Callac-de-Bretagne

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Les insurrections girondistes en Bretagne en 1793

                                                              Au nom du droit de résistance à l’oppression.


Jean-Paul Marat(1743-1793), homme politique français,
député de Paris à la Convention, il décida la mort de Louis XVI.
 Il parvint à éliminer les Girondins le 2 juin 1793
 mais quelques semaines plus tard il fut assassiné
dans sa baignoire par Charlotte Corday.

 

"En l’absence d’étude scientifique sur les insurrections consécutives au coup de force du 2 juin 1793 en Bretagne qui, pourtant, a ses Girondins et ses Girondistes dans la personne des hommes qui s’insurgèrent pour les défendre, il s’agit ici de réévaluer cette question dotée d’un intérêt historiographique évident : quel est l’électorat représenté par ces députés à l’Assemblée, quelle coïncidence existe-t-il entre la politique des Girondins et les attentes de leurs commettants, et quel est le poids de l’antagonisme entre les intérêts provinciaux et les revendications des sans-culottes, dans les dissensions de la Convention ?

La prosopographie[1] des insurgés d’Ille-et-Vilaine et du Finistère, soit une centaine et demie de personnes dans chacun des départements, montre une certaine uniformité par-delà les diversités régionales ou locales. Représentants dans la force de l’âge d’une moyenne bourgeoisie des affaires et des talents, dominée par la judicature, très impliqués dans la vie politique locale par l’exercice de mandats publics, les Girondistes du Finistère qui payent un lourd tribut à la Terreur et ceux d’Ille-et-Vilaine qui sont davantage épargnés, ressemblent à bien des égards aux acteurs de l’insurrection bordelaise.

Les enjeux idéologiques qui motivent les révoltes anti-jacobines révèlent aussi une certaine stabilité entre les régions et avec les positions des députés à l’Assemblée. On retrouve en Bretagne cette conception à géométrie variable de la légalité républicaine, qui s’outrage du coup de force mais légitime l’insurrection par le droit de résistance à l’oppression. L’argument constitutionnel est requis pour démontrer que l’arrestation des Girondins sans rapport d’accusation est contraire à la souveraineté du peuple qui n’est plus représenté à l’Assemblée. La violation des principes démocratiques rompt le pacte social unissant les Français. Le droit de résistance à l’oppression fait un devoir de s’insurger contre cet attentat. Les Girondistes étendent la condamnation du coup de force à la ville de Paris dont ils contestent le rôle dirigeant qu’elle prétend exercer sur le cours de la Révolution. Pour autant, les Bretons veillent à ne pas donner prise à l’accusation de fédéralisme. Les revendications si puissantes en Gironde autour de la sûreté des propriétés et de la liberté économique ne trouvent aucun écho en Bretagne, ce qui s’explique en partie par la composition sociale du mouvement.

Le Finistère et l’Ille-et-Vilaine décident l’envoi d’une force départementale à Paris pour y rétablir la Convention dans son intégrité. Les fédérés participent à la “ bataille sans larmes ” de Pacy-sur-Eure, le 13 juillet, où le premier coup de canon provoque la débandade. Un comité de correspondance, représentant les cinq départements bretons, s’organise à Rennes puis se fond dans l’assemblée centrale de résistance à l’oppression de Caen avec les députés du Calvados et de l’Eure, qui organise l’embargo sur l’approvisionnement de Paris et recommande de rejeter la Constitution présentée par les Montagnards pour couper l’herbe sous le pied des insurrections légalistes.  Le Finistère diffère l’organisation du référendum, mais non l’Ille-et-Vilaine. C’est que se répand le bruit de la défaite de Pacy et du décret d’accusation de la Convention contre les administrateurs du Finistère le 19 juillet. À Rennes comme à Quimper, la révolte reflue fin juillet : les forces départementales sont rappelées et les administrations rebelles se soumettent à la Convention jacobine. Les insurgés bretons ont, comme ailleurs, péché par optimisme. Grisés par le succès des fédérés dans la chute de la monarchie, ils n’ont pas saisi la puissance du mouvement populaire dont l’instrumentalisation par la Montagne a permis de réduire les oppositions à la Convention. Ils ont surestimé la politisation de leurs concitoyens à une époque où l’abstention était pourtant massive, et la capacité de mobilisation au moment où ils parvenaient tout juste à contenir les troubles contre-révolutionnaires.

            La parenté des insurrections départementales apparaît frappante, par leurs acteurs, leurs enjeux et leurs modalités. Organisée par une poignée d’honnêtes bourgeois, amis des droits de l’homme, de l’ordre et des lois, moins soucieux qu’en Gironde de leurs intérêts économiques, la rébellion bretonne ne parvient pas plus qu’ailleurs à s’attirer un vrai soutien populaire. La réaction des départements aux événements du 2 juin apparaît bien loin des réalités politiques nationales et locales. Le manque de lucidité des insurgés de 1793 et l’inconséquence de leur révolte, dirigée contre le pouvoir central bien que parfaitement républicaine, explique sans doute le désaveu infligé par leurs contemporains à leur entreprise et à leur postérité."

Anne de MATHAN (Crbc, UBO)

 



[1] prosopographie, subst. fém. ,,Description des qualités physiques d'un personnage réel ou fictif``


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