Callac-de-Bretagne

Page Retour


Avènement de M. Jules Auguste  Bocher[1],
recteur de Duault de 1871 à 1876, puis de Saint Servais jusqu’à son décès
le 6 avril 1882 à l’âge de 46 ans.

 
portail

Portail d'entrée du manoir presbytéral de Duault[2]
aux armes des Guébriand...





Introduction.

Nous avons vu que sous la direction de mère Marie-Hélène de la Croix, l'école des Sœurs devint si florissante qu'il fallut songer à bâtir. M. Henry demanda à l'évêché l'autorisation d'y consacrer deux cents francs pris sur les fonds de la fabrique. Voici la réponse et les directives qu'il en reçu le 14 avril 1871 :

"M. le Recteur, Mgr ne peut vous autoriser à prendre sur les deniers de la fabrique une somme quelconque pour l'employer à la construction de la maison des religieuses. Un établissement de Sœurs est sans doute un grand bienfait à tous égards pour une paroisse, mais la loi qui énumère les diverses dépenses auxquelles peuvent être employées les ressources d'une fabrique ne permet point de leur donner cette destination. Toutefois, si vous pouvez, sans craindre aucune réclamation, aucun inconvénient, consacrer une somme de deux cents francs prise sur l'argent de la fabrique à cette bonne œuvre, l'évêché ne vous inquiétera nullement mais aussi il ne pourrait vous défendre, s'il survenait à ce propos des difficultés. Sans faire un don véritable à la communauté, vous pourriez lui venir en aide en lui payant, par exemple, deux ou trois années d'avance, l'indemnité accordée aux Sœurs pour les soins qu'elles donnent au linge de l'église si elles sont chargées de la sacristie".
    Agréez ... 

Hélas ! Ce ne fut pas M. Henry, fondateur de l'école, qui en assura l'agrandissement, mais son successeur M. Jules Auguste Boscher, jeune recteur de trente-quatre ans, plein de talent et d'avenir et déjà célèbre.

Né à Kergrist-Moëllou, le 15 décembre 1836, dans la famille des Bocher[3] ,  M. Jules Auguste Bocher fit ses études au Grand Séminaire de Plouguernével. M. Ropers était alors Supérieur, un fameux homme qui n'avait qu'à prononcer son jurement ordinaire : Montagne de Bré, pour maintenir dans sa maison l'ordre et la discipline.
Jules Auguste Bocher fut ordonné prêtre aux Quatre-Temps de Noël[4] 1860, et nommé vicaire à Laniscat, dans le Pays « Fanch » près de Gouarec,le 1er janvier 1861.

Le 20 mai 1864, l'autorité diocésaine le transférait à St Nicolas-du-Pélem et de là le 20 mars 1868 à Lannion où il exerça le saint ministère jusqu'à la guerre de 1870-71.
Mais alors, il demanda de partir. Mgr Augustin David[5] le nomma donc aumônier du camp de Conlie (Sarthe) où se trouvait aussi mon père[6], mal équipé, mal nourri, rongé par la vermine et crevant de misère. Aux guêtres de l'active, il ne manquait peut-être pas un bouton, mais mon père n'eut même pas de culotte ni l'ombre d'un uniforme. Ce qui le désolait pardessus tout, c'était son fusil, un vieux chassepot qui avait toutes les qualités sauf qu'il n'était percé par aucun bout. Ah ! Dès ce temps-là, notre France était bien défendue.

Quand le fringant vicaire de Lannion vit de quel bouge [7] il devenait l'aumônier, il pria Mgr David de l'attacher à l'Armée de la Loire. Il n'avait passé que huit jours au camp de Conlie[8] que la 1ère brigade de la quatrième division du vingt-et-unième corps d'armée réclama ses services.

A la paix, notre vaillant aumônier fit ses adieux à l'armée et rentra à Lannion le 12 mars 1871.

Le 10 décembre de la même année, Mgr David, pour récompenser un dévouement toujours disponible, le nomma recteur de Duault.
Son premier soin en arrivant dans cette paroisse fut de réviser les comptes.
Paix aux morts, dit-on. Ni mort ni vif, M. Henry n'aura jamais connu la paix. Ses cendres n'en jouiront pas tout de suite. En octobre 1872 surgissait l'affaire de ses héritiers. Où se trouve le cadavre, s'assemblent les aigles. Dans le cas présent, la dépouille mortelle du défunt intéressait moins que son héritage. Malheureusement, la famille outrepassa ses droits.

A la session d'octobre 1872, le président du Conseil de fabrique[9] ouvrit la séance en déclarant qu'elle n'avait qu'un seul objet : le compte à demander aux héritiers de M. Henry.
1°) Des bois achetés par la fabrique pour refaire le chœur de l'église et disparus des dépendances du presbytère, pendant l'interrègne, à l'insu des conseillers paroissiaux.
2°) Des services arriérés perçus par cette famille, sans en avoir rendu compte à la fabrique, y avait aussi des droits.
Le président a demandé au Conseil de délibérer sur cette proposition qui, après discussion et vote, s'est pratiquement traduite dans l'arrêté suivant :
Article unique : le trésorier de la fabrique appellera en conciliation les héritiers de M. Henry, ancien recteur de Duault, et s'ils refusent de s'arranger avec lui au sujet des bois disparus et du casuel non rendu, le Conseil en référera à Mgr l'évêque pour savoir s'il y a lieu de poursuivre l'affaire devant les tribunaux.
La caisse des fabriciens d'ailleurs n'était pas vide, ni le Conseil paroissial mesquin ou brouillon. Celui-ci mit gracieusement à la disposition de l'actif et jeune recteur, qui lui en imposait par ses états de service, mille sept cents francs afin de finir la clôture de son jardin, commencée déjà par son prédécesseur, puis de reconstruire les murs du cimetière au lieu et place de la municipalité en dèche.

En 1873, M. Jules Augustin Bocher fit enlever toute la boiserie vermoulue du chœur, repiquer les pierres de taille qu'il mit à jour, et enduire le reste à chaux, sable et ciment.

L'autel principal, chef-d'œuvre de M. Le Merer[10] de Lannion, a été placé dans l'église de Duault à la fin du mois de mars 1874 et béni par Mgr David le 12 mai suivant. Ce fut une grande date dans la carrière de M. Bocher. Mgr David lui fit de grands compliments ainsi qu'à ses paroissiens et à ses quatre-vingt-seize confirmands.

Je crois que M. le Recteur de Duault lui avait tapé dans l'œil. Son rapport et son toast durent être remarquables et remarqués, car il avait le style et le verbe faciles et abondants sans redondance. En outre, il était doué de la plus belle main du monde. La ronde et la bâtarde, la grasse et la déliée, aucune espèce d'écriture enfin n'était ignorée de ce maître, et il les portait toutes à la plus haute perfection. Il connaissait aussi le dessin et se révélait bon aquarelliste à ses heures, bref pour tout dire d'un mot : c'était un artiste. Monseigneur aimait à le reconnaître quand il écrivait au Registre de la Communion cette recommandation qui est un éloge : "Nous recommandons à M. l'abbé Bocher, recteur actuel, la rédaction d'un Registre de paroisse, tel que les Statuts diocésains le prescrivent, et nous le félicitons du magnifique autel qu'il vient de faire placer dans son église.
  
 L'évêque de St Brieuc et Tréguier
   
12 mai 1874  Augustin. »

C'est encore pour recevoir son bel autel et l'évêque que M. Bocher fit faire le parquet du chœur par M. Guénauv de St Nicolas-du-Pélem.

En 1875 fut posée la grille qui cernait le chœur et dont une partie servit à fermer les fonts baptismaux au temps de M. l'abbé Prigent.

En 1875 également, M. Bocher dota la maison des sœurs d'une nouvelle classe et d'un dortoir. A cette époque, les routes étaient très défectueuses et impraticables à Duault. Aussi, bien que pauvres, les bonnes familles mettaient les enfants en pension. Le pensionnat de Dieu, qui est à peu près tombé, sans nuire d'ailleurs à la prospérité de l'école, a connu jadis de beaux jours.

Dès lors, nous perdons la trace de M. Bocher. Nous trouvons bien sa signature au registre des baptêmes, mariages et funérailles jusqu'en avril 1876, mais au cahier des délibérations du Conseil, rien pendant toute l'année 1875, sauf cette phrase énigmatique tout à fait au haut d'une page restée complètement immaculée :

"Session ordinaire du Conseil de fabrique de Duault. Dimanche de la Quasimodo 1875".

Ne vous semble-t-il pas que cette phrase ou annonce rend le son d'un glas ? Au surplus, ce pétulant  de M. Colin qui a écrit sur la page suivante et qui a fermé le cahier sans sécher son encre baveuse et ses pattes de mouche a fait de grosses taches noires sur la page blanche où M. Boscher a inscrit son en-tête. Ma parole ! On dirait des larmes sur un tapis de deuil avec cette différence qu'un tapis de deuil est noir avec des larmes blanches tandis qu'ici c'est un tapis blanc qui porte des larmes noires. Que tout cela est funèbre.

En outre, ce registre de paroisse si chaudement recommandé à M. Boscher par Monseigneur est resté enseveli dans les limbes, ou la poussière et la pénurie des parchemins et des manuscrits. Qu'était-il donc arrivé ? Le recteur de Duault âgé à peine de quarante ans serait-il tombé malade tôt après la visite pastorale de l'évêque ? Sommes-nous en présence d'une colonne brisée ? -

M. Bocher[11] passa de Duault à St Servais où il est mort en 1882 d’après son frère M.Vincent Bocher[12], garde-chasse à  Kerbernez en Saint-Servais.


Sources : L’histoire de Duault conté par le célèbre recteur Joseph Sérandour, avec toute sa gouaille de paysan breton...


Notes de la rédaction.

1.    Jules Auguste Bocher, fut recteur de Duault de 1871 à 1876

2.    Manoir presbytéral de Duault- Voir  Callac : Le saccage du Presbytère de Duault en 1675

3.  Famille Bocher : établie à Locarn avant 1780, puis à Trébrivan et à Kergrist-Moëllou et enfin à     Saint-Servais…

4.    QUATRE-TEMPS- Dans l’année liturgique, ce terme désignait le saint temps du Carême, et donc les quatre jours de jeûne avant une fête.

A Noël,  L'usage était aussi qu'au mercredi des Quatre-Temps de décembre on lût à la messe comment l'ange Gabriel vint annoncer à Marie le mystère de l'Incarnation.

5.    DAVID Augustin, évêque de St Brieuc, né à Lyon en 1796 et décédé à Saint-Brieuc le 27 juillet 1882..

6.    SÉRANDOUR, Pierre et Jeanne Coadou, parents de Joseph, né le 22 mars 1886 à St Gilles Pligeaux et dcd comme recteur le 5 juin 1947 à Duault d'une crise cardiaque dans le bistrot de Jean Jégou où il était venu goûter le cidre...

7.    BOUGE, cabaret louche…

8.    CONLIE, camp de Conlie dans la Sarthe…-Voir Callac : Le général Bouédec…

9.    Registre de Paroisse : Un registre paroissial, aussi appelé registre de catholicité ou registre BMS…

10.    LE MERER, fabrique de meubles d’églises à Lannion en 1880..

11.    Jules Auguste Bocher, recteur de Saint-Servais de 1876 à 1882. Au recensement de 1881, nous le trouvons desservant de la paroisse, accompagné du vicaire Julien Le Mouël et de deux jeunes filles, dites « nièces » et cuisinières, âgées  de 17 ans qui font partie du personnel du presbytère, l’une Françoise Bocher et l’autre Philomène Lostec. Un domestique, Rolland Garel, âgé de 70 ans est également présent. Le recteur décède le 6 avril 1882, à l’âge de 46 ans…

Notes sur le neveu du recteur, François Louis Auguste Bocher.

BOCHER, François Louis Auguste, né à Duault (Côtes-du-Nord) le 7 décembre 1872. C'est en souvenir du séjour de quelques années qu'il fit tout enfant avec ses parents, à Ploulec'h, qu'il prit plus tard le nom bardique de « Ar Yeodet ». Son père, Vincent, ayant été nommé garde de la forêt de Porthuault, Auguste Bocher vint habiter Kerbernez, en la paroisse de Saint-Servais. En 1908-1909, il dirigea le journal « l'Echo du Finistère » fondé par l'imprimeur A. Lajat, à Morlaix. C'est à ce moment qu'il fit paraître un volume de « gwerz » (complainte) en 1909. Auguste a collaboré à « Kroaz ar Vretoned » (dont il fut pendant quelque temps directeur avec son ami Y. Le Moal, le barde « Dir-na-dor », à la revue « Ar Vro », au journal « Breiz », et à "l'Indépendance bretonne" à Saint-Brieuc. Auguste. Bocher était également un conférencier breton, très goûté du public.

Extrait du Catalogue des Chansons bretonnes, p 127,128.

 



 
Joseph Lohou (04février 2016- 15.05.2016)