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Le Prieuré de Landugen,
une exception singulière.
Compulsant les registres de catholicité de
cet Argoat profond, nous nous sommes souvent demandé les
raisons des durables dissensions qui, au cours de
l'histoire, ont surgit entre la paroisse mère de Duault et
sa trêve ou fillette de Landugen. Plusieurs motifs en sont
les causes, nous les citons toutes
sans en privilégier aucune.
-
Les mobiles de la grande révolte de juillet 1675
qui, mélangés avec le soulèvement des Bonnets
Rouges, ont conduit au saccage du presbytère sous la
conduite de Messire François Gourlay, curé de
Landugen.
-Les
raisons du procès interminable entre le Sieur Etienne
Dominique Le Lonquer, futur recteur de Pestivien, et les abbés
de l'abbaye de Ste Croix de Quimperlé, seigneurs du Prieuré,
de 1717 à la Révolution.
-L'attraction
exercée par la paroisse voisine de Plusquellec qui recevait
les habitants de Landugen lors des naissances et décès par
défiance envers la paroisse de Duault lorsque le desservant
de Landugen faisait défaut.
-Les
causes profondes qui ont poussé les habitants de Landugen,
lors de la constitution des communes en 1791, à rejoindre
la commune de Callac jusqu'en 1873, date à laquelle
Landugen revint dans le giron de Duault.
Quelques éléments d'histoire sont utiles pour éclairer
cette curieuse situation.
Le 14 octobre 1029, le Duc Alain Canhiart fonde l'abbaye bénédictine
de Ste Croix de Quimperlé. L'abbaye reçoit du Duc
Hoël, fils d'Alain et confirmé par le Duc Alain, fils d'Hoël,
le Prieuré de Landugen
A
l'origine les prieurés de l'Ordre de St Benoît étaient ce
qu'on appelle des Granges ou Obédiences dépendantes des
monastères.
Le titre de Prieuré de Landugen a toujours été possédé
par des réguliers ou des commandataires et les titulaires
ont mis un chapelain pour y célébrer deux messes par
semaine, l'une le dimanche et l'autre, basse tous les
lundis. Les habitants de Landugen se rendent à la chapelle
du prieuré au lieu de l'église paroissiale de Duault.
Au fil du temps, cette habitude est devenue pour les
desservants une paroisse à part entière, ce qui n'était
pas de l'avis des abbés de Ste Croix de Quimperlé, d'où
le procès.
Le Procès
Le
18 décembre 1716, l'évêque de Quimper nomme Messire
Etienne Dominique Le Lonquer, vicaire perpétuel de la
paroisse de Landugen. Il se présente le 21 du même mois
sur les lieux mais le titulaire, Messire Guillaume Jézéquel,
nommé par Dom Jean Joseph Suduygrand, religieux professe et
titulaire du prieuré, refuse de lui céder la place. (Voir
la lettre de recommandation anonyme)
C'est le début du procès, le 8 octobre 1717 les Présidiaux
de Quimper maintiennent Dom Suduygrand comme titulaire avec
pour effet de faire desservir la fondation par un prêtre
approuvé de l'ordinaire. Mais le Sieur Le Lonquer, procédurier
en diable, ne se tient pas pour battu et de procès en procès,
il obtint par arrêt du 5 avril 1720 que son frère
Guillaume, également prêtre, fut nommé curé de Landugen.
Mais les attendus de ce procès sont si complexes et si
imbriqués de droit civil et religieux propres à l'époque,
qu'il est extrêmement
difficile à un non-initié d'en déterminer les
tenants et aboutissants.
Le procès se prolonge jusqu'en 1735 et une transaction a
lieu le 28 avril 1744 entre Dom Jean-Baptiste Charrier,
Prieur de l'abbaye de Ste Croix de Quimperlé et Maître
Nicolas Connan, notaire de Kergrist-Moëllou, époux de
Delle Marie Anne Le Lonquer, héritière de Messire Etienne
Dominique Le Lonquer, son oncle, pour un arrérage de 600
livres.
Un dernier mémoire de 1783, rédigé à la demande des
paroissiens, est adressé à l'abbé prieur de Ste Croix .
Dans cet acte, les vassaux du Prieuré de Landugen prétendent
que l'église de Landugen est une trêve ou succursale que
les Bénédictins leur doivent, comme gros décimateurs, un
vicaire à portion congrue
pour leur administrer les sacrements et dire les deux messes
auxquelles ils se trouvent obligés en vertu du titre de
fondation du Prieuré.
La réponse de l'abbé prieur est immédiate et relate les
termes de la fondation. Mais s'il est d'accord sur les deux
messes, il rappelle que le prieuré a toujours été possédé
par des réguliers ou par des commandataires, il est connu
comme un bénéfice simple et régulier, non conventuel, ni
chargé du soin des âmes. Il cite comme prieurs,
Monseigneur Guillaume Le Prêtre, évêque de Quimper, du 2
mars 1616 à 1641 et le Sieur Claude Budes, seigneur du
Rufflay, prieur de 1646 à 1679, soit pendant 33 ans.
L'église
ou la chapelle de Landugen était le monastère de St Tujace
ou Tujan,
elle a conservé ce nom jusqu'en 1615 et a dans la suite
pris celui de St Jean à cause d'une relique du même saint
qui y repose( Décollation de St Jean) et d'une fontaine St
Jean située près de la chapelle. Le sieur Le Lonquer
affirme lui, que la chapelle St Jean fut bâtie sur le côté
de l'église d'origine mais il ne peut apporter de preuves
formelles.
Il déclare également qu'une démarcation matérielle sous
la forme d'un fossé, appelé Cleuz
fin
, sépare la paroisse de Duault du Prieuré de Landugen,
l'autre limite étant la rivière de l'Yée (Hyère).
La Révolution mit fin à la dispute mais ne régla
point la discorde entre Landugen et Duault puisqu'il fallut
cinquante ans pour que Landugen fasse partie intégrante de
la commune de Duault. Peut-on s'imaginer, en suivant cette
belle rivière de l'Hyère, que ce petit territoire soit si
chargé d'histoire.
Joseph Lohou.(Janv.
1989)
Note
sur la définition d'un Prieuré :
Le prieuré est un petit monastère dépendant d'une
abbaye, mais situé à une certaine distance de celle ci.
Cette distance obligeant l'abbé à nommer un prieur qui
sera responsable et dirigera la petite communauté de moines
et le territoire dépendant du prieuré.
Ce territoire est destiné a assurer les revenus destinés
à la vie de la communauté, aux oeuvres et aux travaux des
bâtiments. Les revenus étaient parfois très importants et
parfois forts modestes.
A l'époque de "décadence" des abbayes, les
revenus furent souvent attribués en bénéfice à la
personne nommée prieur ou furent parfois mis en commende,
c'est à dire attribués à une personne extérieure qui
touchait directement
les revenus fonciers....