Callac-de-Bretagne

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 Madame de SAINT-PRIX

 
Émilie Barbe Marie Guiton(Callac 1789-Morlaix 1869)
(Un daguerreotype des années 1860...)



Introduction.

Issu d’une famille de robins, greffiers, notaires et hommes de loi, portant un patronyme « GUIT(T)ON »[1] peu usité dans l’ouest du département, ses ancêtres, vers les années 1600 accompagnent certainement une famille de petite noblesse dans la région de Plourac’h, Plusquellec et Carnoët.


Les Guiton entre Plourac’h, Plusquellec et Carnoët.

Son ayeul, Gabriel (°1659-1722) et son épouse Françoise Le Foll, par conséquent  font intervenir le ban et l’arrière ban des personnages renommés lors du baptême de leur fils Guillaume, le 18 avril 1695, né le 4 du mois, en l’église de Plourac’h[2]. Le célébrant en est le recteur Jan de Kergariou et  parrain et marraine sont respectivement, l’écuyer Guillaume Floyd, sieur de Tréguibé et l’honorable Péronnelle de La Roche Huon, fille du notaire de Plusquellec, Jan de La Roche Huon du village de Kerdavid.

 

Baptême de Guillaume Guiton le 18 avril 1695 à Plourac'h.


Ainsi, Guillaume, comme son père, s’établit notaire à Carnoët, et épouse Geneviève Raoulin en premières noces, puis ensuite au décès de cette dernière, Marie Anne Le Scaffunec de Saint Idunet, dont postérité.
Les grands-grands-parents…



Également son frère aîné,  Jean(°1684), à nouveau  s’installe comme notaire à Plusquellec au manoir de Lestrédiec avec une Demoiselle Marie Clech, épousée en 1709, et fille du notaire Jan Clec’h, originaire de Locarn ; le couple eut neuf enfants dont six garçons et trois filles, dont un prêtre, Sébastien et un futur notaire, Jean Marie. Une particularité de cette famille, Marie Françoise(°1729 Plusquellec) se marie avec son cousin germain, Guillaume (°1729 Carnoët), fils de Guillaume Marie et de Geneviève Raoulin à Carnoët le 22 juillet 1765, le couple ayant respectivement 36 ans d’âge et étant parent au second degré de consanguinité, la dispense fut demandée et obtenue de la Cour de Rome le 22 mai 1765. Le mari, Guillaume fit une belle carrière à Carnoët, d’abord avocat au Parlement de Bretagne, procureur fiscal,  puis sénéchal de plusieurs juridictions, dont celle de Coatleau en Plusquellec.

Les grands-parents…


Yves(°1733), le plus jeune des fils de M° Jean Guiton et Marie Clech, se marie en 1758 à Plusquellec avec Marie Joseph Le Neven ; la cérémonie est dirigée par le recteur de Plusquellec Joseph Louis Heussaf d’Oixant[3] et son cousin germain Guillaume Marie Guitton, notaire de Carnoët, son frère Sébastien, prêtre, ainsi que Charles Gabriel Daguenel, notaire et procureur de Callac, ami de la famille signent le registre le 30 janvier 1758.

Le couple s’installe au village de Guerfanc où naîtront trois enfants, Pierre Jean(°1760), Marie Joseph (°1764) et Joseph Marie(°1766), plus tard vers 1770, le ménage change de domicile et s’installe à Kerbeuzen en Carnoët où naîtront Jean Marie(°1772), Marie Anne(°1778) et Yves(°1776).

Les parents…

Pierre Jean, l’aîné, né à Plusquellec en 1760 mais domicilié à Carnoët, se marie à Callac-Botmel en 1784 avec Barbe Françoise Le Denmat[4], une morlaisienne d’une famille établie comme commerçante dans cette ville, mais qui avait conservé ses attaches avec Callac. Pierre Jean, avocat au Parlement devint vite une personnalité connue et appréciée. A la formation de la garde nationale en août 1789, il est choisi comme second-capitaine dans la formation citoyen actif en 1789  en devenant ainsi procureur de la première municipalité en 1790, puis provisoirement maire de la commune en 1795, enfin juge de Paix en 1808.
Le mariage, le 10 août 1784, célébré par le prêtre Sébastien Quénechdu, remplit l’église de Botmel d’une nombreuse assistance d’hommes de loi, citons les principaux : noble homme Philippe Mathurin Le Denmat-Restguen, négociant à Morlaix, son frère Yves Joseph Le Denmat-Kervern, avocat à Morlaix, tous les deux oncles paternels de l’épousée, Barbe Françoise, Yves Guitton, notaire et père de Pierre Jean, François Joseph Guiton, notaire à Carnoët, frère de Pierre Jean ; notons également, Françoise Julienne Morvan, commerçante à Morlaix, qui signe veuve Le Denmat.


Le couple n’aura que deux  enfants, Yves Marie qui naît en mars 1785 et qui a comme parrain et marraine, son grand père paternel Yves, le notaire et son arrière-grand-mère maternelle, Marie Anne Lencot, commerçante sur la place de Callac, puis plus tard à Morlaix.  Notre célèbre Émilie Barbe Marie  Guiton vient au monde quatre années plus tard, le 7 avril 1789, année marquante s’il en fut. Contrairement à son frère aîné, Yves Marie, son parrain et sa marraine ne seront que deux simples paysans de Plusquellec, Joseph et Marie Le Bars, ne sachant signer.

Quant à Yves Marie l’aîné, nous le trouvons écolier à 11 ans en 1794 avec François Yves Beaudouin [5] comme maître d’école à Callac ; mais aucune information connue  ne transparais sur son parcours de ses  années de jeunesse, sûrement emporté dans le maelstrom des troubles des années de fin de siècle…

Émilie Barbe grandit à Callac dans une famille établie sur la Place du Martray,  qui deviendra plus tard Place des Halles, puis Place du Centre et enfin Place du 9 avril 1944, son père Pierre Jean, homme de loi, avocat au Parlement s’insère rapidement dans le milieu des dirigeants de la cité et sa mère Barbe Françoise Le Denmat, se rappelant sa précédente occupation morlaisienne, ouvre un commerce devant les Halles de Callac. Son père, Pierre Jean en 1789, lors de la formation de la Garde Nationale occupe la fonction de second-capitaine dans la deuxième compagnie sous le commandement de Toussaint Gillorain, puis le 15 juin 1794, est nommé maire de Botmel par le procureur syndic du District de Rostrenen, M. François Marbaut , fonction qu’il occupera jusqu’en juin 1795 remplacé par Yves Marie Le Gars lors de l’avènement de la Constitution de l’An III. En 1799, à l’époque de la troisième Chouannerie,  il devient la cible de la nouvelle municipalité en raison de la présence à son domicile d’un religieux, ex-capucin[6] et frère de son épouse, Jean Marie Le Denmat, né à Morlaix et qui décèdera l’année suivante en 1800 à Callac.


Pierre Jean Guiton retrouve les faveurs de l’Administration en 1808 sous le 1er Empire, où il est nommé conseiller municipal le 20 octobre par le 1er préfet des Côtes-du-Nord, M. Jean Pierre Boullé ;  le maire étant Jérôme Alexandre Guiot et les adjoints : Joseph Louis Le Bouédec, Benoît Delafargue, Yves Le Reste et Charles Desjars. Il restera conseiller dans la seconde administration, après le décès de Jérôme Alexandre Guiot[7] en 1814, sous le maire Joseph Laurent Even.

Mariage d'Émilie Barbe Guiton...

L’année 1816, le 17 septembre,  fut pour la famille Guiton marqué par un évènement remarquable : le mariage de leur fille Émilie Barbe, âgée de 27 ans,  avec Charles Yves André Tixier Damas de Saint-Prix, un ancien officier de marine en retraite à Tréguier, pourtant âgé de 41 ans. Ce dernier était fils d’un capitaine de vaisseau, chevalier de l’Ordre royal de Saint-Louis, Messire André Tixier Damas, seigneur de Saint-Prix et de Dame Marie Françoise Perrine de Calan, originaire de Brest ; également ville de naissance de leur fils Charles le 6 décembre 1775.

La cérémonie eut lieu dans l’église de Botmel, escortée de toute une série de personnalités exceptionnelles, citons comme premier témoin : Guillaume Jacques Félix de la Boissière de Ruparlazou, âgé de 36 ans, son oncle paternel et beau-frère du contractant demeurant à Sizun (Finistère), ayant épousé à Guissény en 1807, Emmanuelle Tixier Damas, soeur de Charles Yves André, puis Charles Michel Marie de Brémoy[8], 53 ans, capitaine de vaisseau demeurant à Tréguier, ami du contractant. Viennent enfin les deux oncles maternels d’Émilie Barbe, tous les deux propriétaires en la ville de Morlaix : Philippe Mathurin Restguen Le Denmat, 68 ans, grand-oncle, célibataire et négociant à Morlaix et Jean Marie Le Graët de Kerouvriou, 48 ans, marié à Marie Joseph Le Denmat ; ce dernier, Jean Marie Le Graët[9], deviendra député de Morlaix en 1823.
Une simple signature au bas de l'acte de mariage nous interpelle, Le Flô, s'agit-il d'un parent du futur général Adolphe Le Flô, né en 1804 à Lesneven(29) et commune de naissance des trois soeurs et deux frères du contractant, Charles Yves André...

La nouvelle vie d’Émilie Barbe, devenue Dame Tixier Damas de Saint-Prix.

Aussitôt les cérémonies achevées, le couple rejoint le domicile de  Charles Yves André Tixier Damas à Tréguier, une petite ville chargée d'histoire, une découverte qui enchante la nouvelle dame  Émilie Barbe  Tixier  Damas, assurément différente de la ville de Callac. Elle se lie avec Marie Jeanne Arthur de Keralio[10],  la seconde épouse de Charles Michel de Brémoy qui fut un témoin important de son mariage à Callac et ami intime de son mari Charles André, tous les deux  anciens officiers de Marine  ; et de plus bien introduit dans l’administration de la ville de Tréguier en tant que premier adjoint du maire, M. Duportal du Goasmeur.

Citons encore dans sa parentèle proche, sa belle-sœur Emmanuelle Tixier Damas, épouse de Guillaume Jacques Félix de la Boissière,  sieur de Ruparlazou, domiciliés à Pleyber-Christ et n’oublions pas son cousin de Morlaix, Philippe Le Denmat-Kervern, futur président du tribunal de Morlaix  et son épouse Marie Victoire Le Bras, pour lesquels elle fut témoin de leur mariage en 1810 à Morlaix, l’année de ses 21 ans et notons tout de même sa présence dans cette ville en 1811 à la naissance de son cousin issu de germain, Philippe Victor Le Denmat-Kervern, fils de Phillipe François, juge au Tribumal de Première Instance de Morlaix et qui habitait à cette époque au Pont de Notre Dame, près des Halles. Ne négligont pas les visites qu'elle fit à grand son oncle maternel, riche négociant  resté célibataire, Philippe Mathurin Le Denmat-Restguen, dans le quartier des Halles.
Elle fait également connaissance avec le parent de son  amie Marie Jeanne Arthur de Keralio en la personne de son oncle, Étienne Gabriel Arthur de Keralio, recteur de Plougrescant.

Les enfants du couple.

Le premier enfant du couple, un garçon,  naît à Tréguier le 4 septembre 1817, juste un an après le mariage ; il est appelé Charles André François Marie et nous retrouvons comme premier témoin, Charles Michel de Brémoy, ancien capitaine de vaisseau et chevalier de Saint Louis. Ce fils aîné deviendra plus tard un célèbre louvetier finistérien à Morlaix.

Le second fils, Philippe André Pierre Marie suit deux ans plus tard, né le 11 mai 1819, il aura, comme son aîné, Charles André, le même témoin, l’ancien  capitaine de vaisseau Charles Marie de Brémoy, ainsi que le troisième enfant, une fille qui naît le 27 octobre 1821, Marie Émilie. Ce qui présente un bel exemple de rapport d’amitiés entre  les familles Tixier Damas et de Brémoy.

Puis au début des années vingt, la famille Tixier Damas quitte Tréguier pour la ville de Morlaix, un rapprochement vers la famille d’Émilie Barbe, les Denmat-Kervern et Le Denmat-Restguen établis dans cette plus grande cité au milieu du 19ème siècle.

Après les trois enfants nés à Tréguier, viennent  s’ajouter deux autres à Morlaix,  Jean vers 1825 et Émilie Marie en janvier 1829.

L'arrivée du couple à Morlaix...

L’arrivée du couple à Morlaix est provoquée par le décès de l’oncle paternel  d’Émilie Barbe, Philippe Mathurin Le Denmat-Restguen, né à Callac en 1737 et qui décède à Morlaix le 24 octobre 1921 à l’âge de 84 ans. Il était le fils d’Yves et Marie Anne Lencot, commerçants à Callac et qui s’établirent plus tard à Morlaix près des halles.

Un personnage, hors du commun, qui, à sa majorité se lance dans le commerce des vins avec seulement quinze cent livres de capital et se ruine à deux reprises. Resté célibataire, son économie et son comportement vis à vis de l’argent est  légendaire dans le pays ; vêtu de gros drap, actif, infatigable, et prenant à peine le temps de manger son pain et son oignon, il monte sans cesse son cheval osseux,  courant à ses nombreuses et lucratives affaires.

En 1775-1776, nous le trouvons "marchand en gros" à Morlaix et en 1783-1787, il est consul[11] dans la même ville. Lors de la tourmente révolutionnaire, il est arrêté et détenu à Morlaix, puis élargi le 6 mars 1794, échappant au sort de son frère Philippe Le Denmat-Kervern, avocat au Parlement de Bretagne, maire de Morlaix du 04/02/1790 au 15/11/1791et guillotiné à Brest le 23 mai 1794.

En 1813, Philippe Mathurin achète à Etiennette du Parc de Kerannou, veuve de Vincent-Louis-Pascal du Trévou, le manoir de Traoufeunteuniou(12) et ses dépendances à Ploujean, pour la somme de 80 300 francs. C’est la consécration, pour cet homme vieillissant, parti de rien. A son décès en 1821, Traoufeunteuniou passe ensuite, par héritage, aux TIXIER DAMAS. Il est vraisemblable qu'après leur arrivée sur les lieux, Charles Joseph André Tixier Damas et son épouse Émilie Barbe Guiton avaient détruit l'ancien manoir, abandonné depuis de longues années, pour le reconstruire à neuf (date portée : 1828). Le couple s’installe à Morlaix, rue de Bourret, près du couvent des Ursulines dans les années 1820, où naissent leurs derniers enfants ;  Jean André Marie le 1er octobre 1825 avec comme premier témoin, l’oncle maternel, Jean Marie Le Graët-Kerouvriou, né à Botmel-Callac en 1768, député et adjoint au maire de Morlaix, puis, Emilie Marie le 21 janvier 1829, avec comme témoins son oncle maternel : Philippe François le Denmat-Kervern, juge institutionnel civil au tribunal de Morlaix et son cousin maternel : Philippe Émile Marie Placide de Kermoysan, sous/Lieutenant de cuirassiers de la Reine à Ploërmel , fils de sa tante Eugénie Le Denmat-Kervern.

La famille au Manoir de Traoufeunteuniou.


Au premier recensement disponible de Ploujean en 1836, la famille s’installe dans le manoir amélioré en 1828, partageant ainsi leur séjour entre la rue de Bourret et leur demeure de campagne.
Le couple et leurs cinq enfants, Charles André (19 ans), Philippe André (17 ans), Marie Émilie (14 ans), Jean André (10 ans), Émilie Marie (7 ans), sont accompagnés de leur professeur, Félix Vincent Kergrohen,  chargé des études des plus jeunes enfants. Le personnel de service comprend une dame de compagnie, Alexandrine Le Normand et une domestique, Perrine Le Coarer.

Cinq ans plus tard,  en 1841, la famille et les enfants sont toujours présents ; seul le personnel a légèrement varié, trois domestiques supplémentaires, Marie Louise Le Gévère, Catherine Hénaff et Pierre Adam, et un cocher, Vincent Le Gall fait son apparition.

En 1846, la composition de la famille va graduellement changer avec d’abord  l’absence de  Philippe André (27 ans) qui se marie en juillet 1843 à Morlaix avec Adéle Marie Catherine Petit, fille d’influents commerçants des Halles de Morlaix, Ovide Petit et Caroline Delange. Puis l’aînée des filles, Marie Émilie Françoise, qui à 22 ans s’éprend d’un médecin et officier de santé, né à Saint-Malo, mais originaire d’une très vieille famille normande de l’Avranchin, les de Brécey, Jules Nicolas de Brécey ; le  mariage a lieu à Ploujean le 8 janvier 1844 et la nouvelle famille s’établit au manoir avec leur premier enfant, Jules Émile, né le 8 novembre 1844.
Charles Joseph, le patriarche de 70 ans et son épouse Émilie Barbe Guiton, sont encore accompagnés de leur fils Charles André, 29 ans, devenu avocat et qui fera plus tard une carrière de louvetier ; et de Jean André, 20 ans, ainsi que de la seconde fille, Émilie Marie Françoise, 17 ans.
Le personnel a également évolué, le professeur Félix Kergrohen a quitté les lieux et Alexandrine Le Normand, devenue gouvernante, dirige tant bien que mal les employés de la maison : Vincent le Gall, cocher, Alexandre Hamon, le jardinier, Marie Bohic, la cuisinière, Henri Guinet, le domestique et Françoise Rubens, la jeune femme de chambre.

La disparition du chef de famille, Charles Joseph André Tixier Damas de Saint Prix.

A 73 ans, Charles Joseph se plaint de d’affections pulmonaires successives qui le condamne au repos et qu’il attribue au climat marin humide de la région morlaisienne ; son gendre, Jules Nicolas de Brécey, médecin et officier de santé lui conseille une maison de santé de la région de Saint Malo, qui est son pays de naissance. Charles Joseph rejoint la ville de Paramé où les saisons sont plus favorables à la guérison de ce genre de maladies.
Mais, hélas, son séjour sera de courte durée et le mal l’emporte le 27 août 1849. Il laisse derrière lui une famille éplorée, son hôtel[13] de Saint-Prix à Morlaix, grande maison octogonale de la rue de Bourret, qui sera détruite en 1888, son manoir de Traonfeuntenniou à Ploujean qui sera reconstruit en 1872 par son fils, Charles André François, puis revendu.....

Le mariage de la fille cadette , Émilie Françoise Marie Élisabeth.

Les fils de Charles Joseph et d’Émilie Barbe Guiton, Charles André François, l’aîné et le cadet Jean André étant restés célibataires, considérablement pris par leurs occupations cynégétiques, il restait dans la famille la petite dernière, Émilie Françoise  Marie Élisabeth, née en 1829 et restée jusque-là « demoiselle ».
En fin d’année 1857, sa mère, qui fréquentait toute la « gentry » morlaisienne, lui présenta un brillant militaire de sa connaissance, chef d’escadron au 2ème régiment de Dragons, comte et chevalier de la Légion d’honneur, François Charles Louis Marie de la Jaille, né en 1822 à la Guadeloupe.

Ce militaire semblait plaire à la « demoiselle » et le mariage eut lieu à Ploujean le 25 janvier 1858 au manoir de   Traoufeunteuniou. Parmi les témoins du mariage, nous constatons la présence du père de l’époux, le marquis Charles André de la Jaille, né à Londres en 1796 et marié à Caroline Dubois de la Saussaye d’Estrelan ; ainsi que le général Adolphe Le Flô, né à Lesneven, qui fut député du Finistère en 1848, ministre de la Guerre en 1871 et ambassadeur en Russie en 1876 ; en fin de carrière, le général s'installa à Ploujean et devint le voisin des Tixier Damas de Saint-Esprit dans son château de Nec'hhoat avec sa fille Caroline qui épousa en 1876 à Ploujean,  Auguste de la Barre de Nanteuil, archéologue de renom, né à La Fargeville au Etats-Unis (Jefferson County), près de New-York. Quelques années auparavant, à Ploujean en avril 1870, Caroline Le Flö fut marraine de la nouvelle cloche de l'église de la paroisse, appelée "Caroline Yvonne", avec comme "compère", Charles André François Tixier Damas de St Prix, le fameux louvetier.

Le couple de la Jaille eût cinq enfants, dont quatre garçons et une seule fille ; dans l’ordre, François Charles en 1859,   
 Émilie Françoise en 1860, Emery Charles en 1864, Jean Yvon en 1866 et enfin, Yvon Urbain en 1869.
Les quatre premiers enfants naquirent à Morlaix, dans l’hôtel Saint Prix de leur grand-mère paternelle, Émilie Barbe Guiton, veuve domiciliée rue de Bourret ; en raison de l’absence de son mari, fort occupé par son métier de militaire aux conquêtes coloniales d’Afrique et aux batailles d’Europe et d’Orient. Charles André de la Jaille, de sa sortie de Saint-Cyr en 1841 et la dernière naissance de ses enfants, avait passé 28 longues années hors de France. (Voir site : état de services aux armées : (Callac-de-Bretagne/jaille.html)

La disparition de la comtesse, Émilie, Barbe, Marie GUITON.

Après une vie bien remplie et dont les évènements importants seront évoqués plus avant, Émilie Barbe Marie s'éteint à l'âge de 80 ans et 1 mois dans sa demeure de la rue de Bourret à Morlaix le 27 avril 1869, entouré de sa famille. Son fils Philippe Joseph André, maire de Saint-Sève et Jean Marie Étienne Barazer de Lannurien, ami très cher de la famille et adjoint au maire de Morlaix, signent l'acte de décès à la mairie de la ville.

La cérémonie des obsèques eut lieu dans la chapelle Notre Dame de Ploujean le 29 avril 1869 où fut prononcé  l’éloge funèbre par l’abbé Kerzalé, son confesseur. Un panégyrique  de la comtesse qui témoignait de son hospitalité dans son hôtel de Morlaix où elle avait reçu « Légitimistes, Républicains et Orléanistes » se côtoyant en toute simplicité ; et aussi bien un « général en habit brodé » qu’un cultivateur « en habit de bure ».  


Bretonnante accomplie, Émilie Barbe se rappelait fort bien de ses années d’enfance à Callac dans le commerce de sa mère Barbe Le Denmat où la langue bretonne était nécessaire à toute transaction.  Elle aurait débuté ses collectes en 1820, peut-être sur l'impulsion du grammairien Jean François Le Gonidec [14], ami de son mari, Charles André Tixier Damas.

Elle n'a pas cherché à éditer elle-même ses recherches mais en a fait profiter d'autres collecteurs: La Villemarqué [15]reconnaît avoir "été mis sur la trace du poème de Merlin, par Madame de Saint-Prix, qui a bien voulu m'en communiquer des fragments chantés au pays de Tréguier". Anatole Le Braz affirme, quant à lui, que" Madame de Saint Prix répéta maintes fois à mon père[16] [qui l'avait aidé dans ses collectes] qu'elle avait fourni à M. de La Villemarqué nombre de gwerzes bretonnes".

Émilie Barbe Guiton, comtesse de Saint-Prix, son œuvre.

Comme nous l’avons  précédemment cité, Monsieur Hersart de la Villemarqué ne fut pas le seul personnage à profiter des « guerzes » recueillies par la Comtesse et et un ami de ce dernier, Jean-Marie  de Penguern [1176], collecteur et collectionneur breton, anima un réseau d’informateurs, dont René de Kerambrun qui lui fournit les pièces transcrites d’Émilie Barbe Guiton.
La mort de Jean Marie de Penguern en 1856 empêcha ce dernier de faire, comme il avait l’intention, la publication qu’il projetait et la collection de manuscrits échurent  à François Marie Luzel[18] ; mais cette disparition  brutale entraîna, quelques années plus tard, dans le transfert des manuscrits vers une sauvegarde publique, un imbroglio inextricable que nous renonçons ici à exposer la véritable solution.

L’affaire des manuscrits de Jean Marie de Penguern.

Avant d’entrer dans les collections de la Bibliothèque nationale, en 1878, les cahiers manuscrits des chants réunis par Jean-Marie de Penguern ont été, en 1867-1868, au centre d’une ténébreuse affaire dont il n’est pas toujours facile de démêler les tenants et les aboutissants, pas plus que le rôle réel des différents protagonistes. Il faut dire qu’elle intervient au moment où éclate au grand jour la querelle du Barzaz-Breiz : la collection Penguern est alors convoitée par tous ceux qui espèrent bien y trouver de quoi étayer leurs argumentations respectives.




Filiation des Tixier Damas de Saint-Prix.


Le fils aîné, Charles André François, héritier principal des Tixier Damas, devenu avocat puis louvetier renommé au pays de Morlaix, était resté célibataire. Son frère Jean André, s’occupa avec son aîné de la meute de chiens au manoir et lui aussi était célibataire.

Le fils cadet, Philippe André Pierre marié à Adèle Marie Petit, devenu négociant à Morlaix et maire de Saint-Sève aurait dû assurer la descendance avec quatre enfants, trois filles et un garçon, mais ce dernier, Philippe André Joseph,  mourut l’année de sa naissance en 1848.

Ainsi la filiation de cette branche des Tixier Damas de Saint-Prix ne fut plus assurée.


                                                                                                
 


NOTES.

[1]GUITTON : C'est un nom de personne d'origine germanique, Witto, formé sur la racine wid (= bois).(Albert Dauzat)
[2] PLOURAC’H,  Plourac'h dépendait jadis féodalement de la châtellenie de Carnoët, et religieusement de l’évêché de Quimper, en 1690, François de Coatlégon en était l’évêque et Yves Le Berre, recteur de Plourac’h.
[3] HEUSSAF D’OIXANT, Joseph Louis, recteur de Plusquellec pendant 22 ans de 1754 à 1776, d’une famille finistérienne originaire de l’île d’Ouessant.
[4]DENMAT-KERVERN, famille originaire de Callac dont un fils, Yves Joseph, devint maire de Morlaix en 1790 et fut fusillé le 23 mai 1794 à Brest avec 25 autres administrateurs du Finistère.
[5] BEAUDOUIN, François Yves, 1er instituteur public à Callac en 1793. (http://joseph.lohou.perso.sfr.fr/Callac-de-Bretagne/instituteur.html )
[6] CAPUCIN,  Religieux, religieuse d'une branche réformée de l'ordre de saint François d'Assise, spécialisée dans la prédication populaire (TLF-Trésor de le langue française)
[7] Les GUIOT, (http://joseph.lohou.perso.sfr.fr/Callac-de-Bretagne/guiotcallac.html)
[8] BRÉMOY de, Charles-Michel-Marie DE BREMOY, lieutenant des vaisseaux du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, né à Morlaix le 9 décembre 1763, émigra en 1791, pour soutenir la cause de son souverain légitime. Il a épousé Hyacinthe le Gentil, dont il a : Frédéric-Charles-Marie de Bremoy, né à Lannion le 10 mars 1792 ; Marie-Josèphe-Éliane de Bremoy, née à Lannion le 15 avril 1791 ; morte en bas âge.
Armes : « d'azur, à six branches de lauriers entrelaces, formant trois couronnes d'or, une épée d'or en pal, la pointe en haut. »
[9] LE GRAET de KEROUVRIOU, (graet.html)
[10] ARTHUR de KERALIO, Marie Jeanne, fille de Guillaume et de Marie Anne Borie, épouse de Charles De Brémoy en 1808 à Tréguier>.
[11] Manoir de Traon-feunteniou.
Le nom de Traonfeunteuniou, qui signifie Val des fontaines, a été associé au manoir en raison de la présence de trois sources situées dans le domaine, dont deux alimentent le Dourduff. Au XVIIIe siècle, le château appartient à Sébastien de Trévoux, né en le 28 mars 1758,  lieutenant de vaisseau qui, emprisonné en 1792 pour cause de mauvais traitements infligés à ses matelots, meurt en s'évadant du château du Taureau un an plus tard en 1818. La bâtisse actuelle est construite en 1872 par M.  Charles Tixier Damas de Saint Prix à l'emplacement et avec les matériaux de l'ancienne demeure. De cette dernière, un élément décoratif, une conque, subsiste au-dessus de l'entrée de l'allée menant à la chapelle. Celle-ci, dédiée à Notre-Dame du Bon Secours, est reconstruite à quelques mètres de son emplacement d'origine, après sa destruction en 1940. Au début du XXe siècle, un pardon y a lieu le premier dimanche de juin. (I. M. H. 1992)
[12] CONSUL, juge choisi parmi les marchands pour régler les différends d’ordre commercial-(TLF-Trésor de le Langue Française)
[13] Hôtel St Prix, ] L’Hôtel Saint-Prix, maison  à tour octogonale. (Démoli en 1888)
« Autrefois, lorsqu'on pouvait encore voir les remparts de Morlaix, on voyait également couler le Queffleuth sous le pont de Bourret. Ce dernier était un pont de pierre situé entre la rue du Pavé, à l'intérieur de la ville close, et la rue Longue-de-Bourret à l’extérieur. A l'emplacement de l'abribus, au point de jonction de la rue Longue-de-Bourret et de la rue de l’Observatoire qui n’existe plus aujourd’hui, se trouvait une grande maison à tour octogonale : l’Hôtel St-Prix. Dans la rue de l’Observatoire se dressait le vieux théâtre fondé par M. Cadeville. Ce vieux théâtre fût vendu en 1888 quand le nouveau fût inauguré rue de Brest. C'est cette année-là également que furent détruits l’Hôtel St-Prix et le pont de Bourret et que fût recouvert le Queffleuth pour construire une nouvelle place, la place Emile Souvestre, en l’honneur du célèbre écrivain breton qui vécut  entre 1806 et 1854. »
[14] LE GONIDEC, Jean François, (Conquet 1775- Paris 1838), grammairien et lexicographe, auteur du Dictionnaire Franco-breton.
[15)
HERSART de la VILLEMARQUÉ, Théodore Hersart, vicomte de La Villemarqué (7 juillet 1815 à Quimperlé - 8 décembre 1895 à Quimperlé) est un philologue français spécialiste de la culture bretonne. Il est notamment connu comme auteur du Barzaz Breiz, recueil de chants populaires bretons
[16] LE BRAS, Nicolas, père d'Anatole et instituteur à Duault-Saint Servais.
[17] PENGUEN de, Jean Marie,
(1807 Paris-1856 Taulé), avocat, juge de Paix à Perros-Guirec en 1840, épousa Joséphine de Kerléan en 1836 à Taulé.
[18] LUZEL, François Maris, (6 juin 1821 Plouaret - 26 février 1895 Quimper), également connu sous la forme bretonne de son nom Fañch an Uhel1, est un folkloriste breton, et également un poète en langue bretonne.
[19] Manuscrits PENGUEN, L’affaire des manuscrits à la mort de Jean-Marie de Penguern.. Nelly Blanchard. Actes de colloque, Mar 2007, Lannion, France. Centre de Recherche Bretonne et Celtique / Universitéde Bretagne Occidentale (Brest), pp.87-104. <hal-00450177>- http://hal.univ-brest.fr/hal-00450177



Addendas.

 Voir La collection "Penguern", dans le journal " An Oaled " du second trimestre 1939, pages 36 à 38/98.

Voir : Madame de Saint-Prix, un article paru dans le Kaier du POHER n°28-mars 2010 par Yvon ROL.

 





                                    Joseph Lohou (novembre 2013-juillet; décembre 2014- avril 2015- août 2015-juin 2016)