l’arrondissement de Guingamp
Monsieur le Sous-Préfet,
Des voyageurs arrivent de Carhaix m’assurent qu’une force
royale de 4 à 500 hommes y est entré le matin, que le chef
M. LOROLLER avait prévenu M. Le Maire de son arrivée,
annonce que s’il y avait la moindre résistance, il mettrait
la ville au pillage, qu’il voulait les armes. Dès Carhaix,
qu’elle route prendra-t-elle ? On dit qu’elle va à
Rostrenen, qu’elle veut faire le pardon de Guingamp.
Si elle vous
approche que lui opposeront nous ?
Le Maréchal
des logis nous dit qu’il nous quittera avec sa brigade et
les douaniers ; qu’elle fâcheuse position ?
Nous sommes abandonnés à nous mêmes, force inutile.
Instruisez-moi par une ordonnance de vos dispositions.
J’ai l’honneur de vous saluer respectueusement.
Le Maire de Callac.
Signé : Even
PS. M. Le Maréchal des Logis expédie une ordonnance pour Guingamp.
J’éclaire la route de Carhaix.
Prestation
de serment de Joseph Laurent EVEN devant le sous Préfet de
Guingamp,
le Baron Geffroy de VILLEBLANCHE le 22 mai 1821 pour sa nomination
comme membre du Conseil de l'arrondissement.

Facsimilé de la prestation de
serment
( AD22- cote 2 Z art.3 -Livre de la prestation de serment de
Guingamp)

|
 |
Maison de Joseph
Laurent Even(1820)
Place du Martray
(Centre)-ancienne boulangerie Guyader
dont il ne reste
à nos jours que la partie gauche avec une seulefenêtre de
toit.(Place du Centre-carte postale de 1908)
|
Fac-similé
de la demande de la Légion d'Honneur faites en 1921 par son
adjoint Yves Pierre Benoît Delafargue pour Joseph Laurent
en tant qu'officier des Armées Royales. |
Malgré
nos recherches dans la base "Léonore", qui est la
liste des décorés de la Légion d'Honneur, nous n'avons
trouvé qu'un seul personnage mentionné :
Pierre
Gabriel de LAINAY, (° 1er janvier 1764 Rostrenen)
Ainsi Joseph Laurent EVEN, qui mentionnait sa Légion
d'Honneur sur ses documents, a-t'il reçu cette médaille ?
Le doute reste de mise.
|

Fac-similé de la
lettre du secrétariat de l'Ordre de la Légion d'Honneur du
1er août 1821 |
Biographie de Joseph Laurent EVEN( Sallier Dupin)
Joseph Laurent EVEN, fils d’un notaire, subdégué de l’Intendance
de Bretagne en 1775, (° Callac 10.081765). Il suivit ses
humanités à Quimper.
Il accepta la Révolution à ses débuts et représenta Callac
auprès de la Fédération de Pontivy en février 1790( ?)
Ami de Claude GUEZNO de Penanster qui habitait au Manoir du
Quenquis, Even complota avec lui et Debar. Le 27 février
1793, il est arrêter une première fois à Rostrenen le jour
de ses noces avec la sœur de Guezno de Penanster.
Entré jeune dans l’administration des Domaines, il est dénoncé
comme chouan au Directoire par ses supérieurs et doit
abandonner son poste en 1796.
En 1799, il est de nouveau arrêté et interné pendant 7 mois
à la prison de saints Pélagie. Libéré, il revient au pays.
Arrêté encore une fois, il est incarcéré à la prison de
saint Brieuc avec son beau-frère et libéré par les chouans
lors de l’attaque de cette ville dans la nuit du 26 au 27
octobre 1799. Il gagne la Cornouaille et est nommé major de
la 7° Légion du morbihan. Il effectue des coups de main dans
la région de St Nicolas du Pélem, occupe Gourin le 16
novembre 1799 et Rostrenen le 14 février 1800.
Le 2 avril de la même année, il fait sa
soumission, mais dès le mois d’août suivant, il est à
nouveau soupçonné pour être demeuré en relation avec
Debar.
Il sera impliqué dans le complot de Cadoudal, arrêté,
acquitté, mais resté prisonnier d’État à Bar-sur-Aube
jusqu’en février 1811.
Il deviendra maire de Callac en janvier 1815 et décèdera en
1828.
(Sources : Edmond Rebillé)