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Lettre du
recteur Mathias SOUBENS en date du 7 février 1748, lettre
qu’il adresse au Prieur de l’Abbaye de sainte Croix de
Quimperlé et dans laquelle il se plaint une nouvelle fois
de François Mathieu de Ploesquellec et demande en outre la
destitution du procureur et notaire
RAOULIN qu’il accuse d’avoir signé un faux
contre lui..
«
Monsieur et Cher Seigneur,
Plein de confiance en vous et persuadé de la part que vous
voulez prendre à tout ce qui me regarde, j’implore votre
protection contre certaines personnes de Callac auxquelles
j’ai eu le malheur de déplaire, je ne sais trop par quel
endroit.
Vous avez à
lui parler sans doute de l’affreuse calomnie dont M. de
Ploesquellec a essayé de me noircir auprès de Son Altesse
Monseigneur Le Duc de Penthièvre
pendant les États. On ne m’accusait de rien moins d’une
concussion
de 213 livres à mon profit. C’était le mettre la corde
au col, si la chose avait été vraie, mais grâce à dieu,
mes calomniateurs ont été confondus. J’ai été déclaré
blanc comme neige par Mgr de Penthièvre même sur le mémoire
justificatif que j’ai eu l’honneur de lui faire présenter
avec les pièces au soutien, pièces parlantes et décisives.
Le Royal Procureur qui a tout vu, vous en instruira à fond.
Mais je ne suis pas encore entièrement justifié dans ce
pays. M. de Ploesquellec et de Kervin débitent effrontément
partout que je ne dois la tranquillité dont je jouis
qu’aux protections que j’ai eu et non à mon innocence.
Vous sentez, Mon Cher Seigneur, combien ces faux
bruits que je ne puis détruire entièrement me sont
sensibles et préjudiciables même. Vous pouvez en quelque sorte réparer mon
honneur, en me suivant cependant que les impressions
de la plus exacte justice.
Je me trouve à mon tour en état de mettre la corde au col
de mes calomniateurs, mais à Dieu ne plaise que je n’en
profite jamais. Je me serais contenté de certaines
soumissions de leur part, mais on me les refuse. C’est ce
qui m’engage à recourir à votre autorité. M° Raoulin,
procureur et notaire par votre juridiction de Callac a signé,
en qualité d’adjoint, le faux qu’on avait dressé
contre moi. Je l’appelle faux et un faux très avéré,
car sans parler du fond de la pièce dont j’ai démontré
les mensonges insignes, M° Raoulin a avoué au Révérend Père
procureur, en présence de M. de Kerisac
qu’il n’assista point à l’interrogation des témoins
prétendus, qu’il était même absent ce jour-là, qu’il
souscrivit le lendemain sans lire de quoi il s’agissait,
que l’enquête n’était pas de son écriture et
qu’enfin M. de Ploesquellec l’a surpris et a extorqué
sa signature. Le contraire est cependant porté expressément
dans le procès-verbal, où il est dit que M° Raoulin leva
la main devant les témoins et prêta serment. Le Révérend
Père procureur a eu la bonté, pour me faire plaisir,
d’ordonner à M° Raoulin de me venir faire des excuses,
mais il n’a pas jugé à propos d’obéir, et ne se
dispose, ni ne veut même m’accorder aucune réparation.
Un homme de ce caractère est capable de tout, et peut
accuser tout ce qu’il y a d’honnêtes gens, et même si
M. de Ploesquellec l’en priait, je ne doute pas qu’il
eut l’audace un jour de calomnier ses seigneurs mêmes ; il paraît par ce qu’il m’a
fait, qu’il est vendu à l’iniquité, d’autant plus
qu’il est commis des Contrôles sous M. de Ploesquellec,
et par conséquent, son domestique. Je vous avoue, Mon Cher
Seigneur, que je serai flatté si vous vouliez bien
destituer ce M° Raoulin
de ses offices. Ce n’est pas par vengeance que je vous le
demande, mais pour arrêter les autres dans la main de
Monsieur de Ploesquellec.
Au château de Keranlouant, le 7 février 1748.
Votre humble serviteur.
Mathias
Soubens.
Joseph Lohou(août 2006)
Concussion- Malversation d'un fonctionnaire qui
ordonne de percevoir ou perçoit sciemment des fonds par
abus de l'autorité que lui donne sa charge.