Callac-de-Bretagne

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La Bretagne, terre d’asile la plus proche

Du fait de sa proximité, la France représentait une terre d’asile idéalement située et il ne faut pas s’étonner de rencontrer autant "d’Hibernois" à cette période en Bretagne, la traversée en bateau ne durant que quelques jours.
Cette arrivée massive d’étrangers devient d’ailleurs si préoccupante dans la province que, dès 1603, le Parlement de Bretagne donne l’ordre à ses substituts généraux de faire établir des procès-verbaux afin de connaître le nombre et le nom des émigrants débarqués en provenance d’Irlande.
À cette même époque, d’autres régions de France telles que l’Anjou, la Normandie et la région parisienne sont également touchées par ce mouvement migratoire, au point que la ville de Paris décide en 1607 d’affréter un bateau pour expulser dans leur pays environ 1000 "Hibernois".
Malgré cela, les Irlandais continuent d’affluer et le problème doit être remis à l’ordre du jour lors des États de Bretagne, réunis à Tréguier en 1607. Il y est déclaré : "... le pays se remplit journellement d’estrangers Irlandois tous mendiants...il y en a en si grand nombre à présent que l’on ne voit autre chose dedans les villes et villages du plat pays..." (Fonds Bourde De La Rogerie)
Un document, rédigé en 1666 et intitulé "Estat et rolle des Irlandois catholiques habituéz en Bretagne", est conservé dans les archives du Ministère des Affaires Etrangères. (Manuscrit 1508, folios 329¬336)
Il dresse les noms de 200 émigrés environ, certains avec leurs professions, nombres d’enfants et même quelques anonymes comme ces "trois vieilles mendiantes" à Quimperlé ou une "servante" à Noyal-Pontivy. Chacun d’entre eux ayant une famille, souvent élargie à trois générations avec parents et enfants, on peut donc estimer cette population à plus de 1000 personnes. Ce recensement concerne uniquement les villes de Saint-Malo, Tréguier, Lannion, Morlaix, Saint-Pol-de-Léon, Pontivy, Noyal, Saint-Thuriau, Rohan, Mûr, Neulliac, Guern, Quimperlé, Concarneau, Rosporden, Quimper, Hennebont et Port-Louis. Cette liste n’est donc pas exhaustive. Rennes et Nantes n’y figurent pas. Pas plus que Pont-Croix, Lesneven, Landivisiau, Saint-Brieuc, Plouray, Rostrenen ou Auray par exemple.
Peut-être ce document est-il un fragment d’une enquête plus générale qui portait sur toute la Bretagne ?
Sans doute s’agit-il d’une liste dressée par André Lynch, évêque irlandais en exil en France, notamment à Saint-Malo à cette même période, dans le but d’obtenir des subventions. Il faut rappeler qu’il a œuvré dans ce but et obtenu des aides des États de Bretagne pour lui et les autres évêques irlandais. Sans toutefois être nommé, il figure en tête de cette liste sous l’appellation "L’évêque de Finbor", avec à suivre, ville par ville, les noms des membres du clergé irlandais officiant en Bretagne puis ceux des civils.
Ce document de 1666 souligne l’intérêt majeur que les autorités accordent à cet exode.
Il s’inscrit en droite ligne de ce qui avait été initié en 1603 par le Parlement de Bretagne.
Les réfugiés n’ont pas toujours bonne réputation et il semble bien que cela soit surtout dû au fait qu’ils arrivent en masse.
Un grand nombre de régiments de soldats, en route pour d’autres régions, traversent en effet la Bretagne. " ...ils incommodent le pauvre peuple, le contraignant de les loger jusques à user de violence... ". (Fonds Bourde De La Rogerie)
Leurs épouses et leurs enfants les accompagnent et lorsqu’ils ont des difficultés à se faire payer leurs soldes, ce sont les femmes qui se chargent de mendier auprès de la population locale. Si quelques-uns d’entre eux tombent malades, ils sont laissés sur place à la charge des hôpitaux ou des bonnes volontés, comme à Locronan en 1685 ou on relève le décès d’un enfant « iroi »s, resté avec sa mère après le passage des troupes de l’Irlande...".
Les civils aussi arrivent en groupe. Ce sont en général des familles entières, souvent composées de deux ou trois générations, qui fuient leur pays et qui se regroupent jusqu'à former de véritables communautés dans certaines villes.
D’autre part en ce début de 17ème siècle, la région est régulièrement ravagée par des épidémies et "l’étranger", souvent considéré comme un "pestiféré", représente une réelle menace pour la santé publique.
Si on se réfère aux nombreuses ordonnances votées par les municipalités afin de chasser les Irlandais, on serait en droit de penser qu’ils se sont déplacés vers des régions plus "accueillantes".
L’étude des registres paroissiaux nous dévoile pourtant une tout autre vérité :
Les "Hibernois" ne se sont pas contentés de débarquer en Bretagne. Ils s’y sont souvent installés. Et lorsque leur présence devenait indésirable dans telle ou telle ville, selon les décrets qui y étaient votés, ils ont tout simplement choisi un autre lieu "d’accueil".
On retrouve ainsi la trace successive de certaines familles irlandaises dans des villes bretonnes pourtant très éloignées les unes des autres.

Sources.
Extrait de : » Les réfugiés irlandais au 17° siècle en Finistère »

 Les raisons de cette émigration.