Callac-de-Bretagne



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Cet article sur les verriers de la forêt de Duault a été publié dans le bulletin de liaison n° 64 du Centre Généalogique des Côtes d'Armor en octobre 2004. Il est repris ici,  in extenso, dans la rubrique "Économie" en raison des liens étroits que ces gentilshommes verriers entretenaient avec les familles bourgeoises callacoises et aussi afin de relater la rareté de ces établissements, complètement ignorés des archives de l'époque.
                                                                                                                  L'auteur


 

Les Brossard de l'Argoat, gentilshommes verriers

  Préambule

 

Il y a quelques années, dépouillant les registres de catholicité  de la trêve de Burthulet en Duault, je me suis interrogé sur la présence d'une famille originale, prolifique et éduquée, dans cette forêt isolée de la Bretagne centrale, les Brossard. La simple recherche onomastique ne nous apprend pourtant rien d'original. Ce nom vient de  brosse et il est largement répandu en France et en particulier en Normandie.

  Puis l'inspiration me vint en me souvenant d'un article de la revue locale "Le Pays d'Argoat"[1] où il était question à Bourbriac d'un certain René de Brossard, gentilhomme verrier, qui sollicitait  des autorités du lieu, l'établissement d'une verrerie au bois de Coatliou en 1616. Ce personnage n'ayant laissé aucune trace à Bourbriac, mes recherches me conduisaient à Locarn où en 1701 naissait Louis (Georges) Mathieu Brossard, fils de François et de Louise Hervé au lieu dit "verrerie de Loguével". Deux traces qui m'indiquaient la présence des Brossard, verriers en exercice dans  les bois et forêts allant de  Duault à Kergrist-Moëllou.   Mes recherches ultérieures me confirmaient leur présence dans d'autres lieux comme Lanrivain, Lescouët-Gouarec, Glomel et Plélauff .

  C'est donc à partir de tous ces éléments que je m'intéressais de front aux activités des verriers en Centre Bretagne, aux techniques du verre et à cette "dynastie" des Brossard.

  Histoire et origines du verre


Le procédé de fabrication du verre est connu depuis la plus haute antiquité et il apparaît sous sa forme primitive vers 5 000 ans av. J.-C dans le bassin méditerranéen et particulièrement en Égypte et en Mésopotamie. L'homme utilise le verre depuis plusieurs millénaires. L’importance de ce matériau n’a cessé de s’accroître au fil du temps.

Des marins phéniciens, selon la légende, se retrouvèrent sur une plage du Moyen-Orient à l'heure du repas. Ils allumèrent un feu et firent tenir leur marmite sur des blocs de calcaire. Le feu était sûrement très vif car le lendemain, ils découvrirent dans le foyer éteint un dépôt solide et vitrifié. Ainsi le hasard, en réunissant du sable de la plage, du calcaire et de la chaleur, avait donné naissance au verre. La silice[2] est le constituant essentiel du verre. En ajoutant au bain de silice fondue de la soude et de la chaux, on obtient du verre à vitre.

 

 

 



 

Technique de fabrication

 

Les procédés de fabrication du verre sont aussi variés que les produits de cette fabrication et pour un béotien de cette technique que je suis, il est difficile de donner des notions générales sur la manière d'opérer,  aussi  mon seul souci est d'effectuer un rapide survol des techniques nécessaires à son élaboration.

 

Le verre est le produit de la fusion du sable (silice) à une température d'environ 1 500° qu'on peut abaisser à 1 200° par l'adjonction d'un fondant (potasse ou soude), généralement appelé salin. Celui-ci est obtenu par la lixiviation* de cendres de plantes, notamment de fougères que l'on coupe au printemps et qui croissent en grande quantité dans les bois et forêts ou de cendres d'arbres, notamment de hêtres. La lixiviation est l'opération qui consiste à placer les cendres obtenues dans un grand récipient plein d'eau et à porter à ébullition jusqu'à obtenir un sel très dur appelé carbonate de potasse que l'on casse en petits morceaux après refroidissement. Le sable, on le trouve partout, le cristal de roche, le grès, le silex, le sable et la meulière sont autant de la silice. On trouve également du sablon blanc, le plus fin des sables qu'on lave, crible et sèche. Celui-ci est placé dans plusieurs récipients en un four construit en argile et porté à la plus haute température sous un feu de bois. Il est ensuite aspergé d'eau qui transforme en une poudre blanche qui mélangé avec le carbonate de soude et porté à la température de 1 200° environ, donne ce qu'on nomme la "fritte", mélange incomplètement fondu, matière première du futur verre. Un nouveau passage au four fusionne l'ensemble et commence alors le travail proprement dit  du verre, extraction de la pâte à l'aide d'une tige métallique creuse appelé canne à souffler et étalement sur une surface plane. Après refroidissement le verre est coupé.

 

 

Soufflage du verre, façonnage, obtention d'un manchon, sectionnement des extrémités, coupage et étalement à la chaleur.

 

 

Ces produits et matériaux sont largement pourvus dans les bois de la région. Pour produire 1 kg de verre; il faut consommer environ deux stères de bois, bois dont la dimension idéale est de 0,80 m de long et de 1,2 cm de tour

 

 

Le souffleur de verre au travail

 

 

*Lixiviation-du lat. livius, de lix "lessive" – Extraction d'un composant soluble à partir d'un produit pulvérisé, par des opérations de lavage.

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Fabrication du verre au Moyen Âge.

  Les verriers " gentilshommes"                                          

J'en étais resté à la définition première que les nobles étaient d'abord des hommes de guerre. Ils pouvaient aussi cultiver la terre, mais non point se livrer à l'industrie ou au commerce. On sait la différence notable qui existait sous l'ancien régime entre "le noble d'extraction" et "l'anobli", le premier de manière incontestable par naissance et le second de manière octroyée. Cependant, par exception, la verrerie était considérée comme un art noble. Cela ne voulait pas dire qu'on devenait noble en devenant verrier, mais qu'un noble pouvait exercer ce métier sans déroger. En d'autres termes, les rois de France, depuis Henri IV avaient institué et sacré ce privilège "de la verrerie" uniquement pour récompenser  les mérites de cette profession qui avait suivi le roi St Louis en croisade. En réalité c'est plus vraisemblablement à Philippe III le Hardi (règne : 1270-1285) son fils, qu'ils durent les privilèges attachés à la qualité de verrier.

Il n'existe pas de documents authentiques se rapportant à cette époque, mais le procureur du roi, Ignace Chrétien, disait: "ce n'est qu'après avoir versé leur sang et ruiné leur fortune que ces nobles obtinrent de la générosité du roi saint Louis une planche après leur naufrage."

Pour établir une verrerie, il fallait un privilège, c'est à dire une autorisation du roi donnée par lettre patente:

...En l'an 1330 fut donné le pouvoir par le roi Philippe IV à Philippe de Cazeray, ecuyer, premier inventeur des plats de verre appelé verre de France, comme portant son nom, de faire établir une verrerie proche Bézu en Normandie, qui fut nommée La Haye.

En Normandie, quatre familles nobles, les Caqueray, Bongars, Brossard et Le Vaillant, reçurent de tels privilèges pour l'établissement de grosses verreries fabriquant du verre à vitres.

 

La vie des verriers


La verrerie est un monde en marge de la communauté rurale, quoiqu'en relation étroite avec elle, farouchement indépendant. Elle apparaît comme un isolat que le mode de vie rend étranger ou étrange pour le monde paysan environnant. Il est hors de doute que les verriers ont été présents dans cette région boisée depuis le Moyen-Age mais la particularité de cette profession est de se fondre dans le pays et de ne pas laisser de traces, à l'instar de tous les gens des bois et forêts, tels que les sabotiers, charbonniers, forestiers et professions annexes telles que boisseliers, scieurs de long, écorceurs et cercliers. .

 

 

Travaux en forêt

(Henri Louis Duhamel de Monceau-1776)

 

L'installation d'une verrerie requiert certaines conditions, il est nécessaire de disposer d'un cours d'eau capable d'actionner un petit moulin servant à broyer la soude ; il faut aussi que ce cours d'eau serve à laver le sable et qu'il procure aux verriers l'eau dont ils ont besoin pour refroidir leurs outils et se rafraîchir eux-mêmes.  Jusque vers la fin du XVIème siècle, les gentilshommes-verriers vivaient comme de véritables patriarches. Leurs rudimentaires demeures construites sommairement et en pleine forêt tenaient beaucoup plus des cabanes de charbonniers ou de bûcherons que des habitations des seigneurs environnants.
Les fréquents déplacements dans les bois et forêts, à la recherche continuelle de combustible, leur dictait une construction rapide et simplifiée. Il est vrai que la vie active menée par ces artisans du feu les obligeait à demeurer plus souvent autour du four qu'à l'intérieur de leurs rustiques maisons.

Au XVIIe siècle, attirés par une province en pleine extension économique qui jouit, jusqu'à l'avènement de Louis XIV, d'une relative indépendance juridique et fiscale, les verriers vont pouvoir développer leur art à la faveur des encouragements de la noblesse locale propriétaire des forêts qui outre le bois bénéficie d'un milieu propice à la verrerie.

Déjà au Moyen-Age, de nombreux ateliers forestiers produisaient de la gobeleterie( verres, gobelets, carafes…) ainsi que du verre à vitre.

 

 
Les sites industriels en Bretagne au 18e siècle

L'origine des Brossard.                                     

 

La famille de Brossard est une vieille famille de verriers aux rameaux innombrables. Répandues à travers la France pendant sept siècles, avec des fortunes diverses, les Brossard ont formé des branches très distinctes les unes des autres. Il est impossible d'établir entre elles un lien certain de parenté. Cependant, une tradition répétée par la plupart des généalogistes voudrait que tous les gentilshommes du nom de Brossard eussent une origine commune :

Suivant cette légende, que nous prenons avec toute les réserves d'usage, l'auteur de cette maison aurait été de sang royal. La tradition explique que Charles, comte de Valois et fils de Philippe de Valois et petit-fils de Saint Louis, étant devenu amoureux d'une demoiselle de la maison de Brossard, en Bretagne, en eut un fils naturel, nommé Antoine. Celui-ci aurait épousé, vers 1298, Judith de Ponthieu, soeur du Comte d'Aumale. Le fils issu de cette union, Charles de Brossard, ayant épousé Jacqueline de Trachy ou de Thérachy, ses descendants adoptèrent des armes qui rappelaient les blasons des deux familles.

 

 

 

Armes des Brossard

"d'azur, à trois fleurs de lys d'or, soutenues d'une mouchure d'hermine,

 accompagnées en abîme d'un gantelet aussi d'or, portant un épervier d'argent".

 

Cette origine royale ne fut jamais qu'une prétention et le célèbre généalogiste de Louis XIV Clérambault (1651-1740), sollicité par d'Hozier[3], ne put éclaircir cette prétention.

 

  Les Brossard de Burthulet.

 
 L'environnement

 
Quelques mots d'abord sur cette trêve de Duault qui devint bien plus tard Saint-Servais. Duault avant la Révolution était une paroisse-mère d'une grande importance située dans l'Evêché de Cornouaille. Elle comportait quatre trêves, Locarn-Quélen, Saint Nicodème, Landugen et Burthulet (Saint-Servais) . La superficie était d'une étendue considérable de 6.138 hectares et les localités étaient séparées les unes des autres par une forêt et des landes à peu près désertes, privées de moyens de communication entre elles, formant un ensemble d'une administration à peu près impossible. La séparation ne fut effective qu'en 1869 après l'arrêté préfectoral du 19 avril, mais déjà en 1855 Saint-Servais était devenue une paroisse séparée de Duault. La majeure partie de la forêt de Duault, appelée par les gens du cru  "Coat Parc Duault" se trouva donc englobée à la nouvelle commune, ne laissant à l'ancienne  que la frange ouest entourant le village de Kerivoal. Les Ducs de Bretagne y firent construire au 13e siècle un parc fermé où étaient élevés des sangliers pour la chasse, ainsi que des chevaux dont les étalons mâles sélectionnés, une fois débourrés, étaient destinés à la remonte des chevaliers en Terre Sainte ; des vestiges de ce mur sont encore visibles dans la partie proche des gorges du Corong. Il est également à noter que les gens qui travaillaient et demeuraient à l'intérieur de la forêt étaient mentionnés sur les registres de catholicité comme habitant " l'enclos du Parc Duault", démontrant ainsi l'aspect fermé de ce lieu.

C'est donc dans cette partie boisée de l'Argoat que vinrent s'établir les Brossard, une région connue par la famille depuis déjà près d'un siècle. En effet, comme il est indiqué en préambule, un certain René de Brossard établissait une verrerie à Bourbriac, 20 km plus au nord.

 
Le 15 février 1617, René de Brossard[4], obtenait de Marie de Luxembourg, duchesse de Penthièvre, l'autorisation d'installer une verrerie dans le bois de Coatliou en Bourbriac, bois dépendant de la seigneurie de Minibriac[5] sous le seigneur de Penthièvre. Aux termes du contrat, le fermier jouissait des coupes ordinaires du bois pour une durée de 20 ans, ainsi que des fougères croissant dans le voisinage, contre le paiement d'une rente annuelle de 60 livres tournois.

            "S'il plaît à Madame la Duchesse de Mercoeur…d'accorder à René de Brossard, gentilhomme verrier l'établissement d'une verrerie au mylieu du Bois de Coatliou dans la seigneurie du Minibriac…

 
 Fait à Guingamp au quinzième jour de février mil six centz dix sept"

 

                                                          

Les Brossard en forêt de Burthulet-Duault.

  Dans le tableau sommaire de généalogie des Brossard (Annexe1), réalisé après de nombreuses recherches et qui suscite encore bien des interrogations, démontrant comme nous l'avons vu plus avant, toutes les difficultés rencontrées pour établir les liens entre gens essentiellement nomades que sont les travailleurs forestiers. Ce tableau a volontairement été arrêté en 1554, les renseignements antérieurs n'étant aucunement confirmés. Il débute par  Jean de Brossard cité comme parrain en 1553 à Abbaretz (44170 Nozay) en Loire Atlantique et nous pouvons poursuivre les pérégrinations qui conduisent cette branche Brossard des marches de la Province jusqu'aux bois de Lorges, Duault, Locarn et Glomel en passant par le Morbihan.

En 1725, nous trouvons à Kerbernès, quatre familles de Brossard, une branche venant de la forêt de Lorges comprenant deux frères, Georges Mathieu et Nicolas. Le premier épouse en 1727,  Françoise Marguerite Goueznou, fille de Joseph Michel et Gilette Michelle Bahezre. Le second, Nicolas épouse en 1728, Pétronille Claude de Grenier, d'une famille de verriers.

La seconde branche, cousine au 1/6e degré, vient de Locarn et Glomel en passant par la forêt de Quénécan avant les années 1690. Elle comporte également deux frères, Pierre Louis et Charles Claude. Le premier épouse Anne Thérèse Le Bouédec en 1725 à Burthulet, famille Le Bouédec déjà alliée avec la branche cousine. Le second, Charles Claude épouse un peu plus tard vers 1740, Anne Marie de Kerhallic. Une particularité remarquable de cette famille, relevé sur les actes, était que tous les hommes portaient le titre d'écuyer, toutes les femmes le titre de Dame ou Demoiselle et tous signaient de façon exemplaire. Les titres de sieurs étaient également différents de tous les titres de la petite noblesse locale, citons-en quelques-uns : sieur de la Mazure, du Verger, du Tertre, de la Fontaine, du Couldraye, de la Lande, du Pré, de Clairbois, termes plutôt proches du milieu professionnel.

La verrerie, sous la direction du maître verrier Pierre Louis, comportait en 1732 trente quatre personnes en majorité de la famille Brossard mais également d'autres familles tels que les Kerlan, Daniel, Le Bris.

 

            La verrerie de Kerbernès  
 

Plan de la forêt royale de Duault contenant 832 arpents et 59 perches à la mesure royale. Est un bois taillis enclavé dans le mur prétendu par Mr de Locriste réuny en 1669. Les délaissements de cette garde sont joignant les bois de Moelan(Moellou)
Mesure de Cornouaille : Échelle d'un quart de lieue bretonne ou 170 perches(dessinée par B. Robert)
Sources : Centre historique des Archives Nationales- Cliché réf. N/IV/FINISTERE/ 1/10.


                                                

A ce jour, il ne reste aucune trace de cette verrerie au village de Kerbernès, situé sur la façade ouest de la forêt et  à 1 km au sud du bourg de Saint-Servais. Mais nous savons qu'en 1736, après l'incendie qui avait dévasté le premier atelier, Georges Mathieu de Brossard sollicitait du Roi l'autorisation de faire construire, à proximité de cette forêt, un nouvel établissement.

C'est vers 1725 que Georges Mathieu vient s'établir dans ce village en pleine forêt chez Gilette Thérèse Bahezre, veuve de Joseph Michel Goueznou, sieur de Kerdouret, décédé le 7 décembre 1723. Il épouse en 1727 Françoise Marguerite Goueznou, leur fille aînée et devient ainsi tenancier du lieu. Le fermier du Roi[6], du nom de Pierre Duval, ne tarde à lui réclamer les droits de francs-fiefs sur la tenue de Kerbernés depuis le décès de son beau-père Joseph Michel Goueznou, une somme bien minime qui se montait à 10 livres par an.

Georges Mathieu refuse de payer cet impôt et fait valoir de sa condition avantageuse de noble l'exemptant de ce droit en présentant un dossier qui le relie à Yves de Brossard, sieur de Guénault maintenu noble à la Réformation de 1671.

Après une très longue procédure juridique qui dura près de quarante ans et dont je ferais grâce aux lecteurs de tous les détails, allant de la saisie immobilière aux nombreux changements de fermiers chargés du recouvrement, tels que Pierre Duval, Jacques Colombel et Pierre Henriet.

Le Commissariat des Domaines rétablit Georges Mathieu dans ses droits en 1759 avec application du 18 novembre 1767, soit trois ans après son décès. C'est donc ses fils Nicolas et Joseph Alain de Brossard qui reçurent la bonne nouvelle. La branche cousine comprenant Pierre Louis et Charles Claude de Brossard ainsi que son fils Claude Isaac étaient, bien entendu, au courant de toutes ces démarches et ne pouvaient demeurer inactifs devant la procédure tentée par leurs cousins. A leur tour, ils firent intervenir en 1745 deux parents influents en les personnes des notaires Gabriel Joseph Fercoq de Callac et d'Alain Le Bouédec de Carhaix afin obtenir la reconnaissance de leur noblesse. La procédure fut également longue et laborieuse puisqu'ils n'obtinrent ce parchemin par le parquet de Rennes qu'en 1761, signé par de Caradeuc de la Chalotais[7]. Et déjà s'approchaient à grands pas les dernières années du siècle qui mirent fin à ces privilèges de classe.

 

        Les Brossard en mutation

 

La verrerie était en perte de vitesse, plusieurs établissements du Morbihan proche de Lorient utilisaient pour chauffer les fours du charbon de "terre", matériau plus économique malgré l'importation d'Angleterre. Vers 1765, après le décès du maître verrier, Pierre Louis, retiré à Callac, chez son gendre Louis Hyacinthe Guillou, receveur des Devoirs[8], le site de Kerbernes fut mis en veille et cessa bientôt toute activité. Il ne restait à Kerbernes que les enfants de Georges Mathieu, Joseph Alain et Alexandre, qui se marièrent avec des demoiselles du cru, le premier avec Louise Le Poullen de Burthulet et le second, Alexandre avec Marie Le Bellom de Lanrivain. La transition entre l'état de verrier, du fait de la disparition progressive des débouchés du verre à vitre et la nouvelle profession, située entre le commerce du bois et celle de paysan s'effectue progressivement dans les années de la Révolution.

Durant les années perturbées de  la Révolution, l'engagement politique sépare  Yves Brossard, petit-fils d'Alexandre et d'Anne Marie Bellom de son petit cousin cousin Charles Claude, fils de Nicolas et de Pétronille Grenier. Le Premier se retrouve à 28 ans engagé au 4e bataillon des Côtes du Nord des volontaires nationaux de la Garde National en 1792, sous le commandement de Claude Quénechdu de Callac. Le second, après avoir quitté Kerbernès vers 1770, se retrouve chef de chouans à Pluvigner dans le Morbihan en 1793 et qui ayant pris part à l'expédition de Quiberon, fut fusillé à Vannes le 21 nivose de l'An IV(10.01.1796.

  Les Brossard sont encore présents à Burthulet(St-Servais-Duault) tout au long du 19e siècle et Yves Marie Brossard, la particule disparue, marié à une fille Le Deuff et habitant Kerbernès , est indiqué dans le recensement de la population de Duault comme cultivateur et conseiller municipal. Vers les années 1880, le nom se transforme et devient Debrossard et à l'aube du 20e siècle disparaît sans laisser de traces..

   Ainsi se termine cette curieuse histoire de verriers en Centre Bretagne, qui en raison des aléas de la profession, du caractère rudimentaire des établissements forestiers, n'a laissé aucune trace, ni sur le terrain, ni dans les esprits et encore moins dans les archives.

 

 

                                                                                            J.Lohou (mise à jour 31 août 2012-février 2017)

 

Sources et bibliographie.

 
-AD22- Séries 7 E, E,  5 MI, L, M .

 -DUVAL, Michel- Les métiers en forêt- 2e édition-1959- 3 fascicules- Rennes. (Une mention spéciale et un grand remerciement à l'infatigable chercheur Michel Duval, Docteur en Histoire et es Sciences Juridiques de l'Université de Rennes qui a voué ses thèses et ses principaux travaux aux forêts bretonnes.

 
Comte d'Ymouville- La verrerie de Campigny près Bayeux et les Familles Brossard et de Mésenge au XVIIe siècle- Actes du 81e Congrès des Sociétés Savantes- Rouen-Caen-1956.

"HERBAUT Claudine "De la verrerie forestière à la verrerie industrielle"

AD22- 6 bi 577-

 

-Nos Ancêtres- Vie & Métiers-Dossier: Petits métiers de la forêt- n°8-juillet-août 2004.

( Aucune mention du métier de verrier n'apparaît dans les 61 pages de l'article. )  


 

 

  Annexe 1
genebrossard.JPG (158466 octets)

Généalogie simplifliée des BROSSARD

Quelques notes sur le Penthièvre, la Ligue et les gouverneurs de la Bretagne.

 

Marie de Luxembourg (°Lamballe 15.02.1562-+Paris 06.09.1623), fille de Sébastien de Luxembourg, Duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne en 1564. Il mourut des suites de ses blessures à la bataille de Saint-Jean d'Angely et son corps fut porté dans l'église des Cordeliers de Guingamp. Il avait épousé Marie de Beaucaire dont il eut Marie de Luxembourg. Celle-ci épousa Philippe Emmanuel de Lorraine, Duc de Mercœur en lutte contre Henri IV à la mort d'Henri III, assassiné le 2 août 1859. Le Duc de Mercœur songeait à restaurer le Duché de Bretagne en sa faveur, soutenu par Philippe II  d'Espagne. Mais Henri IV parvint à conserver cette province et le 10 mars 1601, le Duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne et dernier des Ligueurs, demande la paix et fait sa soumission à Henri IV. Philippe quitte la France et se met au service de Rodolphe, roi de Hongrie pour combattre les Turcs en Styrie; il meurt de fièvre maligne à Nuremberg en 1602 à l'âge de 44 ans. Sa fille, Françoise de Lorraine est promise à César de Vendôme, fils naturel d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, qui de fait succédera dès 1608 à son beau-père en tant que Duc de Mercoeur et gouverneur de Bretagne.

 

Philippe Emmanuel de Lorraine

Duc de Mercoeur

(°1558-1602)

Chef de la Ligue et gouverneur de Bretagne

 

 

 

 

 



[1] BOTREL,Yannick-"Forestiers et habitants de Bourbriac au XVIIe siècle" – Revue du Pays d'Argoat n° 4-1985.

[2] Silice : oxyde de silicium(SIO²), corps solide de grande dureté, blanc ou incolore, constituant plus de la moitié de la croûte terrestre.

  [3] Célèbre famille de généalogistes – Charles-René d'Hozier(1640-1732) – Armorial Général de France (1696)

[4] AD22- E 1207. Seigneurie de Minibriac.

[5] BOTREL, Yannick- "La Châtellenie de Minibriac"- Revue du Pays d'Argoat n°10- 1988.

[6] Fermier- Dans l'Ancien Régime, financier qui affermait le recouvrement de certains impôts dont les droits de francs –fiefs,  impôt appliqué aux roturiers qui, ayant acquis des biens nobles, compensait ainsi l'absence de services qu'aurait effectués un noble auprès du suzerain..

[7] Louis René de Caradeuc de la Chalotais (1701-1785), procureur général du Parlement de Bretagne, adversaire des Jésuites que son "Compte rendu des constitutions des Jésuites"(1761) contribua à faire chasser de France.
[8] Receveur des devoirs, homme de loi chargé de percevoir les taxes sur les boissons.

                                                                                                        


Joseph Lohou (février 2017)

 
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