Callac-de-Bretagne

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Pierre Joseph FERCOQ de KERLEAU

                                                              

Un républicain authentique et sincère.

On ne peut parcourir les dossiers des archives relatives à la Révolution de la région de Callac sans rencontrer un personnage hors du commun, fin politique, ambitieux en diable, un protagoniste protéiforme, un ardent défenseur des nouvelles lois républicaines, j'ai cité Pierre Joseph FERCOQ. Le patronyme est fréquent  dans la région, il provient d'une famille de notaires et tabellions locaux mais également à la cinquième génération d'une famille écossaise du nom de FLOYD qui fit souche dans la région après " la Conspiration des Poudres " en 1605.[1]

Archives Nationales. F 1 b II (Côtes-du-Nord). Photo Archives Départementales des Yvelines.

Cette affiche[2] est antérieure à la désignation des membres du directoire du département.

Parmi les élus, on relève dix-huit avocats, un procureur, cinq négociants, quatre propriétaires, trois cultivateurs, deux curés dits " recteurs ".

Nous voyons ainsi que Pierre Joseph Fercoq dit l'aîné accompagne Kersalic Hamon et Le Bail, tous  trois avocats et Yves Derrien, de Trébrivan, l'un des trois administrateurs cultivateurs du département.


Administrateur du département en costume.

 Il cumule les fonctions : Sous l'Ancien Régime, il est successivement notaire, puis au décès de son père Gabriel Joseph en 1783, il reprend sa charge de notaire royal et avocat au Parlement de Bretagne à Rennes en 1786.Puis la même année, il est nommé premier juge civil criminel et gruyer[3] de la Juridiction de Carnoët et de Kerjégu et il est le procureur de Jean Charles Marie Fleuriot[4], chevalier seigneur Comte de Langle pour s'occuper de ses terres. Très attiré par les idées nouvelles comme son frère Jacques Marie dit le Jeûne, également avocat, il est nommé procureur syndic et administrateur de la commune de Botmel au début de 1790 ; Il s'affronte vivement  avec le notaire subdélégué Joseph Even  au sujet de la formation de la municipalité que le premier voulait instaurer à Callac et le second à Botmel. Le 30 mars 1790, dans une lettre adressée aux responsables du district, Jacques Marie Fercoq, son frère, écrit :

 Une petite ville enclavée dans une trêve de campagne mais n'ayant eu jusqu'à présent aucune administration particulière a-t-elle le droit de se séparer de sa trêve ou les trêviens peuvent-ils exiger que les habitants de la ville se joignent à eux pour former une municipalité communes ? " 

    Les habitants de Callac par la voix de M° Joseph Even, Subdélégué de l'Intendance, Procureur fiscal et  déjà maire sous l'Ancien Régime, rétorque qu'ils viennent de recevoir le 7 mars, une lettre de Monsieur Palasne de Champeaux, sénéchal de St Brieuc et Député à l'Assemblée Nationale, lui indiquant que la ville de Callac est érigée en canton du département de St Brieuc. Mais Pierre Joseph Fercoq fit également intervenir ses protections et les administrateurs du district de Rostrenen désignèrent  Botmel comme municipalité.[5]

  En janvier 1793, débute la 1ère guerre de Vendée et la Convention organise une levée en masse de 300 000 hommes. La municipalité de Botmel effectue un appel aux volontaires qui veulent défendre  la Patrie et parmi les personnes qui répondent présents, citons les deux frères Fercoq, Pierre Joseph dit l'aîné et Jacques Marie dit le jeune, Jérôme Alexandre Guiot, Major de la garde nationale, François Marie Borny qui laissera sa vie à Landau en Allemagne à l'âge de 33 ans, et Jean Gillorain, receveur des Devoirs à Callac et capitaine de la garde nationale. Ces volontaires rejoignent la 6ème compagnie du 4ème Bataillon des Côtes du Nord et se retrouvent dans l'armée des Côtes de Brest commandée par le Général Canclaux. Ces bataillons de volontaires ont laissé peu d'archives et il est difficile de suivre les pérégrinations  pendant cette année. Pierre Joseph et ses compagnons rejoignent Callac vers le milieu de d'avril 1793. Nous le trouvons le 8 avril, procureur de la commune de Botmel, poste qu'il tient depuis juillet 1790,  à la séance du conseil général de Botmel tenue à la maison commune de Callac sous la présidence du maire Pierre Le Milbeau, avec Jean Yves Guillou, Joseph Even et François Le Pourhiet comme officiers municipaux, Maurice Daniel, Guillaume Le Barbier, Pierre le Gac, François Lhélias, Jean Lallour, René Corgat, François Le Masson, Yves Lhélias, Yves Le Deuff et Guillaume Rinquin comme notables.

Ce document, dans lequel est rapporté cette séance, constitue le premier registre de délibération des séances du conseil municipal parvenu jusqu'à nous. Ce registre de 130 feuillets acheté par M° Joseph Even lors de la formation avortée de la première municipalité de Callac, est resté vierge de toute inscription entre février 1790 et avril 1793.

  En 1794, entre la dictature de Robespierre et la Réaction thermidorienne, Pierre Joseph est agent national  et surveille attentivement les factions armées de chouans fort nombreuses dans la région. C'est également l'époque des processions nocturnes et dans le texte suivant qu'il adresse au district de Guingamp, nous le voyons agir sous la crainte d'un nouvelle Vendée.

 "CALLAC le 28 Messidor An II(16 juillet 1794)

 L'agent national de la commune de Callac aux administrateurs du District à Guingamp[6]

 Citoyens et frères.

  Nos parages vont devenir une nouvelle Vendée et le foyer s'en trouvera dans votre district. Depuis quelques temps j'étais instruit qu'on chantait des vêpres à Bulat, que les fonctionnaires publics de cette commune, bien loin d'éclairer ses habitants semblaient les autoriser dans leur fanatisme, en  permettant ces prières et que même le juge de Paix faisait les fonctions de grand prêtre, en ouvrant la comédie et en entonnant les vêpres. Depuis quelques jours, on ne se borne plus à des prières, on a  en recours aux voies de pèlerinages et  ces moyens ont encore dégénérés en processions nocturnes. Il n'est ni dimanches, ni fêtes qu'on ne voit à Bulat et à Ste Anne( deux ci-devant chapelles de dévotion en la commune de Pestivien) des milliers d'individus venus en pèlerinages et qui à la manière sacerdotale s'ouvrent les genoux à faire le tour de l'église. Des habitants des communes de Bourbriac, St Adrien et communes avoisinantes ont du venir processionnellement ces jours derniers dans ces deux lieux.. Une lettre a du descendre des cieux et tomber aux mains du maire de Bourbriac ( ou autres officiers municipaux) dans la ci-devant Chapelle de la Trinité en Lanrivain où on prétant qu'il soit à la tête des fanatiques de sa commune et qui lui prédit qu'il serait consumé par la foudre, s'il ne faisait des processions pour demander leur conservation par l'intermédiaire de la ci-devant Notre Dame de Bulat, celle de Ste Anne. Ces processions ne se font pas bornées à Bulat et à Ste Anne, elles ont la nuit dernière traversé une partie de la commune de Callac et se sont rendues aux ci-devant chapelles de St Michel et de St Servais où l'on a brisé la porte de la première et pressé les fabriques de la seconde de leur livrer les clefs. Je suis prévenu ce soir et demain qu'on doit les continuer dans d'autres chapelles de ma commune, on m'a nommé un individu de nos parages qui a du se trouver dans le nombre de processionnaires. Je n'ai pu me faire nommer d'autre, je vais cependant m'informer par toutes les voies possibles si on ne connaîtrait pas d'autres citoyens. Faîtes attention à ce que je vous dénonce, ne négligez pas mes avis ; tel fut le commencement de la Vendée. Je ne saurais croire que des cultivateurs seuls fussent capables de ces démarches, ils ont certainement à leur tête des personnages qu'il serait intéressant de connaître. Le mal n'est pas encore grand et je crois qu'il sera facile à guérir si on lui applique le remède dans sa naissance."

 Pierre .Joseph. Fercoq,Agent National

 P.S. : Je vous préviens que demain au soir la procession sera à la Chapelle Neuve en Plougonver."

  Le 26 frimaire de l'An IV (17 décembre 1796, Marie Hélène Guillemot, veuve de Gabriel Fercoq et mère de Pierre Joseph, vient déclarer à la maison commune que son fils Pierre Joseph, notaire, âgé de 32 ans  au 20 brumaire dernier, qui partit avec les jeunes gens levés en masse de cette commune pour combattre les Vendéens, est maintenant capitaine de la 3ème compagnie du 1er bataillon des Côtes du Nord à Rennes.
C'est au cours de ses pérégrinations  que Pierre Joseph se marie à Rennes le 8 ventôse An II(26 février 1794)avec Adélaïde Marie Jeanne Thibaudeau et le premier enfant Edouard Jean Marie naît à Lannion le 8 octobre 1795. Un deuxième enfant, Adélaïde Marie Rose  naît également à Lannion le 7 novembre 1796 et ses deux évènements sont reportés sur le registre des naissances de Callac.

  A son retour de campagne, il est nommé Commissaire du Directoire, fonction qu'il occupera jusqu'à sa démission comme il est indiqué dans le document suivant adressé à la municipalité de Callac.

Nous sommes à la veille du coup d'Etat du 18 brumaire, Bonaparte est au pouvoir et la 2ème guerre des Chouans fait rage dans la région. Sent-il venir le vent pour ainsi quitter le pays ? Est-t-il en disgrâces ?

  

                                 "Démission du citoyen Pierre Joseph FERCOQ.

                 Je soussigné Yves Marie LE GARS, huissier près du Tribunal Civil du Département des Côtes du Nord, résidant au chef lieu de canton de Callac dit département, Patente N°44.

                A la requête de Pierre Joseph FERCOQ, homme de loi et présent au lieu de Callac, commune et canton du même nom, ai déclaré et dénoncé aux citoyens président et agents de Callac au Département des Côtes du Nord et au citoyen Commissaire près de cette administration, que le dit citoyen FERCOQ à compter du troisième jour complémentaire de l'An six ( 19 septembre 1798)d'après la déclaration qu'il fit ce jour à l'administration assemblée au lieu de son français ? à la suite de son remplacement dans les fonctions de Commissaire du Directoire qu'il exerçait près de cette administration et l'installation du citoyen  Jean Yves GUILLOU son successeur qui se fit ce dit jour trois complémentaire dernier, a entendu fixer son domicile en la cité et canton de Nantes, section de l'unité au département de la Loire Inférieure. "

                En conséquence, le même FERCOQ, répétant sa déclaration au présent, invite les citoyens administrateurs municipaux de Callac à ne plus le considérer comme domicilié de ce canton, mais bien de celui de Nantes, comme à ne plus l'employer dans les charges publiques et donne toute la publicité légale à présent dénoncée.

                " Fait savoir aux dits administrateurs leur délivrant cette copie au partant à la personne du dit citoyen La FARGUE lui enjoignant de donner avis aux citoyens administrateurs municipaux du canton de Callac en sa qualité de Secrétaire greffier, trouvé en son domicile, ce jour douze vendémiaire An Sept de la République. ( 3 octobre 1798).

                                                                                                                                             Yves Marie LE GARS.

                                                                                                                                             Huissier

Au citoyen Jean Julien  de LAFARGUE, Secrétaire de l'Administration de Callac.  


Notes sur Pierre Joseph FERCOQ de Kerleau.

      Dans l'article que nous avions consacré  à ce personnage hors-norme dans le Cahier du Poher n°6 en juin 2001, nous étions resté à sa lettre de démission qu'il avait adressée le 3 octobre 1798 à la municipalité de Callac. Dans ce courrier, Pierre Joseph annonçait son intention de quitter Callac pour la ville de Nantes sous la pression de son épouse qui ne pouvait s'y faire dans la petite ville de Callac. Elle désirait habiter une ville et  se rapprocher de ses propriétés qui étaient proches de Nantes.. Pierre Joseph s'installe le 25 novembre 1799 à Nantes avec sa famille, sa femme Adélaïde Marie Jeanne Thibaudeau, épousée lors de son séjour à Rennes le 26 février 1794 et ses deux enfants Édouard Jean Marie, 4 ans et Adélaïde Marie Rose, 3 ans, nés à Lannion. Trois autres enfants naîtront à Nantes dont nous ne connaissons, ni les prénoms, ni les dates de naissance. Il s'inscrit au barreau de Nantes en qualité d'avoué et de jurisconsulte,  dans une ville en pleine expansion, ouverte sur le large, loin de la Bretagne intérieure et de l'Argoat profond. La vie s'écoule, en apparence sans heurt, mais un événement insolite intervient vers la fin 1803, Pierre Joseph, toujours aussi remuant, entre en conflit avec le  magistrat et commissaire du gouvernement Félix Guillaume Gédouin pour un affaire de pièces notariales altérées et soustraites au dossier. L'affaire prend des proportions sérieuses et Pierre Joseph, sois-disant, menace de duel Félix Gédouin, personnage d'envergure qui deviendra plus tard , député au Corps Législatif de 1805 à 1810 et en 1811, Procureur Impérial de Nantes. Bien sur le duel n'aura pas lieu, mais Pierre Joseph en subit les conséquences, son étoile pâlit dans le milieu de la judicature nantaise. En 1804, pour sa défense, il fait paraître à Rennes chez la veuve Brute de Rémur, éditeur, et non à Nantes, un libelle sous forme de mémoire, dans lequel il expose ses différents avec le milieu notarial nantais. Ce mémoire de 134 pages, in 8°, est disponible à la Bibliothèque Municipale de Rennes sous la référence : 7364FB. 

Site BM Rennes : http://www.bm-rennes.fr/

 

 

 

 L'histoire de Pierre Joseph Fercoq, personnage qui a marqué de son empreinte la période révolutionnaire callacoise, s'arrête le 19 septembre 1829 à l'âge de 68 ans, il décède à son domicile, Haute Grande rue, 2e canton, à Nantes, veuf de son épouse, Adélaïde Marie Jeanne Thibaudeau et en présence de son médecin François Bergette.

                                                                    J.Lohou -sept.2004-novembre 2016

                                                                                                                                    

 

 

                                                                                                                                     


[1] Joseph Lohou- Guillaume René Armand FLOYD, dernier recteur noble de Plusquellec -Pays d'Argoat N° 35-2/2001

[2] Conseil Général des Yvelines. Versailles 1989- La création des Départements 1789-1790.

[3] Gruyer , juge qui en 1ère instance se prononçait sur les délits commis dans les bois et sur les rivières.

[4] Jean Charles Marie Fleuriot, frère de Paul Antoine(°1744-+1787 Samoa Pacifique), compagnon de Jean François de Galaup, comte de la Pérouse et qui furent massacrés par les indigènes à Samoa en 1787.

[5] Joseph Lohou. Les Elections de Callac en 1790- Pays d'Argoat- N°35-2/2001

[6] AD 22-série 102 L .

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