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Maël-Pestivien
et le centenaire
de
la mort de Villiers de l'Isle Adam
Auguste
Mathias Villiers de l'Isle Adam,
écrivain briochin d'une rare originalité, est mort en1889.
Le chef-lieu
du
département, en particulier la Bibliothèque Municipale,
s'apprêtent à commémorer ce centenaire.
Il
faut espérer que la commune de Maël-Pestivien
se joindra à cet hommage. En effet le manoir de Kerohou, au
pied de la Chaire des Druides, fut le fief des ascendants de
Villiers, ainsi que le relevèrent avant 1914
AnatoleLeBraz
et Léon Durocher Le grand-père de Villiers, Jean Jérôme
(1769-1846) habita Kerohou près de cinquante ans. Sa pierre
tombale, où il est paré du titre de Commandant
d'Artillerie, est dressée près du porche sud de l'église.
Surnommé Lilly, ce fut un étonnant
personnage qui s'embarqua pour l'Orient
à
l'âge de vingt ans, naviguant plusieurs années.1789 vit
son retour au manoir de Penanhoas en Lopérec (Finistère).
Antirévolutionnaire il devint Chouan et fut grièvement
blessé près de Quintin. Une veuve Hamon de Trévaux le
recueillit. Il épousa sa fille Thomasse en 1796 et
se retira alors à Maël-Pestivien.
En
octobre1799 il participa à la prise de la prison de
Saint-Brieuc par les Chouans. Bien
qu'amnistié en1803 il fut
assigné
à résidence à Saint-Pol de Léon. On le retrouve accusé
d'avoir fait avorter une femme qu'il avait engrossée... Il
ne revint à Kerohou qu'après la Restauration, ne récupérant
quelque argent qu'en1826. On l'appelait le Marquis.Il fut
constamment suspect aux autorités à cause de ses relations
avec Even, notaire à Callac et L'Hostis Kerhor, maire de Maël,
tous deux complices de Cadoudal et de "l'irréductible"
Debar, dernier chef chouan de la contrée. Père de
8enfants, 4filles,4 garçons dont un mort-né, il tint
longtemps recluse et misérable sa fille aînée qui finit
par entrer dans les ordres. Son fils Victor devint prêtre,
docteur en théologie, recteur de Kerpert puis de
Ploumilliau. Très érudit, mais selon certains
contemporains, têtu et peu charitable, il apprit le latin
à Anatole Le Braz.
Quant
à l'aîné des garçons,, Joseph Toussaint Charles, né le
30août1804à Maël-Pestivien, ce fut lui aussi un
original
qui voulut être reconnu seigneur de Maël. Son enfance fut
difficile du fait de l'autoritarisme du père qui lui imposa
d'entrer au séminaire. Auguste Mathias se souviendra de
cette intense passion morale lorsqu'il imaginera le
personnage de Sara dans « Axel . Joseph Villiers
consacra sa vie à la recherche de secrets dans les archives
et de trésors dans ce sol breton qui devait
receler à la fois des trophées à la
fois des
trophées archéologiques et les butins cachés par les
Chouans. En 1883 un trésor composé d'un anneau-disque en
or et d'un gros lingot de cuivre fut découvert dans la
tourbière de Guernan Floch à un kilomètre de Kerohou. En
1932 trois lunules en or furent mises à jour à Kerivoa en
Bourbriac. On voit donc que les espérances de Joseph
Villiers n'étaient pas chimériques. Hélas! il fouilla
vainement le sol de la colline de la Chaire des Druides où
s'amoncellent d'énormes rochers. A cette époque (1850) une
mère et son fils périrent, ensevelis sous la terre du
tumulus de Tanouëdou en
Bourbriac qu'ils fouillaient clandestinement. Vers1835,
Villiers, père, s'installa à Saint-Brieuc où il proposa
ses services de documentaliste passionné aux ci-devants dépossédés
de leurs biens par la Révolution, délivrant des
certificats de noblesse et se faisant fort de les aider à récupérer
leur dû. Parti à Paris il fut emprisonné pour dettes et sombra plus tard
dans la folie.
Son
fils unique, le futur écrivain Auguste Mathias Villiers de
l'Isle Adam naquit à Saint-Brieuc le 7 novembre 1838 et fut
élevé dans le souvenir de ses nobles ancêtres et l'espérance
de la découverte de trésors. Il ne faut donc pas s'étonner
qu'il devint tout à la fois un auteur talentueux et un
inquiétant mythomane. Il revendiqua le trône de Grèce,
poursuivit des critiques pour diffamation, se prétendit
"Prince du Saint Empire Romain, unique héritier du
Grand Maître de Rhodes
fondateur de l'Ordre
de Malte, Grand d'Espagne depuis Charles Quint, 22 fois
comte". Il affirmait que son grand-père Lilly avait été
Gouverneur de Saint Domingue et Général de brigade
disposant de 300.000 livres de rente. Il mourut le 18 août
1889. Il est évident que l'étrange auteur des Contes
Cruels, l'Eve future, Tribulat, Bonhomet, Histoires
insolites n'a pu qu'être influencé par le comportement à
Maël-Pestivien de son grand-père et de son père. Il reste
à retrouver les traces des passages de Villiers à Kerohou.
Il y est probablement venu car dans "le Nouveau Monde
"il évoque" la vieille tristesse des landes,
l'odeur âcre des bruyères, l'inquiétude des grands pins
du pays natal...
Vers
1870,
Anatole
Le Braz, enfant, rencontra le poète à Ploumilliau et fut
fort impressionné par son regard dont on eût dit que le
pouvoir éclairant se résorbait par intervalles, pour
rayonner l'instant d'après d'un feu vif et plus
pénétrant.
Nous
espérons qu'un étudiant ou un chercheur opiniâtre va se
pencher sur la question, en consultant les archives,
visitant les notaires, relisant les auteurs (Bollery, J.
Raison du Cleuziou, Bornecque, Hubert Coatleven, etc..
Il
reste à souhaiter également que la commune de Maël-Pestivien
reçoive la visite des participants aux manifestations
organisées à Saint-Brieuc.
Edmond
RÉBILLÉ
Article
paru en 1989 dans le journal Ouest-France.
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