DE LA CHANSON POPULAIRE BRETONNE
Jaffrennou
(François) est né le 15 mars 1879 à Carnoët, dans la Cornouaille des
monts, où son père était notaire. Sa mère, Anna Ropars, de Bolazec,
était une fervente Bretonne (1).
Ses
parents, quand il a douze ans environ, l'envoient faire ses humanités à
l'Institution Notre-Darne de Guingamp. Pendant les deux ou trois années
qu'il y passa, il rimaillait des sones et des gwerzes bretonnes, au
grand désespoir de ses maîtres. Il va continuer et terminer ses études
à l'École Saint-Charles, de Saint-Brieuc. Il était en seconde dans cet
établissement (1895-1896), quand il fit la connaissance de M. F.
Vallée, qui l'avait fait demander au parloir. M. Vallée, après quelques
visites, soumit à Jaffrennou un projet qu'il nourrissait : créer à
Saint-Charles un cours de breton. Tous deux, en unissant leurs efforts,
parvinrent à en faire une réalité : M. Vallée se chargea d'aller
trouver le Directeur de l'École et d'obtenir l'autorisation, Jaffrennou
de recruter des élèves parmi ses camarades. Ayant tous deux réussi, le
cours de breton commença modestement avec six élèves et Jaffrennou en
plus. L'année suivante le nombre en avait doublé.
Ses
études étaient à peine terminées qu'en août 1898 eurent lieu de belles
fêtes bretonnes à Ploujean et à Morlaix : comme conclusion, ce fut la
fondation de l'Union régionaliste bretonne, avec comme président,
Anatole Le Braz. Les Bretons bretonnants qui étaient accourus et
prenaient part aux délibérations obtinrent que fut créée une section de
langue et de littérature bretonnes :
(1)
A la mort de sa mère survenue en 1913, Jaffrennou, avec un zèle pieux
et filial, publia un choix de gwerziou composées par elle : En envor
euz Anna Ropars (1839-1913) — Eun dibab euz he gwerziou. (Keraez,
Moullilrez Ar Bobl, 1913)
M. F. Vallée fut désigné comme président et Jaffrennou comme secrétaire.
En
1898-1899, Jaffrennou passe une année à Morlaix : chaque semaine, dans
le journal La Résistance, il publie une « page bretonne ». Au début de
1899, il fait paraître son premier recueil de poésies bretonnes, An
Hirvoudou (Saint-Brieuc, R. Prud' homme), qui reçoit du public breton
un accueil enthousiaste. En juillet, Jaffrennou se rend au Pays de
Galles, avec une délégation pour assister aux fêtes bardiques de
Cardiff, et à l'Eisteddfodd qui s'y tint le mardi 18 juillet, il reçoit
et le titre de barde et le nom de Taldir ab Herninn. Le 20 août de
cette même année, la troupe de Ploujean qui s'était illustrée, au mois
d'août précédent, en représentant le vieux mystère de Saint Gwennolé,
joue de lui, à Ploujean, une petite comédie en trois actes, Ar
Bourc'hiz lorc'hus (Morlaix, F. Hamon, 1899), dans laquelle il
ridiculise un bourgeois qui se dit antibreton. C'est aussi à peu près à
cette même époque qu'à Saint-Michel-en-Grève, il fonde le Ti Kaniri
Breiz, de concert avec Y. Berthou, A. Lajat, F. Even et quelques autres.
En
octobre 1899, Jaffrennou va à Rennes faire son droit, ses parents
désirant faire de lui soit un notaire, soit un avocat ou un magistrat.
Tout en étudiant les différents Codes, il n'oublie pas qu'il est
Breton. Deux mois environ après son arrivée à Rennes, il fait la
connaissance du directeur de l'Ouest-Eclair, alors à ses débuts, plutôt
difficiles, et obtient de lui de publier dans le journal, tous les
lundis, deux colonnes de breton. Cette innovation fut heureuse pour le
journal, car elle influa sur la vente dans les départements
bretonnants. Quelques mois après, Jaffrennou fondait à Rennes la
Fédération des Étudiants bretons, dont il devenait le président. Au
mois de juillet, c'est la publication de son deuxième recueil de
poésies, An Delen dir (Saint-Brieuc, R. Prud'homme, 1900), dont le
succès fut égal, sinon supérieur, au premier.
Son
service militaire accompli en partie au 48e de Guingamp, en partie au
Peloton des Dispensés, à Saint-Brieuc, sa licence de droit terminée,
Jaffrennou revient à Carnoët, travailler avec son père, dans la pensée
de devenir notaire comme lui. Tout en transcrivant des actes sur papier
timbré, il songe à publier une revue bretonne qui rassemblerait autour
d'elle tous les Bretons bretonnants. Et il vient à Morlaix chercher un
imprimeur pour mettre son projet à exécution. Il trouve en Alexandre Le
Goaziou, qui dirigeait l'imprimerie de sa mère, le Breton le plus apte
à le comprendre. Le projet est mis au point et, après une circulaire
adressée à un millier environ d'abonnés probables qui donna des
résultats plutôt inespérés, le premier n° d'Ar Vro paraît le ter mars
1904. Devant le succès, Jaffrennou et A. Le Goaziou décident de
s'associer, pour créer à Carhaix une imprimerie destinée à publier et
Ar Vro, et un journal bilingue, Ar Bobl, chargé de répandre, dans un
milieu plus étendu, les idées régionalistes et bretonnes. Autour de
cette revue et de ce journal s'étaient groupés tous les écrivains,
bretons et français, qui s'étaient fait un nom dans le mouvement
régionaliste breton.
Il
serait trop long de rapporter ici ce que fut l'activité bretonne,
toujours bien grande, de Taldir durant la période qui va de la
fondation de ces deux organes à leur disparition, en août 1914,
occasionnée par la guerre qui éclata entre la France et l'Allemagne. Il
n'est guère (l'événement touchant au mouvement breton auquel il n'ait
pris part. Il y a lieu cependant de rappeler qu'en 1911, grâce à la
générosité de Mme Lemonnier, il publia Breiziz, anthologie avec des
notices biobibliographiques, encore à consulter malgré certaines
inexactitudes et erreurs : c'est en effet le seul ouvrage qui permette
d'avoir une vue d'ensemble sur le mouvement littéraire breton au 19°
siècle. En 1913, il obtint le grade de Docteur de l'Université de
Rennes avec une thèse écrite en breton sur Prosper Proux : en la
publiant, Taldir y adjoignit les œuvres publiées par l'auteur et un
certain nombre de pièces inédites.
La
guerre achevée, durant laquelle, comme ses compatriotes, il a fait son
devoir dans les divers postes qu'il a occupés, Jaffrennou rentre à
Carhaix. Les conditions nouvelles, créées par quatre ans d'hostilités,
ne lui paraissent pas favorables pour reprendre le combat régionaliste,
et il cède son imprimerie. Son activité bretonne s'affirme désormais en
prenant part à toutes les manifestations ayant trait à la langue, au
costume et à la danse. Mais son effort le plus grand il le donne au
Gorsedd. Sous sa direction, la société des Bardes prend une ampleur
jusque-là inconnue, et les fêtes qu'il préside, chaque année, dans des
localités choisies aux quatre coins de la Bretagne bretonnante,
rivalisent avec celles que donnent, à peu près à la même date et
l'Union régionaliste bretonne et le Bleun-Brug. A la mort d'Y. Berthou,
Taldir est élu Grand Druide par les Bardes.
En
1927, Jaffrennou devient administrateur et directeur littéraire du
Consortium breton. Quand, après juin 1928, cette revue mensuelle
disparut par suite de certaines circonstances, il fonde, avec un
comité, une autre revue, mais trimestrielle, destinée à la remplacer.
An Oaled, sous son habile direction, connaît une prospérité et un
succès qui n'ont fait que grandir. La guerre ayant éclaté en septembre
1939, Jaffrennou a annoncé la suspension de la revue avec le n° du
dernier trimestre de 1939. — V. nos 123 (1), 171, 703, 804, 807 a-c,
813 a-c, 1023, 1076 (nos 2, 3, 4, 5 (sauf la dernière chanson), 6),
1083.
Œuvres
: En dehors de celles déjà citées, il y a lieu de mentionner : Barzaz
Taldir I (Paris, H. Champion, 1903); II (Carhaix, Imprimerie du Peuple,
1911); III (Rennes, « L'Ouest-Éclair », 1923); Taldir Barde, Choix de
Poèmes. (Paris, E. Figuière, 1933); Teatr Brezonek poblus. (Keraez,
Moullerez ar Bobl, 1911); Gériadur gallek-brezonek (Keraez, Moullerez
ar Bobl, 1913).
A consulter : H. de la Guichardière, Fanch Jaffrennou, Barz
Taldir.
Ab Herninn » (Rev. de Bretagne, sept. et nov. 1904, février et août
1905); — F. Jaffrennou, La Genèse d'un mouvement. Articles, doctrines
et discours (Carhaix, Impr. du Peuple, 1912); — Taldir, Envoradennou
(An Oaled, nos 49, 53, 66 et 68). — Ch. Le Goffic, Dans, la Cornouaille
des .Monts. (François Jaffrennou, dit Taldir) (L'Aine Bretonne, II, p.
24-36).
(1). V. Jaffrennou, Origine du Bro goz ma Zadou (An Oaled, n° 52, 1935, p. 165).
Joseph Lohou( nov.2015-février 2018)