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Avertissement
: Ces quelques lignes ont été extraites de l'article de
Michel Chevalier( SEM Côtes d'Armor) parues sur le site :
http://eric.havel.free.fr/subdel/Subdel.html
Subdélégués
et Subdélégations sur le territoire du département des Côtes-du-Nord
Lorsqu'en lisant le Dictionnaire
historique et géographique de la province de Bretagne d'Ogée
de 1778 sur les paroisses des Évêchés ayant constitué
les Côtes-du-Nord, puis les Côtes d'Armor, on rencontre le
mot «Subdélégation». On peut être amené à penser
qu'en matière de division territoriale, c'est un mot complètement
inconnu. On peut alors consulter les dictionnaires, et même
dans un Larousse en sept volumes du début du vingtième siècle,
on ne trouvera aucune réponse intéressante au sujet d'une
division territoriale de l'ancien régime.
En résumé, il semble que les
subdélégués et les subdélégations sur le territoire des
Côtes d'Armor ont été complètement oubliés de nos
principaux historiens des 19e et 20e siècles.
Nous allons donc voir rapidement le rôle des intendants,
avant de nous attacher aux fonctions et au rôle des subdélégués,
puis nous essayerons de fixer les limites dans le temps des
subdélégations sur le territoire des Côtes d'Armor.
Les Intendants
Avant de parler des subdélégués, il nous faut parler des
intendants, car la Bretagne fut la dernière des provinces
françaises à recevoir un intendant. En fait, le
Gouverneur, les États et le Parlement administrent la
province. Nous ne trouvons des intendants en poste fixe à
Rennes qu'à partir de 1689, ils étendaient leur autorité
sur un territoire à peu près équivalent à cinq de nos départements
contemporains: Ille-et-Vilaine, Côtes d'Armor, Finistère,
Morbihan, Loire-Atlantique.
Les attributions de ces fonctionnaires étaient
à la fois très étendues et très confuses. Le gouverneur
représente toujours la personne du souverain, l'intendant
presque toujours maître des requêtes, donc membre du
Conseil du roi, est comme la projection de celui-ci dans sa
circonscription, et il incarne une réalité abstraite: l'État.
Il est détaché du Palais royal d'une façon permanente
dans une généralité, en qualité de «commissaire départi
pour la police, la justice et les finances», l'intendant
est le véritable «Maître Jacques» de l'ancienne
monarchie. Finances, travaux publics, police générale,
agriculture, industrie, commerce, affaires religieuses,
instruction publique, presse, assistance publique,
l'intendant se mêle à peu près de tout, même du
judiciaire et du militaire. A cet égard, il peut être
considéré comme le prédécesseur de nos préfets actuels.
.
Les Subdélégués
A partir du 18e siècle,
les intendants se font seconder par des Subdélégués à
mission temporaire, les habilitant à enquêter au nom du «commissaire
départi» et à le substituer autant de fois que cela
serait nécessaire dans des affaires de police par exemple,
mais seulement après en avoir reçu mission explicite.
Cette situation se trouva plus clairement définie lorsque
le gouvernement royal crut pouvoir tirer des ressources
nouvelles en érigeant les subdélégations en titre
d'office. Par un édit d'avril 1704, il créa dans chacun
des évêchés des pays d'États, même dans les autres
villes principales des offices héréditaires de subdélégués.
L'édit marquait assez bien, dans ses termes, les caractères
et les limites des fonctions des subdélégués:
«Recevrons, chacun dans leur département, toutes les
requestres adressées auxdits sieurs intendants et
commissaires départis, auxquels ils les enverront le plûtost
que faire se pourra avec les éclaircissements et
instructions nécessaires et leur avis et, dans le cas qui
le requerront, dresseront leurs procez-verbaux qu'ils leur
enverront aussi avec leur avis; recevront pareillement tous
les ordres qui leur seront adressez par lesdits sieurs
intendants et commissaires départis pour choses concernant
notre service; les enverront aux maires, échevins, consuls
ou syndics des communautés et tiendront la main à leur exécution.»
Les subdélégués de l'intendant n'étaient donc plus
commis pour une seule affaire ou un seul type d'affaires;
ils devenaient des collaborateurs locaux, territoriaux, à
compétence étendue. L'édit fixait le rang des subdélégués
dans la hiérarchie des agents royaux: un rang très
honorable, puisqu'il les plaçait aussitôt après les trésoriers
de France et, dans les tribunaux ordinaires, auxquels ils
avaient accès, aussitôt après le doyen des conseillers.
Leur rémunération était fort avantageuse: il leur était
attribué des gages «au dernier 10 de leur finance», soit
10% du prix de l'office. Ils avaient aussi des privilèges
fiscaux et de juridiction.
Nous allons examiner au fur et
à mesure du temps leur différentes fonctions et l'évolution
de leur carrière.
Un édit de janvier 1707 portait
«création en titre d'office formés et héréditaires d'un
greffier de la subdélégation dans chacune des villes du
royaume où il a été établi des subdélégués». Cet édit,
consacrait définitivement, au moins dans une certaine
mesure, la transformation de ces fonctionnaires de contrôle
en agents d'administration: les nouveaux titulaires des
greffes étaient donc désignés, «pour faire, à
l'exclusion de tous autres, toutes les fonctions de
greffiers desdits subdélégués, rédiger par écrit les
informations». Et l'édit ajoutait, ce qui caractérise précisément
un service administratif, que les greffiers «garderont les
minutes (des procès-verbaux), et en délivreront les expéditions
aux parties lorsqu'ils en seront requis».
L'édit de 1707 donnait, en réalité, en créant des
bureaux de subdélégation, une consistance nouvelle à
l'institution qui s'établissait ainsi lentement. Il
accroissait de ce fait, par son énumération, l'ensemble
des attributions des subdélégués. Les premiers de
ceux-ci, désignés par Ferrand de Villemain, purent ainsi
asseoir leur prestige d'agent du pouvoir. En 1713, en effet,
on comptait, sur 82 subdélégués en Bretagne: 25 sénéchaux,
2 procureur fiscaux, 2 procureur du Roi, 2 lieutenants du
Roi, 2 alloués, tous gens considérés, dont le prestige
accrut assurément l'autorité de la nouvelle fonction.
L'autorité des subdélégués
ne faisait que croître, l'édit de 1715 marquait l'avènement
de leur importance administrative ; les offices de subdélégués
furent supprimés par édit d'août de la même année. Cet
édit ne supprimait pas les offices de greffiers des subdélégations.
Les subdélégués ne perçoivent aucun traitement, dans le
premier quart du 18e siècle, il ne paraissent
pas même recevoir de vacations, ils vivent du produit de
leur profession propre. De temps en temps, ils touchent des
«gratifications» du contrôleur général, mais celles-ci
échoient généralement à quelques subdélégués en vue
dans la circonscription, dont l'étendue requiert une
particulière assiduité, ou qui ont rendu des services
exceptionnels.
Agent du commissaire départi, ne relevant que de lui, les
subdélégués sont commis à des travaux, recherches et
enquêtes multiples: enquête sur les justices seigneuriales
(1717), recherches de tous ordres relatives au soulèvement
de Pontcallec (1718); enquête sur la mendicité (1718) à
la demande du contrôleur général. Enquête, également,
sur les hôpitaux, ils reçurent ordre de se faire présenter
soit par les maires et communautés, soit par les
particuliers, les effets royaux et autres papiers
constituants «les fonds de charité»; ils visitèrent les
locaux affectés aux hôpitaux et leurs rapports, très
divers et de valeur inégale, ont fini par former un tableau
assez précis de l'assistance publique en Bretagne à cette
époque.
Dans ce même temps, en 1720, ils durent s'enquérir des
ressources des communautés religieuses et reçurent toute
autorité pour faire l'inventaire de leurs revenus. Le clergé
régulier, puissant en Bretagne, sut employer des arguments
de toutes sortes pour prétendre qu'il n'y avait aucune
obligation légale à obéir aux subdélégués. Il voulut
les dénoncer au Parlement. Malgré toutes ces protestations
et oppositions, les subdélégués imposèrent
progressivement leur autorité. Leurs fonctions apparaissent
alors comme des fonctions de police et de contrôle
administratif et financier: ils transmettent des ordres et
en exécutent. Ils «informent» sur toutes choses, leur
chef direct l'intendant.
Le subdélégué est devenu, en
Bretagne, après 1720, l'exécuteur des instructions du
pouvoir souverain; c'est une nouveauté puisque auparavant
les juges royaux seuls accomplissaient cette besogne.
L'autorité du subdélégué s'est trouvée renforcée par
la multiplicité grandissante des besognes qui lui sont
confiées. Très soucieux de maintenir les réglementations
de fabrication des toiles, par exemple, le contrôleur général
eut tendance à exiger l'intervention constante de
l'intendant, donc de ses subdélégués dans ce domaine. Ils
doivent surveiller les commis préposés à la visite et à
la marque des toiles. Mais ils font aussi des enquêtes sur
l'activité des ports, sur la production des blés,
fourrages et oléagineux, renseignent l'intendant sur le
nombre et la marche des moulins.
Au moment où les communications
devenaient plus faciles, il apparaissait utile aux
intendants de posséder moins de subdélégués mais de
trouver en eux des collaborateurs absolument sûrs et dévoués
; de là, des projets de réforme de l'administration dont
un des plus intéressants fut celui que Caze de La Bove
exposa au contrôleur général dans un mémoire de 1775.
Ce mémoire, qui fait état de
65 subdélégués dans la province de Bretagne, propose de réduire
les subdélégués à un petit nombre, de fixer des
arrondissements qui ne soient pas trop éloignés de leur résidence,
de renforcer la confiance et l'autorité de ceux-ci et enfin
de fixer les subdélégués, «par les distinctions, les prérogatives
et émoluments qu'on y attachera».
Pour réduire à vingt le nombre
des subdélégués, il propose de créer pour ceux-ci vingt
correspondants qui interviendraient dans trois ou quatre
paroisses et pourraient tenir leur subdélégué au courant
de l'agriculture, du commerce, de l'état ou du prix des
grains, du passage des troupes, des maladies générales,
des crimes, mais sous la surveillance très stricte du subdélégué,
qui seul devrait rendre compte à l'intendance.
Nous avons à faire à tout un
programme d'administration exemplaire de la province, sous
des vues très actuelles, car il ne pouvait y avoir cumul de
mandat: «Les subdélégués ne pourront donc plus être
Maires des Villes, ni députés pour elles aux États, ni
par conséquent députés des États à la Cour ou à la
Chambre des Comptes».
L'intendant entreprit d'intéresser
ses subdélégués aux mouvements de population, il
prescrivit de suivre de très près les variations de la
population et d'en dégager les causes essentielles. Dés
lors, et jusqu'à la Révolution, des rapports furent régulièrement
envoyés à l'intendance dont l'analyse nous permet de nous
faire une idée de l'état sanitaire et de la condition
sociale de la population bretonne.
Lorsqu'en 1788, pendant le séjour
de l'intendant à Paris, beaucoup de subdélégués
correspondaient avec lui, car attachés eux aussi à la
cause royale, tels Palasne de Champeaux de Saint-Brieuc,
Limon de Quintin. Ce dernier figurera dans la liste des
membres de la Commission de liquidation des anciennes
affaires de Bretagne, formée au début de l'été 1790,
car l'intendance et par suite ses agents venaient d'être
supprimés. Cependant les hommes qui exercèrent dans les
subdélégations, survécurent en général à la
disparition de l'institution et furent intégrés aux
administrations de la monarchie constitutionnelle et de
l'Empire.
Les Subdélégations
Ferrand de Villemain,
l'intendant, fit dresser en 1713, un «état
d'arrondissement général des subdélégations de la
province de Bretagne», cet état porte des indications
concernant les chefs-lieux de subdélégations, les évêchés
auxquels ressortissent ces chefs-lieux, le nombre de
paroisses et la distance de celles-ci aux chefs-lieux. Il
ressort de ce tableau d'ensemble qu'il existait en Bretagne,
en 1713, 86 subdélégations, ramenées à 82 à la fin de
cette même année.
Cela constitue l'originalité de l'intendance de Rennes par
rapport à toutes les autres qui elles possédaient peu de
subdélégations. L'origine en était d'abord, à n'en pas
douter, comme le laissera entendre plus tard, Bertrand de
Molleville, dans ses commentaires sur l'intendance, dans
l'immense étendue de la province, dans la conformation même
des bourgs tous pourvus d'un nombre très important de «villages»
ou hameaux et à la difficulté des communications. Cela était
dû aussi, à l'enchevêtrement et au nombre des
juridictions seigneuriales qu'il faut connaître et aussi ménager.
A partir de cette cartographie, on
peut étudier le nombre de paroisses contenues dans chaque
subdélégation avec la répartition de celles-ci par évêché.
On
a pu constater comment sous l'intendance de Bretagne et
particulièrement après la création et la mise en place
des subdélégués, on assiste pendant tout le XVIIIe siècle
a un essai de mise en place d'une administration
provinciale, qui tentait de remplacer progressivement un
vieux système féodal et seigneurial qui n'en pouvait plus
et dont les seigneurs vivaient de moins en moins sur place,
puisqu'ils étaient attirés pour les plus grands vers les
villes importantes et aussi à Versailles.
On serait arrivé avec
l'intendant, ou «Préfet de région» et 20 subdélégués
ou sous-préfets» répartis sur l'ensemble de la Bretagne a
un système administratif que l'ont ne connaît pas encore,
malgré les multiples réformes que nous avons connues
depuis la Révolution. En effet si l'on en reste à ce que
nos manuels d'Histoire de France issus de la vision de Jules
Ferry, ont essayé de nous inculquer, il n'y a eu aucune réforme
administrative en France avant la Révolution. Celle-ci a
presque tout inventé et essayé de mettre en place: les Départements,
les Cantons, puis les Arrondissements. Or il suffit de lire
le «Mémoire concernant les subdélégués de
l'intendance de Bretagne» de 1775 pour se rendre compte
que tous ces mots sont déjà employés et que
l'administration au sens actuel du terme pourrait encore y
puiser des idées de simplification de l'administration
territoriale.
Michel Chevalier