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Callac-de-Bretagne |
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Claude Louis Le Noan.
Encore un sujet : je le dis sans la moindre pointe de malice, car c'est
la conclusion même de la citation élogieuse que lui décerne son évêque.
En voici le texte authentique tel qu'on peut le lire dans le registre
si précieux de Mgr de St Luc : Prêtre "ayant des talents, de la douceur
et de la piété, en un mot, sujet de la meilleure espérance".
Nous
sommes d'autant plus sensibles à cette flatteuse notation que Claude Le
Noan est un "paysan". Il naquit en effet à Plusquellec le 22 décembre
1759 de Me Joseph, notaire royal et de Marie Le Guilloux.
Il
reçut la prêtrise en 1785. Calanhel, trêve de sa paroisse natale,
l'avait comme vicaire quand la tourmente révolutionnaire vint
bouleverser l'Eglise de France. Il signa la protestation de Mgr de St
Luc, mais ne s'exila pas, malgré la loi du 26 août 1792. On le voyait
faire la navette entre Plusquellec et Calanhel, présent quand le
ministère le réclamait, absent quand c'était la maréchaussée.
Il
fut arrêté néanmoins le 25 mai 1793 à l'auberge dite "Quatre Vents
Coatleau" en Plusquellec. Le tribunal criminel des C-du-N le condamna
comme insoumis à la déportation à la Guyane. Faute de navire sans
doute, il s'arrêta en mars 1794 à Rochefort, de sinistre mémoire à
cause de ses pontons. On estima probablement que le séjour à Cayenne ne
pouvait être pire.
Pour
avoir purgé son crime d'insoumission ou pour quel qu’autre motif, on le
ramena l'année suivante. Douze mois de repos et ce n'était pas un luxe
pour un rescapé des pontons puis, patatras ! Nouvelle arrestation le 30
juin 1796. Libéré de nouveau, il est ressaisi dans quelque étroit coin
du vaste Callac : décidément, c'est le chat qui joue avec la souris
pour l'engraisser avant de la croquer ou bien si vous le préférez,
disons que l'existence de M. Le Noan est un jeu de massacre : on ne le
relève que pour l'abattre. C'est loin d'être amusant, c'est même très
ennuyeux. Je jette un voile pudique sur les souffrances que chacun
devine épuisantes et cruelles. Aussitôt happé, le pauvre prêtre est
jeté dans une quelconque prison, rarement la même.
S'il lui reste une once de bonne humeur - mais est-ce possible
dans un pareil trimballement - il peut chanter sans jeu d'esprit :
"Ah ! Je me souviendrai d'avoir été vicaire !"
Cette fois-ci, c'est à la maison d'arrêt de Guingamp qu'on lui a ménagé
un sale petit coin. Il s'en accommode, s'adapte. La vie consiste-t-elle
en autre chose qu'une adaptation continuelle ?
Un
jour, le gardien de la geôle dit à ses pensionnaires : "demain,
messieurs, vous partirez pour une destination inconnue, préparez vos
malles". Pure façon de parler ! Des malles, les prisonniers n'en ont
jamais eues.
Pour la première fois dans son maudit carré, Le Noan ronchonna :
"Destination
inconnue ? ! Ah ! Grand merci... Tourne seulement le dos, mon
vieux, ou dors seulement cinq minutes, et tu ne me reverras plus. Moi,
je f... le camp chez mes père et mère".
Ce n'était pas de la blague. Le soir même, quand tout dormait dans le troupeau, berger, cornemuse et houlette.
Le Noan saute le mur et prend la poudre d'escampette.
Ainsi
échappa-t-il à la déportation à l'Ile de Ré. Il mourut jeune encore au
Gouasnière, en Plusquellec, le 4 avril 1801. Il mérite qu'on ne
l'oublie pas.
La vie d'un rescapé des pontons.
Emouvante lettre de Claude Le Noan.
Aux prisons de St Brieuc, le 8 janvier 1797.
« Mon cher ami Archambeau,
Il
y a si longtemps que je n'ai eu la satisfaction de vous donner de mes
nouvelles, que je suis d'avance porté à croire que vous êtes réellement
persuadé que je vous ai entièrement oublié. Mais je vous prie d'être
convaincu du contraire. Mon cœur est toujours le même, et ne changera
jamais à votre égard, non plus qu'à l'égard de mes bienfaiteurs et
bienfaitrices de la ville de Xaintes (Saintes) dont le nom me sera
toujours cher, à cause de la conduite de ses généreux habitants qui
m'ont comblé de tant de bienfaits. Si donc j'ai tardé à vous écrire, ce
sont les malheureuses positions où je me suis trouvé depuis et où je me
trouve encore aujourd'hui (quoique depuis quelques jours, les rigueurs
de ma prison ne me paraissent pas si insupportables) qui m'ont privé de
cette douce consolation.
Dès
la fin du mois d'août 1795, je fus obligé de cesser mes fonctions
publiques, mais nonobstant cela, je fus laissé fort tranquille jusqu'au
moment du mois de février 1796.
A
cette époque, la persécution recommença et je fus obligé de quitter le
soin de ma famille où je vivais en habitant paisible et tranquille.
Depuis ce moment jusqu'à celui de mon arrestation qui est arrivé le 8
mai, j'ai toujours été errant et vagabond, passant la majeure partie de
mon temps dans les bois et autres lieux retirés.
Jamais
la vie des ministres n'avait été plus exposée que dans ce moment et
malheureusement, combien n'a-t-on pas vu périr percés de mille coups !
Tout
le pays était couvert de soldats. Nuit et jour, c'étaient des fouilles
continuelles; en un mot, nous avons ressenti ici toutes les horreurs de
la guerre civile. Dans une position si critique, je pris la résolution
de m'enfuir et de mener une vie cachée, me nourrissant de ce qui
se présentait. Aussi, puis-je vous dire avec vérité que, pendant ces
cinq mois, je n'ai point reposé deux nuits dans le même endroit. Las
d'une vie si dure, exténué pour ainsi dire par la misère et
résolu à mourir, s'il le fallait, je pris la résolution de retourner
chez mes parents, pour tâcher d'y avoir quelque soulagement. Mais je ne
pus y parvenir. En traversant un bois, je fus arrêté par une colonne
mobile qui me demanda mon passeport..
Comme
je n'en avais pas, ni ne pouvais en avoir, je fus arrêté comme suspect
et conduit aux prisons de Carhaix. Heureusement pour moi, les soldats
crurent que j'étais un laboureur du pays. S'ils avaient su que j'étais
un prêtre, lors de mon arrestation, je ne serais plus de ce monde; mais
je ne le déclarais que quand je fus conduit devant le général qui se
contenta seulement de m'ôter le peu d'argent que j'avais et de me
mettre au cachot où j'ai d'abord passé quatorze jours.
De
là, je demandai à être transféré à mon département et j'y suis depuis
le 15 juin, obligé encore de dévorer les ennuis de la prison et à
supporter les peines qui y sont nécessairement attachées. Cependant,
depuis quelques jours, nous sommes mieux ici, car sans cela je n'aurais
pas eu le plaisir de vous écrire. La mise en liberté de nos confrères
de la maison commune nous a procuré cette faveur et aujourd'hui, nous
pouvons parler à tous ceux qui nous viennent voir.
Nous
ne sommes plus que quatre détenus dans ce département et cela parce que
nous sommes jeunes et jugés à la déportation. Nous avons cru pendant un
instant que nous allions aussi avoir notre liberté et le tribunal
criminel a annulé notre premier jugement par un second qui nous met en
liberté. Mais le commissaire du pouvoir exécutif (le citoyen Gourlay),
vrai ami des prêtres, a bien voulu prolonger notre détention et s'est
pourvu au tribunal de cassation contre ce dernier jugement rendu en
notre faveur.
Ainsi, nous ignorons encore comment ira notre affaire. Cependant,
on nous fait espérer que tout ira bien et que le jugement rendu en
notre faveur sera confirmé.
Mais,
quand arrivera ce doux moment ? Nous ne le savons pas. Il paraît
cependant que nous serons ici encore quelques mois, car ces sortes
d'affaires ne se décident pas si vite à Paris. Ainsi, il faudra bien
prendre patience. Dès que j'aurai des nouvelles, je vous en donnerai
connaissance.
En
attendant ce doux moment, veuillez bien agréer les vœux sincères que je
forme pour vous ainsi que pour toute votre famille, bienfaiteurs et
bienfaitrices de ce pays au commencement de cette nouvelle année. Soyez
assuré qu'elle sera infiniment heureuse pour vous si le ciel exauce mes
prières. Plaise au Seigneur de les exaucer et il ne restera plus rien à
désirer à celui qui est avec respect et amitié.
Votre affectionné et intime ami.
Le Noan, prêtre."
Nota Bene.- Dans sa prison, Claude Le Noan "est réduit au pain et à l'eau".
Ce
citoyen Gourlay, que Le Noan appelle ironiquement ami des prêtres, est
Joseph-Marie Gourlay, fils de Gourlay de la Haie, sénéchal de Lanrivain.
Il
avait embrassé avec ardeur les idées révolutionnaires. Il fournit ici
la preuve que son ardeur n'a pas baissé. Dignitaire de la Loge : la
Vertu triomphante ; Gourlay qui s'oppose à la mise en liberté de l'abbé
Le Noan et de trois autres jeunes prêtres ouvre du moins la porte de
ses prisons à François Hervé, soixante-six ans, demeurant à
Maël-Pestivien et à Pierre Jourdain, curé assermenté, mais rétracté
ensuite de Maël-Pestivien, arrêté le 7 germinal an IV (27 mai 1796).
Proverbe
conservé à Lanrivain : Gourlay vras, maro gant an drouc en e viz bihan
(grand Gourlay, mort avec la méchanceté au petit doigt).
Voir Gourlay : http://joseph.lohou.perso.sfr.fr/Callac-de-Bretagne/gourlay.html
Extrait du document de M. le Recteur de Duault, Joseph SÉRANDOUR.
Joseph Lohou ( décembre 2014-janvier 2016)
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