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Communiqué
par la Famille Collin-Raffray-Guiot, voici un document
original concernant une lettre écrite par Joseph Laurent
Even, en exil forcé à Bar-sur-Aube à la suite de son procès
à Paris en juin 1804 après l’affaire Georges(Cadoudal).
Il profite de sa présence dans l’Aube pour visiter le
pays d’origine des Guiot de
Callac, Poissons en
Haute-Marne, une visite certainement programmée par
courrier entre les deux amis.
Lettre
de Joseph Laurent EVEN à son ami Pierre Laurent GUIOT
le 30 décembre 1804
Bar-sur-Aube le 30 décembre 1804
Mon bon ami,
J’ai été à Poissons,
tu le savais avant la réception de cette lettre, je t’écris
de Poissons. Je n’ai pu résister au désir de connaître
la famille. Je me suis donné cette satisfaction. Le t’en
ferai aussi éprouver par les détails que je vais te
donner.
Blason de Poissons.
Je suis
parti de Bar-sur-Aube le 10 et je suis rentré le 15 décembre ;
mon perruquier a été mon guide : nous avions un petit
tape-cul.
Je suis arrivé à Poissons, une traversée de 13
lieues.
Je suis arrivé à Poissons le mardi ; j’ai demandé
s’il existait des Guiot : réponse
affirmative. J’ai demande le plus ancien. On me conduit
chez Jean-Baptiste Guiot, fils d’Urbain, frère de
Melchior( à Poissons, on prononce Melquior). Je l’ai
trouvé au coin de son feu aiguisant des peneux ou échalas
pour ses vignes. Je me suis annoncé comme l’un des Guiot
de Callac et désirant en cette qualité faire connaissance
avec les Guiot de Poissons. J’ai été reçu plutôt comme
parent que comme ami de parent. Il a été un moment que
j’ai oublié que j’étais Even. Comment cela n’eût-il
pas été ? On me parlait comme à un Guiot que l’on
désire ardemment connaître. Qu’ils regrettent que tu
n’aies pas pu venir à Paris pour le Couronnement de
l’Empereur Napoléon.
Car je leur ai assuré que je pourrais compter sur ta
complaisance de faire le voyage de Bar-sur-Aube pour me
venir voir et qu’alors nous aurions fait tous les deux le
voyage de Poissons. J’ai beaucoup causé avec
Jean-Baptiste, j’ai vu toute sa famille – tu le verras
plus bas-. Je me suis chauffé dans la maison paternelle des
Guiot, je me suis réuni aux Guiot de Poissons pour porter
un toast aux Guiot de Callac et à ceux qui en sont sortis.
J’ai bu du vin de Poissons : il est cacheté. Je ne
te dirai rien de la qualité car il est destiné aux Guiot
et ils le boiront. Tous vous le jugerez. Il est de la cave
de Jean-Baptiste qui eut désiré que j’aie pu en prendre
plusieurs muids.
Il y a une cinquantaine de futailles pleines, produit de ses
vignes. C’est ce qu’il a conservé pour son épouse et
lui après avoir donné à ses deux enfants un certain
nombre de denrées de vignes pour alimenter leurs ménages.
Mes
renseignements sur la famille Guiot, remontent aux pères et
mères de Melchior dont j’ai voulu connaître les frères
et sœurs qui sont les oncles de Nicolas. J’ai des notes
assez étendues, mais cependant pas assez pour faire
l’arbre généalogique des Guiot. J’y parviendrai avec
le temps, car si je ne retourne pas à Poissons,
j’entretiendrai une correspondance avec Jean-Baptiste
Guiot qui s’occupe dans ce moment de rassembler les
documents (naissances, mariages et décès) depuis Michel
Guiot, père de Melchior et de recueillir les actes nécessaires
pour remplir les vides que nous avons. Je l’ai invité à
me faire ce plaisir, car j’ai présumé qu’il t’eût
peut-être fait plaisir d’avoir quelques extraits de la
famille, surtout des auteurs communs.
Michel
Guiot a eu deux femmes. En premières noces, il a épousé
Marie Colson dont il a eut quatre enfants : Melchior,
Marie, Urbain et Jeanne. Seconde femme de Michel Guiot :
Marie Deschamps. De ce second mariage, Michel a eu trois
enfants, dont un, Claude, a été, comme Nicolas Guiot, et
en même temps que lui, Maréchal des Logis aux
Royal-Cravates. Presque en même temps, ils ont tous les
deux quitté le
service. Claude Guiot s’est fixé à Blois, autrefois dans
l’Orléanais, aujourd’hui département de Loir-et-Cher.
Il y tenait une grande auberge. On ignore s’il y a des
descendants.
Melchior Guiot a eu pour femme Marie Chiquet qui s’est noyée
dans un puits, rue des Noues à Poissons ; le puits a
été depuis bouché. Melchior Guiot a eu de son mariage,
six enfants : Nicolas, Pierre, Michel, Marie, Louise et
Catherine. Pierre est mort à l’armée en 1741 ou 1742.
Michel, à la sortie du service, est mort à Poissons en
1744. Catherine est morte en couches en 1743. Il ne reste
plus qu’à te faire connaître les descendants de Marie et
de Louise Guiot, les sœurs de ton père Nicolas. Je
reviendrai après sur les descendants des frères et sœurs
de Melchior.
Marie Guiot, sœur de Nicolas,
a eu pour mari Nicolas Demange, dit Pois Blanc. Ils
ont laissé pour enfant Thérèse Demange qui a épousé
Jean Vivien-Raguet, décédé. Thérèse Demange n’a eu
qu’un enfant, Nicolas Vivien-Raguet qui a épousé une
Vivienne. Thérèse Demange existe ; elle est logée
dans la maison paternelle des Guiot.
Louise Guiot, autre sœur de Nicolas a eu deux maris.
En premières noces, elle a épousée Damien Landerelle dont
elle a Marguerite qui a été femme de ……. En a eu six
enfants dont deux sont à l’armée, trois mariés à
Poissons, un à Suzennecourt à trois quarts de lieue de
Poissons et une fille non mariée. En secondes noces, Louise
a eu pour mari Pierre Vivienne.
De ce second mariage, il y eu deux enfants : Marie qui
a épousé Nicolas Pierre, et Marguerite qui a épousé
Pierre Dupongan. J’ai été chez Marie Vivienne, elle a de
jolies demoiselles mais j’ai oublié de prendre les noms.
Voilà les descendants des sœurs de Nicolas.
Voyons
ceux de Marie, Urbain et Jeanne Guiot (à Poissons, on
prononce Guio, néanmoins on écrit Guiot) , frères et sœurs
de Melchior, père de Nicolas.
Marie a épousé Pierre Gautier. De ce mariage est
issu Claude Gautier qui, en premières noces a épousé
Jeanne Piot. Ils ont eut quatre enfants dont un, Pierre
Gautier, est mort curé à Germay à deux lieues de
Poissons. Claude a eu pour seconde femme Marie Lorin dont il
a eu deux enfants qui demeurent à Poissons.
Urbain
a eu pour femme Marie Langaget, dont il a eu un enfant, Jean
Baptiste Guiot qui a épousé Anne Piot. Ces deux derniers
existent ; chez eux, j’ai bu à ta santé. Ils ont
deux enfants, Joseph Guiot qui a épousé Anne Veu et Anne
Guiot, Jean
Claude Baptiste Frêche.
Jeanne avait épousé Henri Piou. Ils ont pour
enfants Henri, Catherine et Marie Piou qui sont morts, mais
ont des enfants vivants.
Voilà,
mon ami, les résultats de mon voyage à Poissons. Si tu as
besoin de plus amples renseignements, je ferai tout pour
obliger, toi et toute ta famille. Je te peindrai
difficilement la cordialité avec laquelle j’ai été reçu.
J’ai été reçu. J’ai été vu et accueilli comme un frère.
Un
mot du pays de tes pères. Poissons, village d’une
population de 1600 âmes, est situé dans une gorge et
entouré de murailles très hautes, toutes plantées de
vignes et de cerisiers. Où les montagnes sont trop rapides
pour être plantées, on fait des cerisiers. Poissons était
de l’élection de Joinville, province de Champagne. Les bénédictins
de Saint Urbain, éloignés d’une lieue, en étaient les
seigneurs. Ils y avaient une juridiction. Poissons était
divisé en deux paroisses : celle de Saint Agnan de
l’évêché de Toul et celle de Saint Amans de l’évêché
de Châlons. Autrefois, la moitié du village célébrait
quelques fêtes et l’autre travaillait, parce qu’elle
n’avait pas de saint à fêter ce jour-là.
Poissons, quoique populeux de 1600 âmes, n’est
qu’un village ; il n’est pas bourg. On y tient, ni
foires, ni marchés. Il est du canton de
Sailly, village beaucoup plus petit, mais plus
central, de la sous-préfecture de Wassy, distant de quatre
lieues de la préfecture de Chaumont, Haute-Marne, de huit
lieues. Le tribunal de Première Instance est à Wassy, le
tribunal d’Appel à Dijon (28 lieues), département de la
Côte d’Or, ci-devante Bourgogne. Distante de Joinville
autrefois le district : cinq quarts de lieue, quoique
le chef-lieu de canton soit à Sailly, le curé est à
Poissons qui a toujours eu deux églises, dont une est fort
belle.
Poissons
est traversé par une rivière, nommée le Rongeant qui
prend sa source sous Broutière, à cinq quarts de lieue de
Poissons et se perd dans la Marne près de Thonnance de
Joinville à une heure de Poissons.
Dans Poissons, il y a trois ponts : un en bois
et deux en pierres, un beau château, un vaste jardin où il
y a quatre pièces d’eau, une belle serre bien joliment
garnie. Il y a quatre instituteurs, deux pour les garçons
et deux religieuses pour les filles. On bâtit en ce moment
une très jolie maison pour les instituteurs et la
municipalité, car dans ce pays, chaque village a son maire,
son adjoint et son ecclésiastique. Poissons est un pays
vignoble : on a pu y faire cette année 20 000 pièces
de vin, dont les 9/10 de rouge. Presque tout leur raisin est
gommé ;
le vin n’y vaut actuellement que 26 francs. On récolte
peu de blé. Peut-être dans le voisinage de Poissons, il y
a dix ou douze fermes. Il y a beaucoup de forêts. Néanmoins
le bois y est cher car il y a deux forges. Poissons a
plusieurs mines de fer, fournit quelques fourneaux et
emploie l’habitant, ce
qui jette quelque argent dans le pays.
Le pays n’est pas si plat que j’avais cru ;
ce n’est que côtes, mais le site est beau. Voilà une idée
du pays de ton père et ce que j’ai recueilli pendant le
peu de temps que j’ai pu rester à Poissons. Je n’ai pu
faire une longue absence, je me suis donné une partie de
plaisir et je te donnerai, je crois, de la satisfaction.
Adieu, mon ami, j’embrasse toute la famille, ma mère,
mes enfants, ma Louison.
Rappelle-moi au souvenir de nos amis.
Ton dévoué ami,
Even.
Ton cousin Jean-Baptiste t’a écrit, je te l’ai marqué
de Poissons, j’ai hâte d’avoir de tes nouvelles. Bonne
année, mon ami, à toute la famille. »
Sources.
Archives de la Famille Collin-Raffray-Guiot
http://www.poissons52.fr/index.php?r=1
Joseph Lohou (octobre 2006)