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Jean de la Varende[1] et ses ancêtres les Fleuriot de Langle.
Après
« À Ciel ouvert, images du terroir », les éditions Terre de Brume
proposent au lecteur passionné par la Bretagne, sa culture et son
histoire, un nouveau fruit de la collaboration entre Jean de La Varende
et Mathurin Méheut[2], « Mers, côtes et marins de Bretagne ».
Dans
cet ouvrage, Méheut, une fois encore, sait transmettre l'émotion qu'il
ressent devant les paysages grandioses dans la pointe
armoricaine. La Varende, quant à lui, y parle avec passion non
seulement des eaux bretonnes, de la beauté des côtes et des îles, mais
aussi de la diversité des bateaux et de la richesse de son histoire
maritime. Le talent de ces deux artistes donne ici un ouvrage de haute
tenue que chacun, et spécialement chaque Breton, se doit d'avoir dans
sa bibliothèque.
Ici
pluie et beau temps, ils sont commandés par des bâtards de cotillon
(protégés des dames), et aussi la Compagnie[3] est ladre, construit au
rabais. Mais tout changera avec l'arrivée de l'illustre Croigniard[4],
qui réalisera à Lorient des unités splendides, telles que son Indien de
1 200 tonneaux. Le sens naval y acquiert une si haute qualité que ce
sont des navires lorientais qui, les premiers, gréeront le foc[5],
cette voile si intelligente, au lieu du fragile perroquet de beaupré ;
le foc, orgueil du marin.
"La bouline[6] et le grand foc, Neptune à nous !»
Mauvaises têtes.
Le caractère et la valeur des Bretons semblent s'affirmer plus à l'aise
dans : le Breton serait-il essentiellement corsaire? On trouve plus
facilement de splendides commandants de vaisseaux, que des chefs
d'escadres: ils sont trop entêtés, trop amoureux de leur liberté
pétulante. Nous croyons pouvoir réunir dans une respectueuse sympathie
commune ces deux marins qui dorment, l'un en face de l'autre,
verticaux, au chœur de l'église Saint-Louis de Brest : du Couédic et le
chevalier Fleuriot de Langle, deux têtes fortes qui secouaient leurs
brides.
Il nous plaît de mener les marins deux par deux : ainsi, ils matelotent
encore. Certes, la gloire de du Couédic[7] dépasse la notoriété du
chevalier de Langle[8], mais ce pauvre chevalier eut tant de déveine
que l'histoire lui devrait une petite compensation.
La Surveillante commandée par un mocko[9], Roquefeuille[10], mais qui s'acclimatera en Bretagne et y fera belle souche.
Le retour de la Surveillante fut épique. Les pêcheurs arrivèrent autour
du navire rasé, lui passèrent des aussières, et la frégate regagna
Brest, cahin-caha, mais tirée par une escorte triomphale : toute la
campagne sur le Goulet ; toute la ville sur le port.
L’Astrolabe
Quant
au chevalier de Langle... Il était joli comme un cœur, fin de traits et
blond, avec de clairs yeux bleus, une bouche de fille, mais il aimait
trop sa femme, la vive et brune Georgette de Kerouartz[11]. Grand
marin, dignitaire de l'Académie de marine, manœuvrier et technicien à
la fois, savant et loup de mer, sensible à la vague comme un roi de
harengs, il venait d'accomplir une très belle campagne de la baie
d'Hudson, avec La Pérouse. En rentrant, Louis XVI, le seul roi de
France qui aima la géographie, lui aurait fait proposer (ceci est pure
documentation familiale), le commandement de l'expédition autour du
monde. Il recevrait même la forêt du Hot (de Duault) près de Callac, où
était sa maison de Rosvyllio[12] :
« J'aime trop ma brunette, J’en mourrois, »
Répondit,
en refusant, le marin tendre... Quelques mois après, il reçut l'ordre
d'embarquer comme second: La Pérouse[13] le réclamait. Alors, peut-on
comprendre cette humeur sombre dont La Pérouse se plaint. Disons aussi
que ce mocko rejette sur l'ascendance bretonne du chevalier «son
invincible entêtement... » Commandée par un mocko, Roquefeuille, mais
qui s'acclimatera en Bretagne et y fera belle souche.
Le
11 décembre 1787, notre pauvre bisaïeul descend à Manoua d'Océanie et
s'il enfreignit les défenses de La Pérouse, il meurt victime de son
obéissance aux ordres royaux : ne pas tirer avant d'être formellement
attaqué, ne faire, aux bons sauvages, nulle peine, même légère. Ce ne
fut, déjà chancelant sous les cailloux lancés, et transpercé de
flèches, que le chevalier fit usage de son tonnerre portatif qui, cinq
minutes plus tôt, aurait fait fuir les insulaires. Il périt victime du
glaireux Jean-Jacques et de ses attendrissements indigènes.
Il
n'en reste que des ossements retrouvés par hasard ; une baie que les
Américains ont débaptisée ; une toute petite rue à Brest et une
douzaine d'assiettes en porcelaine de Canton où l'amoureux, votivement,
avait fait peindre les roses fleuries des Fleuriot et la roue des
Kerouartz[14], acquise à la Mansourah[15]... Quelques petites lettres
aussi, mais trop tristes, en vérité.
Le coup d'épée de M. de Cillart[16]
Vers
la fin de l'ancien Régime, c'est surtout Suffren[17] qui fait parler de
lui et de la mockoterie toulousaine. Gros comme une barrique de
corps-mort, d'une humeur de dogue d'amure, brutal comme un pirate,
Suffren n'appelle ses commandants au Conseil que pour mieux les
engueuler. Génial, d'ailleurs. Cependant, les Bretons n'aiment point
ces novateurs impérieux. On connaît l'histoire célèbre; sa fin,
toujours de source familiale est moins sue.
À Négapatam[18], le Breton Cillart, commandant le Sévère, est accusé
d'avoir rendu son navire aux trois Anglais qui le foudroient. Chez
nous, on racontait que sa drisse de pavillon avait été coupée... En
tout cas, un lieutenant bleu fait rétablir l'enseigne et le Sévère
revient combattre. Quand les Anglais le réclamèrent, Suffren répondit :
«Venez le prendre !», mais limogea le commandant…
Jean de la Varende.
Notes et sources.
1.
Jean Balthazar Marie Mallard de La Varende Agis de Saint-Denis, baron
Agis de Saint-Denis, « vicomte » de La Varende, connu sous le nom de
Jean de La Varende, né le 24 mai 1887 au château de Bonneville à
Chamblac (Eure), mort le 8 juin 1959 à Paris, est un écrivain français.
2. Mathurin Méheut, est un dessinateur et artiste
peintre, pluridisciplinaire, français, né le 21 mai 1882 à Lamballe1
(Côtes-d'Armor) et décédé le 22 février 1958 à Paris, âgé de 76 ans
3. Une compagnie des Indes était une compagnie qui
gérait le commerce entre une métropole européenne et ses colonies.
4. Jean-Baptiste Coignard, chef d’escadre.
5. Foc, voile triangulaire à l’avant du bâteau.
6. Longues cordes, qui tiennent la voile de biais.
7. Charles Louis du Couëdic, seigneur de Kergoualer, né le 17 juillet 1740 au château de Kerguelenen.
8. Paul Antoine Marie Fleuriot, vicomte de Langle, né
le 1er août 1744 au château de Kerlouët à Quemper-Guézennec,
Côtes-d'Armor et décédé le 11 décembre 1787, à Maouna, Îles Samoa, est
un officier de marine et aristocrate français du xviiie siècle.
9. Moko, terme de marine désignant un marin de la Méditerrannée.
10. Aymard Joseph, comte de Roquefeuille, officier de marine (°1715-1782)
11. Georgette de Kerouartz, épouse de Paul Antoine Fleuriot de Langle.
12. Rosviliou en Duault, château des Fleuriot.
13. Jean François de Galaup, comte de La Pérouse (23
août 1741 - disparu en 1788), né au château du Gô, dans la paroisse de
Saint-Julien à deux lieues d'Albi, est un officier de marine et un
explorateur français.
14. Armes ou écu de la famille de Kerouartz.
15. Mansourah, ville d’Égypte(7ème croisade)
16. ( ?)
17. Pierre André de Suffren, dit « le bailli de
Suffren », également connu sous le nom de « Suffren de Saint-Tropez »
était un vice-amiral français, bailli et commandeur de l’Ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, né le 17 juillet 1729 au château de
Saint-Cannat près d’Aix-en-Provence et mort le 8 décembre 1788 à Paris.
18. La bataille de Négapatam est une bataille navale
livrée le 6 juillet 1746, dans l'océan Indien, lors de la guerre de
succession d'Autriche (1740-1748). La France et l'Angleterre s'y
disputent le contrôle des eaux de la côte de Coromandel où se trouvent
deux de leurs principaux comptoirs, Pondichéry et Madras
Les notes sont de la rédaction (J.Lohou -09.09.2012)