Callac-de-Bretagne



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Petite Histoire de Callac.

                                            "L’homme sans la connaissance du passé est étranger dans sa propre patrie"  

                                                       " Le passé n'est pas mort, il n'est même pas passé"
                                                                                               (William Faulkner-1897-1962)

Préambule     
           

                       

            Il est un coin de Bretagne situé entre Carhaix et Guingamp où se niche une petite ville charmante. Charmante par le paysage enchanteur qui du haut de la tour de Botmel se déroule sous le regard. Ici l’Hyère, affluent gauche de l'Aulne déroule ses flots limpides aux éclairs d’or et d’émeraude qui viennent se briser avec un léger clapotis sur les herbes touffues qui couvrent ses bords, ou bien ils murmurent doucement en minuscules cascades, ou bien tombent avec fracas sur les roues de nombreux moulins à eau. Là bas à l’Est, voici le majestueux clocher de Notre Dame de Bulat, plus haut au sud, c’est Saint-Servais et les sombres forêts de Duault. A l’Ouest, Carnoët, et plus à l’Ouest encore, le gracieux clocher de Plusquellec.

Voici comment Charles de FRÉMINVILLE et l'abbé Antoine FAVÉ décrivent notre charmante cité, une vue sombre pour le premier rattrapée par une description légèrement dithyrambique pour l'abbé :

 »Lorsque, après 1830, Monsieur de Fréminville vit, au passage, la petite ville de Callac, son impression fut plutôt médiocre : il se la rappelle »isolée au milieu d’une contré sauvage, presque inculte et couverte de bois, - semblable à une île au milieu d’une vaste mer : « île si l’on veut, ajoutons nous, mais non radeau, au milieu d’une mer de verdure, à la frondaison touffue, profonde et moutonnée. Pour nous, nous avons trouvé tout autre ce coin de haute Cornouaille annexée à un département voisin : pastiche d’un paysage d’Helvétie, ou évocation d’un site de la belle Lorraine ; beau, pittoresque à peindre et à chanter…
Ce plaisant pays où la bombarde faisait des effets si saisissants au fond des bois, et lorsque ses notes aigrelettes et éclatantes se répercutaient à travers les vallons et les méandres tantôt argentés, tantôt limoneux de l’Hyère… »

Abbé Antoine FAVÉ – 1903- Bulletin archéologique du Finistère- année 1890.


 

 


            Le château fort.

           
            Tous les auteurs et historiens de la région font mention de la date probable de la construction du château aux environs de l'an 1200, mais aucune étude sérieuse ne permet d'infirmer cette date. Tout au plus peut-on émettre une autre hypothèse, elle aussi sujette à caution, les seigneurs de Ploesquellec également sieurs de Kernormand, auraient abandonné la motte féodale de ce lieu pour un endroit plus escarpé et donc plus facile à défendre.


Vue équivalente d'un château du 16° S.  
(Henri Frotier de la Messelière indique sous ce dessin la mention suivante :
La ville et le château de Callac-Côtes-du-Nord d'après un dessin reproduit 
dans le bulletin paroissial de Callac, conservé à Restellou en Callac
par Monsieur Capitaine- 19 octobre 1931)

           
            Au cours des années qui suivirent, les habitants des alentours vinrent chercher refuge et protection autour du château et c'est ainsi que Callac pris son essor. De ce vieux château, si renommé autrefois, il ne reste plus une pierre, plus une ruine, plus un pan de mur debout, qui atteste ses jours passés.. C'est à peine si dans les traditions locales, dans les mémoires des anciens il y est fait une discrète allusion.. Seuls quelques personnes ayant le culte du passé, l'amour des vieilles choses, un attrait pour l'histoire locale savent qu'autrefois une importante forteresse dominait de ses vieilles tours la petite cité callacoise. Depuis près de 400 ans, elle est détruite et le temps inexorablement aurait complètement enseveli la souvenance si par un hasard le chanoine Le Men, recteur de Callac avant 1914  n'avait trouvé sa description dans les archives de la paroisse. Il en fit une étude et publia celle-ci dans le bulletin paroissial.en 1914. Malheureusement cette collection a mystérieusement disparue des Archives Départementales où ne subsiste qu'un seul feuillet. Voici un résumé de cette description:

" Le château était bâti à la pointe du promontoire rocheux de 170 mètres d'altitude qui se termine à la jonction des deux vallées de Pont ar Vaë et de l'Hyère, près d'une gorge profonde facile à inonder par le barrage du moulin de Callac que l'on appelait autrefois, barrage du Blandelet.

La pente abrupte du promontoire rendait l'escalade extrêmement périlleuse. L'assaillant se trouvait en outre au sommet en présence d'une solide enceinte, derrière laquelle se retranchaient les défenseurs. Dominant le tout, le fier castel se profilait sur l'horizon avec sa masse sombre dans sa rudesse et sa nudité.


Le château de Callac était un édifice assez important composé d'un grand corps de logis ou demeure seigneuriale. Au sous-sol, on trouvait deux grandes caves aux immenses voûtes. Le  rez-de-chaussée était aménagé en trois grandes salles également voûtées et l'étage comprenaient trois chambres hautes de mêmes dimensions que le rez-de-chaussée. L'ensemble était éclairé par douze fenêtres à grilles pendantes.


Vue générale de Callac(dessin original)

Un escalier de 44 marches montait des caves aux grandes salles et un grand escalier de 77 marches conduisait aux chambres hautes. Derrière les chambres hautes s'ouvrait une galerie crénelée sur laquelle donnaient trois huisseries ou ouvertures avec fenêtres et petites lucarnes.

Cinq grandes cheminées se partageaient la toiture. Le corps du logis avait 71 pieds (23,50 m.) de longueur sur 43 pieds (41,20 m.) de large et 45 pieds (14,85 m.) ; l'épaisseur de ses murs variait de 8 pieds (2,65 m.), 11 pieds (3,30 m.), à 17 pieds (5,60 m.. Le tout était construit de   " pierres de grains ", taillées et mésusées (polies) à la pointe de marteau, d'où le métier de picoteur de pierres.

Joignant les murs des grandes salles " vers le matin ", un corps de logis haut de 30 pieds (10 m.) et voûté, conduit à une grande tour ou prison où l'on voit plusieurs voûtes et fenêtres avec un escalier de 5 marches. A l'autre bout est un rempart garni de créneaux et voûté qui aboutit à une grande tour  et prison dont les murailles ont une épaisseur de 12 pieds(4 m.) sur 34 pieds (11,2 m.) de haut et le pourtour extérieur " six-vingt-neuf " ou 129 pieds (42,50 m. A l'extrémité opposée, un rempart de 24 pieds (6,80 m.) de haut relie la tour centrale à la grosse tour et prison du Nord. Celle-ci, haute également de 24 pieds possède deux grandes boucles à grilles pendantes. Son contour extérieur mesure six vingt dix sept pieds ( 137 pieds-56 m.), l'épaisseur de ses murs 12 pieds et demi (4,10 m.). Le tout est fait de pierre de grain. A l'intérieur, un escalier conduit au sommet et descend jusqu'à la partie basse. Faisant suite à cette tour et à angle rentrant vers la cour du château se trouve un bâtiment long de 44 pieds (14,50 m.), large de 43 formant rempart sur le vallon de Pont-ar-Vaë. Son mur extérieur mesure  en lèze[1] 13 pieds (5,40 m.), son mur de jonction 8 pieds (2,60 m.) et celui de la façade 6 pieds et demi (2,15 m.) Cette construction massive renferme une cuisine avec deux larges cheminées, trois huisseries, deux grandes voûtes, plusieurs fenêtres et un four à pâtes. Comme les forteresses de l'époque, le château était entouré d'un mur d'enceinte continu coupé seulement d'une porte unique que l'on ne franchissait pas aisément. Cet enclos renfermant cour, issue, fondier et jardin avec une superficie de deux journaux et demi et 88 cordes. Cette superficie correspond assez exactement à celle fournie par le plan cadastral et comprend le terrain limité par une ligne droite allant de la  rue Jobic et aboutissant vers la propriété des (*)

.Le plan d'ensemble de la forteresse de Callac affectait la forme triangulaire dont le "Kleun-Meur " formait la base. De l'enceinte du château proprement dite et que nous venons de décrire partaient deux murailles rejoignant les deux extrémités du "Kleun-Meur". Une rue de Callac porte encore le nom,  légèrement modifié en rue du Cleumeur. Au XII° siècle, le kleun-meur n'était autre chose que de gros remparts de terre surmontés de fortes palissades de bois. Ces retranchements et palissades étaient eux-mêmes défendus à l'extérieur par des douves profondes. Derrière ces fortifications se réfugiaient en cas de guerre, les vassaux et les sujets de la seigneurie qui aidaient à la défense du château. Cette seconde enceinte était percée au sud de deux portes contiguës donnant accès dans la place. Vraisemblablement cette double porte a donné son nom à la "rue des Portes" qui s'était formée plus tard à l'entrée de la citadelle féodale. Le château de Callac, assis sur son éperon rocheux entre deux vallées, ceint d'épais remparts, armé aux angles de tourelles, constituait une forteresse d'une puissance sérieuse. Peu à peu attirés par la sécurité qu'il assurait dans le pays, les sujets de la seigneurie construisirent dans l'enceinte des habitations disséminées sans ordre apparent, à l'ombre des tours féodales. Une chapelle sous le vocable de Sainte Catherine existait pour le service religieux des châtelains, de la domesticité, des défenseurs et des habitants. L'histoire attribue la construction du château à un comte de Poher.


Le Vicomté de Poher


A la fin du XI° siècle et au commencement du XII°, la Vicomté de Poher comprenait les trois petits domaines ducaux : Landeleau, Châteauneuf-du-Faou et le Huelgoat, en plus de la châtellenie de Carhaix. Le Poher tenait sous sa mouvance, outre bien d'autres fiefs, deux baronnies importantes, Callac avec ses treize paroisses et Rostrenen avec ses douze paroisses. C'était sans contredit la plus grande seigneurie de Cornouailles et l'une des plus étendues de Bretagne. Bien que très considérable, elle ne portait cependant au XI° et XII° siècles que le titre de vicomté. Par la mort sans enfants du duc Conan II, le Poher fut transmis à Havoise, femme de Hoël, comte de Cornouailles, qui devint du même coup Duc de Bretagne. Ainsi  le Poher se retrouva pendant quelques temps uni au comté de Cornouailles. Bientôt Hoël ou Alain Fergent se décida à le donner en fief à l'un de ses chevaliers, Tanguy qui de 1105 à 1108 s'intitula vicomte de Poher. En 1205, le Poher rentra définitivement dans le domaine ducal. Ce court précis historique et chronologique n'est pas sans intérêt car il permet de dater au XII° siècle la construction du château de Callac, c'est-à-dire avant l'annexion du Poher au domaine ducal. Le château de Callac, placé sous la mouvance du château de Carhaix partagea ses vicissitudes durant la guerre de Sécession de Bretagne.


La Guerre de Sécession de Bretagne ou la guerre de deux Jeanne.

   Celle-ci survint à la mort du duc Jean III en 1340. Le 7 septembre de la même année le Conseil des Pairs attribue le duché de Bretagne à Charles de Blois, neveu de Philippe de Valois et époux de Jeanne de Penthièvre, nièce du duc. Jean de Monfort, frère consanguin du défunt, décédé ne s'incline pas et implore l'appui de l'Angleterre; la guerre éclate. Elle durera près de 25 ans, animée par Jeanne de Penthièvre et Jeanne de Monfort, d'où le nom de guerre des deux Jeannne.Le Traité de Guérande, signé le 12 avril 1365 nomme Jean de Montfort second du nom, duc de Bretagne, mais en s'engageant à ne reconnaître pour suzerain que le roi de France. La guerre de Succession couvrit de ruines et de sang toute la Bretagne ; ce fut surtout une guerre de sièges et de " folles entreprises ", conduites de part et d'autre sans méthode ; elle est néanmoins un des épisodes les plus intéressant de l'histoire du moyen âge. La chevalerie en décadence y jeta son dernier éclat. La Bretagne elle-même, pare les efforts que fit le vainqueur pour guérir les maux dont son peuple avait tant souffert, se vit élevée à un degré de prospérité qu'elle n'a jamais dépassé, et elle acquit dans les arts une aptitude qu'on ne lui avait pas connue. A la fin du XIV° s. Et pendant le XV°, les pays se couvrit de châteaux aussi bien construits dans leur masse que bien ordonnés dans leurs détails ; les anciens sanctuaires furent rebâtis avec un luxe monumental et dans un style plein de verve et d'originalité.

 Assiégé en 1341, 1342 et 1345, la forteresse fut tour à tour prise et reprise par les soldats des deux compétiteurs au duché de Bretagne. Il est même fort probable que pendant le siège de Carhaix par Du Guesclin (+ 13.07.1380 Châteauneuf-de-Randon-Lozère) en l'an 1363, au siège d'Auray, le 29 septembre 1364, le château eut à subir l'assaut de ce redoutable homme de guerre.

 .
Bertrand Du Guesclin(1320-1364)
Connétable de France.

 Enfin, après plusieurs sièges, le château de Callac fut condamné à être démoli par ordre du roi en 1393.Les démolisseurs patentés du roi avaient porté la désolation sur le sommet escarpé où se dressait la forteresse. Le château moyenâgeux démantelé de ses tours et de ses créneaux dressa quelques temps encore ses ruines éloquentes au milieu de sa solitude au-dessus de la riante vallée où l'Hyère aux capricieux méandres avait repris librement son cours. On ne reste pas éternellement sur des ruines, on les relève et les sieurs de Ploesquellec, ramage du Poher  ne tardèrent  pas à rendre à leur demeure féodale en partie du moins sa force et sa puissance de jadis. Dans la seconde moitié du XV° siècle, Louis XI, roi de France par sa politique habile visait à annexer le duché de Bretagne à la couronne. Sous cette menace éventuelle et avec le pressentiment que la guerre allait devenir inévitable, François II (1458-1488), le dernier duc de Bretagne, se préoccupa de mettre les places fortes de son duché en état de défense. Il promulgua le 9 septembre 1475 une ordonnance prescrivant au seigneur de Callac d'imposer plus fortement les sujets de la seigneurie. Les droits de billot[2] sur les marchés et foires devraient être consacrés au rétablissement et renforcement des fortifications du château afin de défendre les sujets contre les éventuels ennemis du pays. Cette même ordonnance rappelle que le château se trouve dans une position naturelle très forte et dans un site merveilleusement adapté à la défense. Moins de 80 ans plus tard, c'est à dire vers 1551-1552, sous Henry II, roi de France et duc de Bretagne, le château est à nouveau détruit et démantelé, mais les causes de cette démolition restent encore inexpliquées.


La Seigneurie de Callac sous l'autorité de L'abbaye de Quimperlé


En 1516, le 18 août, fut signé au concile de Latran, entre le pape Léon X et le roi de France François 1er , le fameux Concordat dit de « Bologne », qui reconnaissait au roi le droit de disposer des dignités ecclésiastiques, et la nomination des évêques et des abbés ne dépendit plus d'un chapitre de chanoines et de moines, mais du bon plaisir du Roi.

Ce Concordat, imposé à l'Église, fut la principale cause de la décadence des ordres religieux en France. Les abbayes et les autres bénéfices ecclésiastiques échurent aux prélats qui jouissaient de la faveur royale. Des courtisans, des hommes de guerre  reçurent, en échange de services qui n'avaient rien d'ecclésiastique, des titres d'abbés et surtout de bénéficier des biens de leurs monastères, cette faveur prit le nom de commande.                              

   " Le régime de la commande avait fini par sataniser les monastères"
           

Sainte-Croix de Quimperlé eut à souffrir aussi de ce malheur du temps que l'historien de l'abbaye appelle :

 "Une saison où l'on aboyait après la mort des réguliers pour envahir leur crosse... ".

L'abbé Daniel de Saint-Alouarn, dernier abbé régulier de Sainte-Croix, étant mort en 1553, le roi Henri II usa du pouvoir que lui donnait le Concordat et nomma le 21 novembre 1553 abbé de Quimperlé, Odet de Coligny. Celui-ci, comblé de charges, cardinal de Chastillon, archevêque de Toulouse, évêque et comte de Beauvais, pair de France, défraya la chronique de l'époque. Fils de Gaspard de Coligny et Louise de Montmorency, et frère de Gaspard, amiral de France, il adhéra aux thèses calvinistes et s'engagea dans l'hérésie, puis épousa Élisabeth de Hauteville qu'il avait entretenue longtemps en secret. Privé de ses bénéfices par arrêt du Parlement en 1569, il s'exila en Angleterre où il mourut en 1571.


 Les Gondi [3]



Les Gondi étaient d'origine italienne et leur maison avaient joué un rôle important à Florence, au XIIIe siècle. Un des membres de cette famille, Antoine de Gondi né en 1486, vint s'établir banquier à Lyon. Il fut remarqué par Catherine de Médicis qui le prit pour maître d'hôtel ordinaire du Dauphin, futur roi Henri II Antoine de Gondi épousa, en 1515, Catherine de Pierrevive dont il eut cinq enfants : Jean, Albert, Pierre, Charles, Méraude, Marie.
Albert, né à Florence le 4 novembre 1522, épousa, le 4 septembre 1565, Claude Catherine de Clermont, veuve de Jean d'Annebaut, baron de Retz ou Rais. Il commanda huit armées et servit cinq rois de France : Henri II, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV. Confident de Catherine de Médicis, son ascension aux plus hautes fonctions de la cour, suscita les plus vives réserves de la part des princes royaux. Il fut, dit-on, l'instigateur secret de la Saint-Barthélemy.

En 1572, le comte de Montgomery, chef d'une flotte de protestants français, hollandais et anglais qui, ayant échoué dans une tentative de secourir la ville de La Rochelle, s'empara de Belle-île, dans l'intention de s'y établir. Charles IX; s'apercevant que les moines ne pouvait défendre l'île, donna celle-ci à Albert de Gondi et l'érigea en marquisat avec charge de faire construire un fort, d'entretenir une garnison et un état-major. Le comte de Montgomery, sous la pression des forces conduites par le nouveau marquis de Belle-Île, évacua l'île.

Belle-Ile.

 

« En 1508, on y rencontre pour la première fois une garnison française ; en 1549 une citadelle est établie et François 1er y nomme un gouverneur, François de Rohan, seigneur de Gié, lieutenant général du Roi en Bretagne. En 1572, L’abbaye de Quimperlé échange l’île contre des domaines situés en « grandes terres » avec Albert de Gondi, duc de Retz, dont les héritiers la vendent en 1658 au fameux surintendant des Finances Fouquet ; en 1718, la suzeraineté passe au Roi, qui dédommage la famille Fouquet au moyen de biens situés dans le midi de la France… »

 


Le contrat de permutation se fit en 1572, comme mentionné dans l'aveu qui suit ; mais les abbés de l'abbaye de Sainte-Croix n'étant pas d'accord avec le duc de Retz, Albert de Gondi, pour l'évaluation des terres qu'on leur offrait, terres et seigneuries de Housillé et de Callac, entamèrent un procès qui se termina en 1584.Cette même année 1572, Pierre de Gondi, frère d'Albert et évêque de Paris reçut le bénéfice de la commande de l'abbaye de Sainte-Croix. Il délégua ses pouvoirs à Pierre de Labesse, chanoine de Notre-Dame de Paris pour la gestion du monastère de Quimperlé.

Un premier acte, du 26 juillet 1578 signé à Paris donne :

 "une procure par laquelle Pierre de Labbesse accepte la récompense que Messire Albert, baron de Retz, Maréchal de France est tenu de bailler audit Seigneur Abbé du couvent de la dite abbaye"

 L'affaire n'est partiellement conclue que le 7 janvier 1583, mais Pierre de Labbesse meurt en 1584 et Silvius de Pierrevive qui porte le même nom que Marie de Pierrevive, mère d'Albert et de Pierre de Gondi, est nommé abbé de Sainte-Croix.
            En décembre 1584, un arrêt du Parlement de Rennes termine l'affaire, Belle-Île passe aux mains des Gondi et l'abbé de Sainte-Croix de Quimperlé devient seigneur de Housillé, près de Vitré et seigneur de Callac, succédant ainsi à Albert de Gondi (1565-1572), à Claude de Villeblanche,seigneur de Broons (1534-1565) et à Maurice de Plœsquellec(1442) après la mort de son père Ollivier.
Comme on le voit par les extraits précédents, ce ne fut pas de leur plein gré que les moines vendirent Belle-Île, mais bien obligés devant des raisons politiques et la puissance royale.

Les Abbés de Sainte-Croix de Quimperlé, seigneurs de Callac.

            Pierre de Gondi, frère d'Albert, évêque de Paris, conseiller du roi et ministre du Commerce fut abbé en titre de Sainte-Croix et malgré la délégation de pouvoir exercée par Pierre de Labbesse et les litiges, peut être considéré comme le premier seigneur abbé de Callac de 1573 à 1584.
            Silvius de Pierrevive, parent des Gondi, sous lequel l'abbaye perdit le contrôle de Belle-Île, ne resta abbé que de 1584 à 1588. Henri de Gondi, fils d'Albert et cardinal de Retz, succéda presque à son oncle Pierre. Il resta à la tête de l'abbaye sous Henri III, Henri IV et Louis XIII, soit pendant près de trente quatre ans.
           
          
Jean François de Gondi.
              

Jean-François de Gondi, neveu d'Henri, doyen de la Sorbonne et archevêque de Paris, succéda à son oncle le 10 août 1624. Il abandonna la direction de l'abbaye en 1668. Ce fut pour les Gondi et apparentés un règne de près d'un siècle sur cette riche abbaye bénédictine. et la seigneurie de Callac.
            Guillaume Charrier de La Roche, fut le trente-huitième abbé et le septième commendataire. Lyonnais d'origine, ce gentilhomme, né le 10 août 1641, reçut en commande l'abbaye de Ste Croix par la grâce du Cardinal de Retz. Il vint en prendre possession le 23 juin 1668, accompagné de M. de la Corbière, abbé de Valence, conseiller au Parlement et de l'abbé Rousseau.

A l'inverse de ses prédécesseurs, l'abbé Charrier vécut, non pas à la Cour royale, mais à Quimperlé, L'abbé Charrier entreprit de grands travaux pour rendre à l'église Ste Croix et au monastère son lustre d'antan, le  financement de ses travaux provint de la vente d'arbres de haute futaie abattus dans la forêt de Callac.

Guillaume Charrier dirigea le monastère pendant 49 ans et se retira ensuite dans les environs de Lyon, au château de la Roche où il décéda le 5 septembre 1717, à l'âge de 76 ans.

            Pendant la Révolte du Papier Timbré en 1675 et 1676, il servit de médiateur entre les révoltés et les troupes envoyées par le Duc de Chaulnes pour combattre les mutins. Mais revenons à notre château de Callac que nous trouvons à la fin du XVI° siècle aux mains des moines bénédictins* de Quimperlé. L'état de délabrement de l'ancienne forteresse est patent et les nouveaux seigneurs religieux sont à bout de ressources. Ils durent recourir à des expédients et en 1589 ils prirent le parti de le couvrir de genêts et imposèrent à cet effet des corvées à leurs vassaux. C'était l'agonie qui commençait pour le vieux donjon.  

                                                                 

 

 

L'Ordre des Bénédictins.

On désigne par Bénédictins l'ensemble des communautés monastiques qui se rattachent a la règle de saint Benoît. Ils partagent leur temps entre la prière commune au chœur, la prière personnelle, la lecture de la parole de Dieu et le travail. Il s'agit de moines vivant en communauté sous l'autorité d'un père Abbé. Saint Benoît définit au VI° siècle des règles de vie monastique pour les moines du Mont Cassin, s'inspirant pour cela des règles de vie des premiers moines Égyptiens du IV°  siècle. Cette règle fera rapidement la conquête de l'Europe en attendant de faire celle du monde. Les Bénédictins ont forme au cours des siècles plusieurs grandes familles. Cette diversité manifeste la vivacité  de la règle et la richesse de son enseignement.

La famille dite de Saint Maur.

La famille dite de Saint-Maur, du nom d’un disciple de Saint Benoît, est l’une des dernières manifestations de la réforme bénédictine en France. Elle surgit en 1618 avec le dessein de restaurer les antiques principes de la Règle bénédictine. Mais en raison de la place accordée au travail intellectuel dans ses monastères, la congrégation sera une pépinière d’érudits.

(Dom MABILLON,(1632-1707) un savant mauriste, chercheur et voyageur,  l’un des créateurs de la science historique moderne.
Le moine et l’historien- Œuvres choisies. Précédée d’une biographie de dom Henri LECLERCQ. Édition établie par Odon HUREL – Robert Laffont, collection Bouqins.)

 


                                                    Les guerres de la Ligue  

           
           
Entre 1589 et 1598, la Bretagne est touchée par les troubles de la Ligue. Le duc de mercœur, gouverneur de la Bretagne  est vaincu par Henry IV et doit se soumettre. Tour à tour, le château entendra retentir les clameurs des hommes de guerre montant à l'assaut ou abritera derrière ses remparts des bandes de pillards qui s'en sont emparés pour en faire leur quartier général et l'entrepôt de leurs vols et rapines.

            Dans ses mémoires, le chanoine Moreau[4] nous apprend que pendant l'année 1592, quelques gens de guerre se disant appartenir au parti du roi Henry IV s'étaient fortifiés dans les ruines du château de Callac à quelques lieux de Carhaix d'où ils ravageaient les paroisses voisines. Don Juan d'Aguila, célèbre général espagnol, résolu, après la prise de Rostrenen, d'en purger le pays. Dès qu'ils se virent assiégés dans leur repaire, les brigands ne tardèrent pas à se rendre. Les fortifications qu'ils avaient faites furent détruites "pour ne pas donner occasion à d'autres de s'y loger ". Il parait que les mesures prises par Don Juan d'Aguila eurent peu d'effet, car nous voyons dès le mois de septembre 1592 le château de Callac occupé par des bandes de ligueurs sous les ordres du capitaine Du Mas, vivant de rapines comme leurs devanciers. D'autres leur succédèrent jusqu'au mois de décembre 1597, date de la soumission des derniers ligueurs, et de la présence à Callac des soudards de Monsieur de la Rivière.

            Le sieur de Bourgerel, lieutenant du cruel Fontenelle, celui-là même qui détruisit Penmarch en 1595 et fit tant régner la terreur dans la Cornouaille, s'était logé dans le château cette année 1595 et son séjour dans cette place fut l'occasion du curieux document qui suit. :

            " Le sieur de Bourgerel, lieutenant du sieur de la Fontenelle, capitaine des chevau-légers et commandant en son absence la ville et le château de Callac.

            Nous défendons à tout soldat de quelque qualité ou condition qu'il soit de s'aboucher avec l'ennemi, sans avertir son chef, sous peine de mort

            Nous défendons aussi à tout soldat de partir en guerre sans l'autorisation de son chef, sous peine d’être passé par les armes.

            Il est défendu à tout soldat de se loger plus loin qu'une portée de canon du dit château de Callac, sous peine d'être puni à la discrétion de son chef.

            Nous enjoignons aussi aux soldats factionnaires de s'acquitter de leur devoir de garde sous peine d'être punis à la discrétion de leurs dits chefs.

            Défendons à tous les habitants et paysans de retenir les soldats sans avertir le dit chef, sous les mêmes peines que ci-dessus.

            Il est défendu aux soldats de toucher aux dits paysans ou autres, le jour du marché ni autres jours, dans la ville de Callac sans permission dudit chef sous peine d'être punis à la discrétion dudit chef.

            De plus, nous enjoignons à tous ceux faisant état de tenir taverne ou hostellerie en cette ville, d'être toujours garnis et pourvus de tous les vivres requis pour la munition des soldats et autres sous peine  d'être punis à la discrétion dudit seigneur, avec commandement exprès aux soldats et autres de vivre en bonne intelligence avec les dits hôtes sous peine d'être punis à la discrétion.

            De même, commandons aux habitants de cette ville et pays circonvoisins de ne receler aucun prisonnier, ni suspect à notre garnison, sous peine d'être punis à la discrétion du seigneur.

            De même, commandons à tous les boulangers et autres marchands trafiquant en quelque sorte de marchandises que ce soit, de faire juste prix et livraison de leurs marchandises, sous peine de confiscation de leurs marchandises.

            De même, il est défendu à tout soldat de s'accommoder en leur logement en dehors de la discrétion et permission de leur chef sans étiquette, seulement de leur coucher, feu et litière pour leurs chevaux sous peine d'être punis à la discrétion de leur chef.

            Signé : BOURGEREL.

            Par commandement du sieur.

            Signé : M. MEVEL."  

Voir l'acte original de cette lettre.


Destruction du château. (Voir Lettre patente du Roi LOUIS XIII)


L'antique château fort du XII° siècle tant de fois assiégé, ruiné, réparé, reconstruit est hélas voué à la destruction inévitable.

Par lettre patente du roi Louis XIII et un arrêt de la Cour de Paris du 14 août 1619, sa démolition fut ordonnée, non par Richelieu comme le suggère certains auteurs mais par Charles Luynes, marquis d'Albert et duc de Luynes, en cour à cette époque, en l'absence de Marie de Médicis.

Situé à la partie sud-ouest du département et dans l'ancien évêché de Cornouailles, Callac  est une petite ville sans histoire mais non sans passé.
La petite ville de Callac, à laquelle tous les dictionnaires géographiques de France s'obstinent à donner la qualification de bourg, ne nous semble pas fondée à se prévaloir d'une origine antique. Dès le quinzième siècle, sans doute, quelques maisons isolées abritaient là un petit nombre d'habitants vivant sous l'aile protectrice du château. Celui-ci, situé à l'Est de la ville, sur le versant d'une colline qui domine la rivière d'Hyères. Des fossés( l’un d’eux porte encore le nom de Cleuz Meur, grande fosse) et des étangs ( Coz Stang  est maintenant sous prairies) l’entouraient.

 

                                                                           Joseph Lohou (mars 2005°
                                                                           mise à jour :juillet 2008)

 
Il est intéressant de connaître ce que disait l'historien Benjamin Jollivet de Callac dans les années 1850 à 1860 lorsqu'il parcourait les Côtes-du-Nord.

           

Sources.

Archives Nationales – CARAN- Paris- cote :
Archives Départementales des Côtes d’Armor – cote H 399.
 
GUILLOTIN, Jean - "Callac autrefois"- Jean Guillotin, Frère des Écoles chrétiennes à l'école Saint Laurent de Callac dans les années 1925-1930 , féru d'histoire locale, rassembla dans un petit opuscule toute une série d'évènements trouvés dans les archives de la fabrique de Botmel. Ce récit publié en 1929 avait été conservé par M. Eugène Le Provost, clerc de notaire en l'étude de M° Guilcher à Callac et a servi à la rédaction de ces quelques pages.
En février 2005, les éditions du Livre d'Histoire-Lorisse font paraître, à partir de l'édition de 1929, dans une collection dirigée par M.G MICBERTH, Monographies des Villes et Villages de France, "Callac Autrefois", Histoire, curiosités, légendes, vieilles coutumes. et qui porte la référence ISBN 2-84373-652-8  et ISSN 0993-7129. Ce livre est en vente à la librairie de La Louve, place du Centre à Callac.
                                                             
                                   



[1] Lèze, laege, laisse, laize : largeur. La laize,d’un jardin (XV° siècle). Dict. de l’Ancienne langue française.

[2] Droit de billot : tribut levé sur la vente de vin au détail – Les taverniers suspendaient au-dessus de leur porte un billot de bois pour indiquer qu’ils vendaient du vin au détail – Devoir de billot, impôt.Dict. de l’ancienne langue française.

[3] CORBINELLI, Histoire généalogique de la famille de Gondi – Paris. 1705-2 vol.in-4.

[4] MOREAU, Jean, chroniqueur français du XVI° siècle, chanoine de Quimper et partisan de la Ligue.


 
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