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Parlement
de Bretagne
Parlement de Bretagne (1618-1654)
Séance
de 27 avril 1786
Anne
Jacques Raoul de CARADEUC, Procureur Général du
Roy, entré en la Cour a dit :
Messieurs,
Vous
n’ignorez pas les désordres et les abus auxquels donnent
lieu les assemblées qui se tiennent dans plusieurs cantons
de la Basse Bretagne et que l’on désigne sous le nom de
« pardons » .
Il
existe dans la paroisse de Duault sous l’Évêché de
Quimper, une chapelle dédiée à St Servais où les 12 et
13 mai de chaque année, fête du Patron, se tient une
assemblée où se rend une multitude de pèlerins particulièrement
de ce même Évêché et de celui de Vannes.
Le
procureur fiscal du lieu, en me priant de faire rendre un
arrêt sur cet objet, vient de me rappeler en même temps le
procès-verbal qu’il crût devoir rapporter l’an dernier
à l’occasion de ce pardon. Cette pièce que j’ai
l’honneur de mettre sous les yeux de la Cour, annonce que
le clergé de la paroisse était dans l’usage immémorial
de chanter vêpres dans cette chapelle, et de faire ensuite
une procession ; que malgré les représentants du
clergé, et les officiers de Police, cette procession était
accompagnée d’indécences et de tumultes.
Que les hommes les plus robustes divisés en partis opposés,
l’un de l’évêché de Vannes, et l’autre de celui de
Quimper, se présentaient dans la chapelle escortés, et
soutenus chacun de ses compatriotes armés de bâtons, se
saisissaient de la bannière et des croix, les disputaient,
un parti repoussant l’autre, sortaient ainsi de la
chapelle suivis du clergé portant la statue de St Servais,
que lors chaque parti faisait des efforts pour tirer la
bannière, et attirer la procession de son côté, faisant
mouvoir des bâtons, se les choquant et frappant sur le pied
de la bannière et aux environs pour écarter ceux qui
avaient entrepris de faire la procession.
Qu’en 1777, le grand vicaire
du Révérend évêque de Quimper instruit de cette assemblée
tumultueuse et des désordres qu’elle occasionnait se
rendit sur le lieu et prononça l’interdiction de la dite
chapelle ; que malgré cette précaution et celles
qu’avaient prises les officiers de Police des lieux pour
disperser ceux qui se rendaient habituellement à ce pardon,
les désordres n’en furent pas moins considérables l’an
dernier.
La Cour,
en prenant lecture du procès-verbal rapporter par le
Procureur fiscal, verra les voies de fait et les indécences
qui y furent commises, et combien il importe à la
tranquillité publique que l’on y apporte remède.
A ces
Causes,
Je
requiers pour le Roy qu’il me soit décerné acte du dépôt
que je fais sur le Bureau d’un procès-verbal rapporté
les 12 et 13 mai dernier par le procureur fiscal de la
Baronnie de Quelen, que vu ce qui résulte du contenu en
icelui, il soit fait de très expresses inhibitions et défenses
aux pèlerins, et à tous les particuliers de quelque
état et condition qu’ils soient qui jugeront à propos de
se rendre à la chapelle de St Servais les 12 & 13 mai
de chaque année, fête du Patron de se saisir sans la
permission du clergé et des officiers de la Juridiction de
Quelen, des croix, bannières, statues, reliques,
clochettes, cierges, n’y autres choses dépendantes de la
dite chapelle de St Servais, de prendre des perches et
s’en servir en guise de bannière, de courir, jouer,
frapper du bâton, crier, causer, n’y exciter aucun
tumulte pendant les processions, avant ou après qu’elles
auront passé à peine de douze livres d’amende contre
chaque contrevenant dont les pères et mères seront
civilement responsables pour leurs enfants et les maîtres
et maîtresses et chefs de maisons pour leur serviteurs et
domestiques, même d’être les dits contrevenants arrêtés,
constitués prisonniers, et procédé vers eux
extraordinairement qu’il soit ordonné à toutes personnes
de se comporter avec cécence aux processions, offices et cérémonies
qui se feront en la chapelle de St Servais sous les mêmes
peines, et injonction aux juges de Police du lieu de faire
tout ce qui dépendra d’eux pour le maintien, le rétablissement
du bon ordre, et pour l’exécution de l’arrêt qui
interviendra ; lequel sera imprimé, et publié au prône
ou à l’issue de la grand-messe
de la paroisse de Duault, et dans celles qui
avoisinent la chapelle de St Servais à six lieues à la
ronde, et partout ou besoin sera.
Qu’il soit ordonné que le dit arrêt sera également a
aux portes de la dite chapelle, et enregistré sur le livre
de délibération de la paroisse.
Fait au Parquet , le 27 avril 1786
Signé :
Note en marge de l’acte : « Il
s’agit de faire réprimer des abus et des désordres qui
ont lieu le 12 mai de chaque année dans les paroisses de
Duault, lors du pardon de St Servais.- Monsieur de Guerry,
Président, Monsieur Euzennou, rapporteur)
Joseph Lohou(avril 2008)