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L'affaire
de l'octroi de Callac
"
Je ne puis m'empêcher de craindre que les hommes
n'arrivent à ce point de regarder toute théorie
nouvelle comme un péril, toute innovation comme un
trouble fâcheux, tout un progrès social comme un
premier pas vers une révolution, et qu'il refusent
entièrement de se mouvoir de peur qu'on ne les
entraîne "...
La faiblesse des démocraties.
Alexis de Tocqueville(1805-1859). |
Droit
dans la tradition paysanne, rebelle à tout nouvel impôt,
l'histoire de l'émeute de Callac le 30 avril et le 1er mai
1840 semble aujourd'hui bien oubliée.
Et
pourtant, il y a à peine 150 ans, elle souleva l'émoi de
toute une région. Une émeute, en pleine monarchie de
Juillet, sous Louis-Philippe et son ministre François
Guizot, à l'époque du suffrage censitaire. On pourrait
croire que la répression brutale avait disparu avec
l'Ancien Régime, s'il n'y avait, pour nous rappeler à
l'ordre, ce sociodrame de Callac, qui jeta l'épouvante dans
cette petite ville. On sonne le tocsin, des villages
voisins arrivent des foules de paysans bien décidés à
faire front.
Est-ce
une Jacquerie, telle que l'a décrit Boris Porchnev dans son
ouvrage Les soulèvements populaires en France(1). On
se trompe d'époque. Laissons plutôt le soin au
commentateur, journaliste(2) de son état, nous décrire,
non sans parti pris, ces événements:
La
place du Martray
"Depuis
longtemps les revenus municipaux de la commune de Callac
avaient été reconnus insuffisants pour faire face à ses
besoins. L'autorité administrative supérieure regardait l'établissement
d'un droit d'octroi comme le moyen le plus convenable de lui
procurer les ressources nécessaires. le conseil municipal
avait sous l'administration de Mr Desjars(3), alors son
maire, pris plusieurs délibérations favorables à cet établissement.
Mais elles étaient restées sans exécution par
suite de l'opposition qu'elles rencontraient dans l'opinion
personnelle de Mr Desjars. Ce dernier ayant donné sa démission,
Mr Fercoq fut nommé maire et Mr Joret, 1er
adjoint avec mission spéciale de s'occuper activement de la
création de l'octroi.
Le 9 février 1839, le conseil
municipal prit, à la simple majorité, une délibération
favorable à cette innovation ;
la minorité y fit une opposition animée.
Le 11 novembre 1839, une 2éme délibération prise à
l'unanimité moins une voix, arrête le projet de tarif.
Le 8 mars 1840, intervint
l'Ordonnance Royale autorisant l'établissement d'octroi
et des tarifs. Ces divers actes furent rendus public par
l'impression et l'affiche. La mise à exécution de cette
ordonnance et le commandement de la perception furent fixés
au 1er mai 1840.
Le 30 avril 1840, vers six
heures du matin, Mr Joret, le 1er adjoint, se
rendit chez le menuisier Flouriot pour y vérifier si les
poteaux destinés à établir les limites de l'octroi étaient
confectionnées. En sortant de son atelier, il trouva
plusieurs femmes qui lui manifestèrent leur mécontentement
de la création de cette nouvelle taxe et chercha vainement
à leur prouver que leurs alarmes étaient sans fondement.
Vers sept heures et demie du matin, le menuisier Flouriot et
le peintre Montfort sortirent de l'atelier portant l'un des
poteaux destinés à être placés sur la route de Callac à
Botmel ; aussitôt un rassemblement de 50 à 60 personnes,
la plupart du sexe féminin, suivit leurs pas en murmurant.
Ils étaient prêts d'atteindre le point où le poteau
devait être planté, lorsque plusieurs membres du groupe
hostile leur enlevèrent ce poteau et le rapportèrent avec
des clameurs de triomphe sur la place publique de Callac, en
face de la maison de l'adjoint Joret ;
puis, une partie du rassemblement se porta
successivement dans les ateliers de Flouriot et de Montfort
y enleva de force les autres poteaux et les enseignes de
l'octroi qui y étaient déposés, puis vint les réunir sur
la place au premier qui y avait été transporté et les
brisa avec fureur à coups de hache. Bientôt quelques
perturbateurs s'introduisant dans la chapelle Ste
Catherine(6) et y sonnèrent le tocsin à diverses reprises,
malgré les injonctions de la gendarmerie, sous les ordres
du brigadier Henri Bernard et accompagné des gendarmes François
Aullic, Anthoine Walbott et Mathurin Routier, trop faible en
nombre pour opposer une résistance efficace à la foule
animée.
Cependant vers midi, le calme parut rétabli ; mais on
appris qu'une estafette avait été envoyée par l'autorité
à Guingamp afin d'informer le Sous Préfet et le
procureur du Roi de cette ville des événements qui
venaient de se passer ; et de nombreuses allées et venues
chez des personnes connues pour leur vive opposition à l'établissement
de l'octroi, annoncèrent que l'on se concertait pour résister
d'une manière sérieuse aux forces qui pouvaient survenir
de l'extérieur pour assurer le lendemain l'exécution des
actes de l'autorité publique.
Vers
sept heures du soir, les rassemblements commencèrent à se
reformer ; des sentinelles furent placées par les
perturbateurs dans les voisinages des points où les poteaux
devaient être placés, avec la consigne de donner l'alarme
si l'autorité tentait de les y faire planter pendant la
nuit. Vers neuf heures du soir, M. le Sous Préfet, le
substitut du procureur du Roi et le Lieutenant de
gendarmerie de Guingamp, Louis Barbier, accompagné du Juge
de Paix de Callac, M. Vistorte et de six gendarmes de la
brigade de Guingamp, arrivèrent après avoir pris la précaution
de descendre de voiture avant d'entrer dans le bourg. Ils
furent néanmoins reconnus par un groupe et des pierres, des
morceaux de bois vinrent rouler à leur pieds et leurs
annoncèrent les intentions hostiles de la foule rassemblée.
Ils
se rendirent immédiatement à la caserne de gendarmerie
pour délibérer sur les mesures à prendre, et jugèrent
prudent d'attendre au lendemain pour arrêter un parti.
Lorsque dix heures sonnèrent, un des perturbateurs s'écria
que le moment de sonner le tocsin était arrivé, et aussitôt
le rassemblement se porta vers la chapelle Ste Catherine
dont les portes furent ouvertes, et le tocsin sonna à
partir de cet instant, toute la nuit et pendant une partie
de la matinée. Trois cabarets tenus par trois des plus
ardents acteurs de la sédition, restèrent ouverts pendant
cette même nuit et ne cessèrent d'être remplis de
perturbateurs qui s'abreuvèrent à discrétion de vin et
spiritueux. Le 1er mai au point du jour, deux des
cabaretiers se rendirent avec deux autres habitants du bourg
à Botmel, à l'église paroissiale, bâtie sur le sommet
d'un coteau, s'emparèrent des clés de l'église et sonnèrent
le tocsin pour avertir les populations avoisinantes de venir
se joindre à celle du bourg.
Bientôt,
les paysans des environs arrivèrent en foule, armés de bâtons,
de fourches, de tranches. Vers quatre heures du matin, Mr
Joret l'adjoint s'étant rendu à la maison commune pour y
placer le drapeau tricolore, à l'occasion de la fête du
Roi, passa au milieu d'un groupe et fut bousculé et pris à
partie. Vers la même heure, toute les autorités étaient réunies
dans la maison du Juge de Paix, M. Vistorte, située sur la
place de Callac ; les groupes devenaient de plus en plus
nombreux. Puis, vers six heures le Sous Préfet, qui parle
l'idiome breton, et le substitut du Procureur du Roi
parcoururent ces groupes, leur adressant de paternelles
exhortations et les invitèrent vainement à se disperser.
Ils persistèrent à manifester la ferme résolution de
s'opposer à l'établissement de l'octroi. Alors le Sous-Préfet
dépêcha une estafette à St Brieuc pour y réclamer
l'envoi immédiat de forces militaires. A la nouvelle qui
circula du départ de cette estafette, les rassemblements se
grossirent rapidement et s'élevèrent à 1500 personnes
environ. L'effervescence populaire devint de plus en plus
vive et bruyante. L'agitation s'accrut et le Sous-Préfet
ainsi que Mr le Substitut se réfugièrent sur le perron de
la maison de Mr Vistorte, Juge de Paix. La foule les entourèrent
et exigèrent la réunion du conseil municipal pour voter
l'abolition de l'octroi. Le Sous Préfet tenta encore de les
apaiser arguant de respecter l'Ordonnance Royale qui l'avait
établi et sur l'impuissance du conseil municipal à révoquer
celle-ci.
Les
perturbateurs ne devenaient que plus exaltés et plus impétueux.
Les gendarmes devinrent l'objet d'agressions simultanées,
et sept d' entre eux furent frappés à coup de bâtons et
de pierres. Le gendarme Delanoé(7), terrassé par un coup
de bâton qui fit jaillir le sang d'une plaie grave à la tête,
frappé à terre avec une cruauté féroce, parvint à
rejoindre l'auberge où il était logé et fut poursuivi
jusque dans l'escalier de sa chambre et ne fut sauvé que grâce
à l'intervention des aubergistes. Une partie des
gendarmes s'étaient réfugiée vers la caserne et menacèrent
de faire feu sur leurs poursuivants. Au même moment, la
maison de Mr Joret était assiégée, ses vitres brisées à
coup de pierres, un des perturbateurs, armé d'un énorme
pieu, monta sur le perron où se trouvait le Sous Préfet et
lui déclara d'un ton véhément «Que si sous une demie
heure, l'octroi n'était pas aboli, le feu serait mis aux
quatre coins de Callac
".
Les
autorités rentrèrent dans la maison de Mr Vistorte dont la
porte fut fermée. La foule voulut forcer cette porte, des
pierres pesantes furent lancées dans la croisée de cette
maison. Plusieurs vitres furent brisées et l'un de ces
projectiles faillit atteindre la fille de Mr Vistorte. Alors
plusieurs habitants notables de Callac, dont Mr Guiot(8)
percepteur, entrèrent chez Mr le Juge de Paix et invitèrent
Mr le Sous Préfet à céder aux vœux de la foule en réunissant
le conseil municipal pour éviter les plus grands malheurs.
En raison de la gravité des circonstances, Mr le Sous Préfet
crut devoir autoriser verbalement la réunion du conseil
municipal, il déclara qu'il n'assisterait pas à cette séance
et ne revêtirait pas la délibération de sa signature.
Les membres du conseil municipal
au nombre de neuf seulement, se réunire à la maison
commune, l'un d'eux, Mr Vistorte, juge de paix, en
traversant la place fut injurié et menacé. La séance fut
perturbée, des perturbateurs entrèrent dans la salle du
conseil et refusèrent d'en sortir, assistèrent à la délibération,
armés de bâtons et la menace à la bouche. Le sieur Guiot,
percepteur, étranger au conseil, y fut présent et dicta la
délibération qui arrêta la réélection du conseil en
totalité et demande l'annulation de l'arrêté qui a créé
les octrois et la révision du règlement de police qui sont
reconnus pour être la cause du désordre présent.
Sur
la remarque que le conseil municipal n'est pas au complet,
plusieurs perturbateurs partirent à la recherche des
conseillers manquants et non présents. Lecture de la délibération
ayant été donné à la foule, celle-ci exigea à grands
cris que Mr Joret qui n'était pas venu à la séance, fut
forcé de se présenter et d'y apposer sa signature.
Le
maire, ayant reçu la promesse que Mr Joret ne serait pas
l'objet de leur violence, se décida à se rendre chez Mr
Joret. Mais il trouva sa maison occupée par la foule. Il
apprit que M.Joret et sa famille s'étaient réfugiés dans
la maison voisine en escaladant le mur du jardin contigu et
avaient ainsi échappé à la rage des assaillants. Il
trouva Mr Joret et l'amena au conseil. Au moment où ils
montaient l'escalier de la maison commune, ils reçurent
chacun un coup de bâton. M. Joret, tout en protestant
contre la violence à laquelle il était contraint de céder,
signe l'acte. Puis deux autres conseillers requis de force
également, Pierre Derrien et Maurice Le Barbier, signèrent.
Une seconde lecture fut faite à la foule qui poussa
les cris de «Vive le Roi» . se dispersa. Bientôt elle
voulut célébrer son
triomphe par un feu de joie à l'aide des poteaux de
l'octroi, brisés la veille
et invita
le Sous- Préfet à l'honneur de l'allumer. Mais le Sous- Préfet
les détourna de ce projet et la décida à attendre le
dimanche suivant, jour fixé pour la célébration de la fête
du Roi.
Elle
se borna à se livrer aux danses, qui dans ce pays,
consacrent chaque année le retour du mois de mai.
M.
le Sous- Préfet et M. le Substitut rentrèrent à Guingamp
pour y attendre l'arrivée des secours demandés à Sain
Brieuc."
Suite de
l'Affaire
Dans la nuit du 3 au 4 mai 1840, la ville de Callac fut cernée
par un détachement de troupe d'environ 400 hommes en
provenance des garnisons de St Brieuc de Guingamp et de
Morlaix, commandé par le Maréchal de Camp, commandant le département,
assisté du capitaine, commandant la gendarmerie.
Personne
ne put entrer dans la ville qu'avec l'autorisation de Mr le
Préfet de Côtes-du-Nord.
Dix
neuf mandats d'amener ont été immédiatement décernés
contre les individus qui avaient pris la part la plus active
à l'émeute et dix huit personnes ont été arrêtés sur
le champ et dirigés sous bonne escorte vers Guingamp. La délibération
prise par la terreur par l'administration municipale dans la
journée du 1er
mai a été annulée.
Les poteaux de l'octroi, brisés par la foule sont rétablis
et toute les précautions sont prises pour
qu' aujourd'hui, jour de marché, force reste à la loi.
Commentaires extraits du dossier de justice(9)
Les 25 accusés dans l'émeute de Callac du 30 avril et du 1er
mai 1840 traduits devant les Assises des Côtes-du-Nord
du 3ème trimestre, ont tous été acquittés le
30 juillet 1840.
Et cela, malgré l'éloquent réquisitoire
du Ministère Public, qui demandait la culpabilité certaine
de plusieurs d'entre eux et notamment celle de Jacques
Magoariec, comme ayant manqué délit (?) le gendarme Delanoé
de la brigade de Belle-Isle.
Cet acquittement est très fâcheux,
pour ne pas dire plus, en ce qu'il paraîtrait constant que
la majorité des jurés en trouvant les prévenus non
coupables, aurait eu pour but de prouver que le peuple est
opposé aux droits d'octroi.
Il est à présumer que pour
toute autre cause, il y aurait eu des condamnations. Sur les
dix-huit accusés, dans cette même affaire, traduit en
police correctionnelle, treize ont été condamnés le 3
juillet par le tribunal de Guingamp, à un mois de prison et
dix francs d'amende, deux à quinze jours de prison et dix
francs d'amende, un à seize francs d'amende et un acquitté.
Déclaration du préfet des Côtes-du-Nord
aux habitants de Callac(10)
"A
la demande de la commune, une Ordonnance Royale a autorisé
l'établissement d'un octroi à Callac ; cet octroi sera rétabli.
La
délibération prise le 1er mai par le Conseil
Municipal sous la menace des plus violents excès, est
nulle.
L'émeute
ne triomphera pas, elle n'a rien à demander, rien à
obtenir.
De
l'émeute, il ne peut naître que des désastres.
L'émeute
ne triomphera jamais; car si des bataillons étaient
insuffisants elle rencontrerait une armée.
Depuis
dix ans que je vous appartiens, pas un seul jour, pas un
seul instant de désordre, j'en étais fier pour ce département.
Et
voilà que Callac vient de sonner le tocsin de la révolte
contre un droit légalement établi et sollicité.
Les
magistrats de l'arrondissement sont accourus et n'ont pas été
écoutés.
Des concitoyens que vous aimez et qui vous sont montrés
hommes de cœur et de dévouement ont été l'objet
d'atroces menaces. La propriété a été menacée. Quel est
donc l'aveuglement qui a entraîné à de si criminels excès
une partie de votre population? Il faut qu'elle ait été méchamment
abusée.
Le droit sera perçu aujourd'hui même, que chacun de vous
calcule ce qu'il aura à payer et qu'il compare cette charge
avec celle dont il se croyait menacé.
BRETONS, si vous avez le cœur droit et l'esprit juste, vous
aurez bientôt apprécié la valeur des mensonges par
lesquels on vous a excités.
Ayez confiance dans la voix de votre magistrat devenu Breton
lui-même depuis dix ans qu'il est avec vous. Soyez calmes.
Si
je pouvais m'adresser à vous comme à un seul homme, vous
me répondriez en engageant votre foi et la force publique
se retirerait aussitôt.
Nous ne le pouvons, ni vous, ni moi; il faut qu'elle
reste encore. Faîtes, du moins, dans votre intérêt
propre, dans l'intérêt de tout le pays qui a besoin de sécurité,
et pour l'honneur de Callac, que cette occupation militaire
puisse cesser bientôt.
A Callac le 6 mai 1840
Le
Préfet: THIEULLEN
Rapport
circonstancier de la Ve légion de gendarmerie en date du
6juin 1840(11)
Notions
sur les faits
Le
30 Avril et le 1er Mai 1840, une émeute a eu lieu dans la
commune de Callac à l'occasion du placement des poteaux
pour la perception d'un octroi légalement établi. Le
rapport de monsieur le Lieutenant de gendarmerie du 2 Mai
mentionnant la belle conduite de la gendarmerie et
constatant que les autorités qui étaient accourues sur le
rapport du brigadier de Callac accompagnés de Monsieur le
Lieutenant de gendarmerie et de quelques gendarmes pour rétablir
l'ordre ont été obligés de se retirer, n'étant pas en
force pour l' exécution de la loi.
Le 6 mai, rapport de Monsieur le
Capitaine annonçant que le 4 mai, Monsieur le Préfet et
Monsieur le Général commandant le département sont arrivés
à Callac avec des forces importantes, qu'on est entré dans
cette ville sans résistance, que force est resté à la
loi, sans aucun malheur à déplorer; que le 6 mai, jour de
marché de Callac, les poteaux ont été remplacés et les
droits perçus sans murmures; que la cour royale de Rennes
ayant évoqué l'affaire, ce même jour est arrivé Monsieur
le Premier avocat général, un conseiller et le greffier de
la cour.
Les autorités supérieures réunies
à Callac ont témoigné leur entière satisfaction à
Monsieur le Capitaine, commandant la gendarmerie, sur le bon
service de la gendarmerie dans cette circonstance.
Le nombre des arrestations, par
suite de l'instruction, a été de 32, il y a eu 10 mises en
liberté. Des mandats d'arrêts ont été délivrés contre
deux individus qui n'ont pu être arrêtés.
La Chambre d'Accusation de Rennes a déjà pronommé(?) les
individus qui doivent être jugés en police correctionnelle
au Tribunal de Guingamp, ainsi que deux qui doivent être
jugés en juillet aux Assises de Côtes-du-Nord.
Observations du Colonel JOUVE, chef de la 5e Légion.
Les troubles dont les détails
sont donnés ci-dessus et l'ont été par des rapports spéciaux,
ont donné l'occasion aux autorités et principalement à le
gendarmerie, de se distinguer par leur zèle, la prudence et
toute l'intelligence. Aussi Monsieur le Ministre de la
Guerre a-t-il bien voulu reconnaître la belle conduite de
plusieurs sous-officiers et gendarmes en faisant accorder à
l'un la croix de la Légion d'Honneur et à d'autres des
gratifications.
La bonne issue ou plutôt la répression sévère qui a
suivi ces évènements a été imposé aux populations qui
menaçaient aussi de se mettre en rébellions contre les
lois et à troubler l'ordre public.
A Rennes le 6 juin 1840
Signé : JOUVE
Listes des citoyens de Callac arrêtés et emprisonnés en mai 1840(12)
Prénoms
|
Noms
|
Professions
|
Jeanne
Renée
|
Corgat
|
Marchande
|
Marie
Claude
|
Le
Guerre
|
Aubergiste
(Duault)
|
Fanny
|
Le
Gallou
|
Aubergiste
|
Gabriel
|
Le
Philippe
|
Marchand
|
Julien
|
Le
Borgne
|
Maçon
(Duault)
|
Jean
Marie
|
Le
Pape
|
Meunier
|
François
|
Le
Morvan
|
Cultivateur
(Scrignac)
|
Julien
|
Huitorel
|
Ancien
|
Marie
Louise
|
Caignard
|
aubergiste
|
Jacques
|
Le
Roux
|
Fournier
|
Joseph
|
Le
Goff
|
Aubergiste
|
Pierre
|
Le
Roux
|
tailleur
|
Bertrand
|
Richaud
|
Officier
de santé
|
François
|
Le
Graet
|
Boucher
|
Françoise
|
Le
Graet
|
Bouchère
|
François
|
Le
Bihan
|
Menuisier
|
François
|
Le
Borgne
|
Maçon
|
Jacques
|
Magoariec
|
laboureur
|
Cécile
|
Nédélec
|
Ménagère
|
Nicolas
|
Le
Dantec
|
Tisserand
|
François
Marie
|
Rinquin
|
Laboureur
|
Jean
|
Le
Caignard
|
Laboureur
|
Jean
|
Le
Bricon
|
Laboureur
|
Bertrand
|
Le
Ruven
|
Laboureur
|
Yves
|
Le
Gouge
|
Charpentier
|
Marie
Jeanne
|
Le
Graet
|
bouchère
|
Guillaume
|
Huitorel
|
Aubergiste
|
Louis
|
Champagné
|
Tailleur
d'habits(Plusquellec)
|
Madeleine
|
Richault
|
Aubergiste
|
Marie
Anne
|
Derrien
|
Tisserande
|
Marie
Yvonne
|
Le
Sauze
|
Aubergiste
|
Marie
Anne
|
Le
Sauze
|
Aubergiste
|
Louise
|
Le
Turquis
|
Domestique
|
Marie
Françoise
|
Le
Stangalen
|
Ménagère
|
Marie
Yvonne
|
Le
Fessant
|
Lingère
|
Jeanne
|
Le
Graet
|
Mendiante
|
Hervé
|
Le
Coz
|
Laboureur
|
Guillaume
|
Prigent
|
Manœuvre(Maël-Pestivien)
|
Yves
|
Le
Roux
|
Cordonnier
|
Emile
|
Daniel
|
Cordonnier(Rennes)
|
Yves
|
Le
Deuff
|
Journalier(Tréguier)
|
Hervé
|
Le
Guilloux
|
Laboureur
|
Louis
|
Le
Bonhomme
|
Aubergiste
|
Jean
|
Le
Caignard
|
Laboureur
|
Louis
|
Le
Bon
|
laboureur
|
Claude
|
Le
Bastard
|
Ménagère
|
François
|
Le
Ruven
|
Laboureur
|
Joseph
|
Le
Bon
|
Maquignon
|
(?)
|
La
Piété
|
Bouchère
|
Pierre
Louis
|
Guiot
|
Percepteur
|
Jean
|
Coulouarn
|
Laboureur(Carnoët)
|
Guillemette
|
Dourgam
|
Laboureur
|
Corentine
|
Le
Bastard
|
Ménagère
|
Jean
|
Le
Bastard
|
Aubergiste
|
Annulation de la délibération du 1er mai
(13)
Affiche
placardée à Callac le 9 mai 1840
Texte
de l'affiche :
"A
l'occasion de l'établissement d'un droit d'octroi légalement
demandé et obtenu par, la commune de Callac, des désordres
graves ont éclaté dans ce chef-lieu de canton. Le tocsin
de la révolte a sonné !
Des forces imposantes y sont arrivées de divers points
dans la nuit du 3 au 4 mai. Le préfet, le maréchal de camp
commandant le département, le sous-préfet de Guingamp, le substitut
du procureur du roi, le juge d'instruction, le capitaine
de la gendarmerie y arrivaient en même temps.
Toute
l'agglomération de Callac fut aussitôt occupée et cernée.
Deux heures après, en vertu des mandats d'amener délivrés
19 des principaux coupables étaient arrêtés. Interrogés
le même jour, le lendemain ils étaient écroués dans la
prison de Guingamp.
L'émeute était alors
suspendue, car elle avait cru à son triomphe. Le mercredi
6 mai, jour
du marché de Callac, en présence d'une foule nombreuse.
la loi si déplorablement outragée,
recevait une publique réparation et ressaisissait
toute sa puissance. Les poteaux-limites étaient
placés, et l'octroi définitivement constitué.
Nous
n'avons pas eu même à nous affliger d'un murmure, et
lorsque le préfet et le sous-préfet ont lu
successivement en français, et en' breton la proclamation
suivante, dont
plusieurs exemplaires ont été ensuite affichés, un cri
général et trois fois répété a répondu au cri
de" Vive le Roi "!
La population avait été indignement trompée par les
bruits les plus mensongers. Elle le sait actuellement
Elle déplore les excès commis. Et ses magistrats se
plaisent à déclarer
qu'ils ont foi en elle.
Cependant
l'information va se poursuivre activement. La cour royale
a évoqué l'affaire. Dès le 6 au matin, M. le procureur
général, un conseiller et le greffier en chef étaient
arrivés à Callac où ils resteront probablement
plusieurs jours, et déjà de nouvelles arrestations sont opérées.
Si
des rumeurs contraires à cet exposé venaient à se répandre,
elles seraient fausses, et l'œuvre de cette malveillance
dont les manœuvres sont toujours calculées de manière
à faire des victimes en se tenant à l'abri. L'ordre est affermi à Callac et
dans
toutes les communes voisines. - Force est demeurée à la
loi, en face de tous. Aucune espèce de concession n'a
été faite à l'émeute.
L'octroi
est établi et le droit perçu. Les arrestations ont été opérées sans résistance. La justice seule a désormais à intervenir.
Et
les
passions politiques sont tellement étrangères à ces excès,
que le dimanche 3 mai, jour consacré à la célébration
de la fête du Roi, les habitants allumaient un feu de
joie sur la
place publique de Callac.
.
.
'.
Le préfet et le général
commandant le département sont rentrés à Saint-Brieuc,
après avoir
pris toutes les dispositions nécessaires.
.
.
La troupe, notre belle gendarmerie, des cavaliers
du train, soumis à de rudes fatigues ont été comme
toujours admirables de discipline et de dévouement, et la
population a dû être fortement frappée de l'habile
direction par laquelle cette force armée était pour
ainsi dire comme mêlée au milieu .d'elle, alors même qu'elle demeurait constamment maîtresse des 1
positions
et gardait tout et partout.
Voici
la proclamation du préfet Thieullen en langue bretonne.
Le traducteur ne nous est pas connu mais son breton est
un peu primaire, parsemé de termes proches du
français.
Un texte qui ne ferait pas l'unanimité parmi les
élèves contemporains
d'une classe de "Diwan" !
(AD22- cote 1M art.334)
Vu les lois des 21 mars et 18 juillet 1837 sur
l'organisation et l'administration municipales.
Considérant
que la réunion du conseil n'a pas eu lieu, en vertu d'une
autorisation officielle précisant et limitant l'objet de la
délibération; qu'elle n'a été verbalement consentie
qu'en vue d'opposer à l'effervescence populaire le concours
unanime des plus notables citoyens que l'élection avait préposés
à la garde des lois...
Considérant
que la délibération intervenue a été imposée par la révolte,
odieusement armée contre les lois, et qu'elle ne présente
aucun caractère légal; que des membres du conseil ont été,
pour ainsi dire, arraché de leur domicile; et violemment
contraint d'y donner leur signature, que le vote a été
recueilli, ou plutôt dicté en présence et sous les
menaces d'une foule furieuse, qui avait envahi la salle des
séances, et qu'ainsi a été formellement violé l'article
29 de la loi du 18 juillet 1837 sus visée.
Le conseil de préfecture entendu, arrête:
Art.
1er La
délibération du conseil municipal du 1er
mai 1840 est déclarée nulle.
Art. 2: Le présent arrêté sera transcrit sur le registre
des délibérations de la commune.
Art. 3: M. le s/préfet de Guingamp et M. le maire de Callac
sont chargés de l'exécution du présent.
En
préfecture à St Brieuc le 9
mai 1840. Signé.. Thieulle
Pour
le maire de Callac L'adjoint-
délégué.. P.M.
Joret
Joseph
LOHOU.
Mise à jour(16 février 2010)
Cet article est paru dans la
revue "Pays d'Argoat" n° 15 du
1er semestre 1991.
NOTES et Bibliographies
1-Boris Porchnev, Les soulèvements
populaires en France de 1623 à 1648.
Ecole pratique des Hautes Etudes,
Paris, 1963.
2- Journaux: Le Français de l'Ouest. bibliothèque
municipale de Saint-Brieuc, cote : Per60, premier journal
politique de Saint-Brieuc (1840);
les comptes rendus de cette affaire ont
été publiés dans les n° 7, 11, 19, 24, 28, 29, 30, 31
entre le samedi 9 mai et le samedi 1er août 1840.
Le
Publicateur des Côtes-du-Nord, bibliothèque municipale
de Saint Brieuc, cote: Per 58. Les articles de ces
journaux sont publiés in extenso sans correction.
3- Charles Desjars (Pestivien, 1773),
notaire et négociant, fils de René et d'Anne Hervé, nommé
maire de Callac le 19/10/1830 en remplacement de M. Pierre-
Benoît Delafargue, dont les idées sont contraires au
gouvernement.
4-François-Marie Fercoq, cultivateur,
nommé maire le 17/02/1839 en remplacement de M. Charles
Desjars, démissionnaire.
5-Pierre-Marie Joret (Guingamp-°
1780), marchand de fers et fabricant de cidre, nommé
premier adjoint/08/1837, sous le mandat de M. Desjars.
6- La chapelle Sainte-Catherine était
située sur la place Martray devenue par la suite place du
Centre.
(notice du Syndicat d'initiative de
Callac, Dr Edmond Rébillé).
7
Le gendarme Delanoé (Hillion, 1787), blessé gravement au
cours de l'émeute, fut décoré plus tard de la croix de
chevalier de la Légion d'honneur.
(Procès-verbal
de réception n°l3 323 du 10/06/1840. Caran, dossier LH
701.)
8-
M. Pierre- Laurent Guiot (Botmel, 1778), ex-percepteur et
marchand de vin, fils de Nicolas et de Marie Yvonne Bossard.
Les Guiot, originaires de Chalons en Champagne, sont arrivés
à Callac en 1750 (Nicolas Guiot, ex-maréchal des logis 1X
Demoiselle Louise Vauchel à Botmel 13/01/1750 et 2X Marie
Yvonne Bossard à Belle-Isle –en-Terre 20 novembre 1755).
9
Dossier de justice, Archives nationales. Caran, cote: bb/18/1383
microfilm-n°255 ;
Archives
départementales Saint-Brieuc, cote: 2U614, Assises des Côtes-du-Nord.
10
Déclaration du préfet des Côtes-du-Nord parue dans les
journaux locaux. Elle fut affichée à la maison commune de
Callac.
11-
Dossier de police, ministère de l'Intérieur, Archives
nationales. Caran, cote: Fn /3974, année 1840.
12-
Dossier de police, op.cit. note 11
13
Registre des délibérations du conseil municipal
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