Callac-de-Bretagne

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                            Jeux et Divertissements Autrefois


Les fêtes locales, souvent d'inspiration païenne au départ, puis récupérées par la religion catholique, se succédaient à Callac au fil des mois. 
 
-  les réjouissances du Mardi-gras, Meurlarjez en breton, se fêtait la veille du mercredi des Cendres et  marquait les dernières réjouissances et les derniers plaisirs de la bonne chair avant le Carême. Il était traditionnellement marqué par les bals masqués, des défilés de chars bariolés dans les rues et des cortèges costumés.
                                                 

Dicton
Etre Pask ha Meurlarjez
Seiz sizun nemet daou dez.
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Entre Pâques et Mari-gras
Sept semaines moins deux jours
Le défilé du mardi-gras sur le pont de la gare en 1926

 


-  Les fêtes de Mai avec le jeu du Papegault[**], qu'on pouvait assez justement appeler le Tournoi de la bourgeoisie, remonte au commencement du quatorzième siècle. C'était un tir à l'arc, à l'arbalète ou à l'arquebuse, dont le vainqueur prenait le titre de roi, et avait droit à certaines exemptions.

LE PAPEGAULT -Historique

Depuis fort longtemps, les autorités avaient ordonné des exercices publics pour former les hommes à la guerre. Lorsque l'invention des armes à feu eut bouleversé l'art militaire, on songea par divers exercices à familiariser les bourgeois avec ces nouvelles armes et à leur apprendre à s'en servir avec habileté. Cette formation était d'autant plus nécessaire que les bourgeois étaient chargés seuls de la défense de leurs villes. Au XVe siècle, le duc François II encouragea ces exercices dans ses états par l'institution du papegault. Il s'agissait d'atteindre à coup d'arbalète ou d'arquebuse un perroquet (papagaio en portugais, d'où papegault) en carton ou bois peint fixé au sommet d'une perche ou suspendu à une corde. Celui qui réussissait à abattre "le reste du joyau ou papegault" se voyait proclamé roi du papegault pour l'année, avec jouissance des "droits, honneurs, profits, émoluments et privilèges" attribué à ce titre.

En 1471, le duc François II publia un mandement en faveur de cet exercice avec exemption de fouage à ceux qui gagneraient le prix. Par d'autres lettres du 1er mai 1482, il confirma l'érection du jeu de l'arc, avec exemption à celui qui en serait le roi par l'abat de la cible, de toutes charges publiques pendant un an, et l'autorisation de faire vendre un certain nombre de pipes de vin franches de tous droits.

   

Le vainqueur du Papegault
(Le Papegault (ou papegai) était un oiseau en bois, peint en vert comme un perroquet)


-  la procession de la  Fête-Dieu, fête religieuse dans laquelle les rues étaient parsemées de fleurs et de roseaux, et les maisons décorées de draps blancs.

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La procession sur la place des Halles (avant 1914)

La procession en bas de la rue des Portes 



-  les feux de la Saint Jean.

Et enfin la fête de Noël. « Comme les habitants de Callac assistaient en grand nombre à la messe de minuit chantée solennellement en l'église de Botmel, il était  d'usage au XVIe siècle de joncher de paille fraîche le pavé de ce temps pour tenir chauds les pieds des assistants » raconte l'Abbé Guillotin de Corson.

_et bien d'autres processions mi-religieuses mi-profanes.

- Mais n'oublions pas les vœux du Nouvel An, "Ar Blavez Mad", les souhaits des jeunes garçons qui parcouraient la campagne de ferme en ferme par tous les chemins creux et si bien décrit dans le texte joint tiré d'une vieille chanson de Cornouaille.




                                  
Le saut dans l'Étang du Blandelet[1]

L'étang du Blandelet sur l'Hyère



 
Cette dernière coutume, d'origine incertaine, mais usitée en Bretagne sous l'Ancien régime, consistait à faire sauter dans l'étang de la ville, tous les nouveaux mariés de l'année ainsi que les poissonniers de la ville. Elle semblait tomber en désuétude dans les dernières années qui précédèrent la Révolution en raison de son caractère féodal et liberticide. Mais le nouveau sénéchal, Yves LE BARON[2], représentant de l'autorité seigneuriale et nanti d'une nature autoritaire, implacable et cruel, voulait à tout prix que cette coutume perdure.

 Le récit qui suit, raconte de quelle manière, les injonctions du sénéchal furent mises en défaut : 





      
"Yves Le Baron, sénéchal avertit son Procureur fiscal Jacques Le Roux[3] que le seigneur de Callac en la personne de l'abbé de sainte Croix de Quimperlé avait le droit immémorial de faire sauter dans l'étang du Blandelet tous les nouveaux mariés de l'année et ceci à l'issue des vêpres du lundi de Pâques. Cette mesure comprend également toutes les personnes qui ont vendus, étalés ou débités sous les halles et sur le Martray du poisson salé ou non salé de quelques espèces qui soient. A peine contre chaque défaillant de soixante sous numéraire au profit de cette seigneurie, d'une livre de poivre en grains et une livre de sel au profit de l'église de sainte Catherine. Qu'il vous plaise Monsieur, égard à l'exposé ci-dessus, descendre avec le greffier du siège et un sergent de service, à l'issue des vêpres de ce jour sur la chaussée du moulin du Blandelet et d'ordonner aux hommes sujets à faire le saut dans l'étang du moulin, de remplir leur obligation, en rapporter procès-verbal, et donner défaut contre les défaillants, contradictoirement avec le remontrant, parce que préalablement, ce dernier fera faire appel, en votre présence, à la porte de l'auditoire de cette juridiction, et en la manière accoutumée, de tous les hommes sujets au dit droit. Sous les protestations du dit remontrant, à raison de ce que les vêpres et sermon de ce jour ont été dits en l'église de Botmel, tandis qu'ils devaient l'être en l'église de Sainte Catherine en cette ville et feras justice.

 
Nous avons réservé de descendre à l'issue des vêpres à Callac le vingt sept mars 1780, deux heures de relevé."
 

                                                                                               Le Baron , sénéchal.

   
  "L'an 1780, ce jour de lundi de Pâques, vingt sept mars à l'issue de vêpres et services dits à l'église tréviale de Botmel; Nous, Noble Maître Yves Le Baron, avocat à la Cour, sénéchal et seul juge de la Juridiction de la Châtellenie de Callac, fief amorti, ayant pour adjoint, le soussigné Yves Le Gars, commis registrateur du Greffe de la juridiction, pour l'exécution de mon ordonnance Guion Gorvé, sergent de la même juridiction, Savoir faisons qu'aux frais de la requête du sieur procureur fiscal et d'autre part tenant à ce qu'il nous plut de descendre sur la chaussée du moulin de cette Seigneurie dit Blan-delait à l'effet d'ordonner aux nouveaux mariés depuis le lundi de Pâques dernier, à des filles et veuves domiciliées de cette ville, aux poissonniers ayant étalé pendant le Carême dernier sous les halles ou sur le Martray de cette même ville, de sauter dans l'étang du dit moulin en l'endroit ordinaire, d'en rapporter procès verbal et de donner défaut contre les défaillants, s'ils s'en trouvent. Nous Nous sommes transportés à la porte de l'auditoire de cette ville où étant et ayant fait appel de tous les hommes sujets à faire le saut du dit étang par le ministère du dit Gorvé, sergent de service et jeux s"étant en l'endroit présenté, nous avons, par le dit sieur procureur de cette seigneurie,   appris que la Dame Guiot[3] (ce dernier vivant procureur fiscal de cette seigneurie décédé depuis peu) lui aurait témoigné désirer qu'à raison des circonstances de la mort de son mari, les dits nouveaux mariés et poissonniers fussent  dispensés par grâce spéciale de faire le serment de faire le saut dont il s'agit, à quoi le dit procureur fiscal sous le bon plaisir des seigneurs de cette Cour sans nuire n'y préjudices à leurs droits et sans en tirer de conséquence a déclaré consentir. 
En conséquence,  égard 
au décès consentement et réquisitoire, avons dispensé et dispensons par les considérations cy depuis, aussi sur le bon plaisir des seigneurs châtelains de cette seigneurie soumettent au droit pour l'avenir, les dits nouveaux mariés et poissonniers ici présents de faire le saut à défaut de quoi nous avons rapporté acte dont il agit de la protestation faite en l'endroit par le sieur procureur fiscal sur ce que les vêpres ont été dites en l'église de Botmel au lieu de l'être ce jour en la chapelle de sainte Catherine en cette ville suivant le droit des mêmes seigneurs et qui  réuni le présent procès verbal au dit lieu sous notre seing celui du dit sieur procureur fiscal de notre adjoint et du dit Gorvé les dits jours, mois et an que devant environ les cinq heures de l'après midi
De tout quoi nous avons rapporté acte, approuvé et borné.

Gorvé, Le Baron, sénéchal, Y. Le Gars, commis "


   Ainsi, à notre connaissance, pris fin à Callac cette antique coutume,  fort crainte de tous les jeunes gens de Callac et des environs en raison des basses températures de l'eau de l'étang aux alentours de Pâques.


 

Notes.
[1] Étang du Blandelet, étang sur la rivière l'Hyère qui alimentait le moulin seigneurial de Callac.
[2] Yves LE BARON( voir Tentative de révocation)
[3] Joseph LE ROUX, avocat et ex-Procureur au Présidial de Rennes, originaire de la Roche-Derrien et ami des GUIOT. 
Il épousera en 1787, Françoise Gabrielle GUIOT, fille du Procureur fiscal décédé Nicolas et de Dame Marie Yvonne Françoise BOSSARD. (cf [4]
[4] Dame GUIOT : Marie Yvonne Françoise
BOSSARD, épouse de Nicolas GUIOT,(+ 22 février 1780)( voir Les Guiot de Callac)

                                                                   



                                                                               Joseph Lohou(février 2006) 

 

 Sources.
AD22- série B art.2014 
[**] Voir l'article de Marcel RUMIN dans le Cahier du Poher N°16-juin 2006- "Le Jeu du Papegaut à Carhaix(1553-1672), pages 33 à 38.                           

Sous une forme abrégée, cet article a été publié dans le bulletin paroissial N°7 de juillet 2010 de Callac.

     

Le Saut dans l’Étang

  De curieuses distractions »

 

Quelque temps avant la Révolution, le Sénéchal* de Callac, un certain Yves Le Baron, personnage de nature autoritaire et cruelle, se mit en tête de reprendre une coutume moyenâgeuse qui était tombée en désuétude depuis plusieurs décennies.

 

Elle consistait à réunir les nouveaux mariés de l’année, ainsi que les poissonniers de la ville, hommes de peu qui tenaient boutique sous les halles, place du Martray et de les faire sauter dans l’étang du Blandelet. Cette pièce d’eau, située face au moulin de Callac sur le chemin menant au village de la Bastille, occupait les prairies attenantes et servait à faire tourner la grande roue de l’établissement.

 

Le Sénéchal, après avoir avisé Jacques Le Roux, procureur fiscal, comme l’exigeait la loi, fixa l’événement au lundi de Pâques 27 mars 1780 après vêpres. La veille à Botmel, au son du tambour à la sortie de la grand messe de Pâques, l’appariteur avait lu aux paroissiens les arrêtés du Sénéchal. 

 

Les personnes impliquées savaient à quoi s’en tenir, chaque défaillant devrait s’acquitter d’une somme de 60 sous en numéraire, d’une livre de poivre en grains et d’une livre de sel .
Par ailleurs, ils risquaient aussi d’attraper un bon rhume en plongeant dans l’eau glacée de ce mois de mars.

 

Le lundi midi, Yves Le Baron chargea Yves Le Gars, greffier et Guyon Gorvé, sergent de la juridiction d’appliquer à la lettre les arrêtés de l’ordonnance.

Mais l’esprit de fronde qui est une caractéristique de la paysannerie bretonne, prenait de l’ampleur, soutenue par les adversaires d’Yves Le Baron, nombreux en la ville et aux alentours. Les personnalités marquantes de la place, avocats et notaires réunis, protestaient vivement contre ce projet et dépêchèrent Marie Yvonne Bossard, veuve de Nicolas Guiot, ex-procureur fiscal et proche d’Yves Le Baron, décédé un mois auparavant, chez le Sénéchal avec le  dessein de plaider leur cause.  Après un long entretien, le Sénéchal cédait aux arguments de la veuve et abrogeait sur le champ le saut dans l’étang du Blandelet.

  Ainsi disparu, peu avant la Révolution, à la satisfaction de tous, une coutume qui n’avait laissé dans la population locale que plaintes et doléances.

 

* Chef d’une justice seigneuriale.

 

 

           « Histoire de Callac » (Site Web)

                 Joseph Lohou(juillet 2010)

 


 

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