Callac-de-Bretagne

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(Suite)

                

  

 

L’idée n’était pas nouvelle puisque, dès le 16ème siècle, le grand chirurgien italien Fallope, dans un livre sur le « mal français » préconisait l’emploi d’un fourreau d’étoffe fine, fabriqué sur mesure et imprégné d’une décoction d’herbes astringentes.
En revanche, l’invention des parcheminiers bataves se révéla relativement commode mais l’inconvénient était, qu’attaché par un petit ruban à son extrémité ouverte, il glissait souvent au moment le moins opportun. D’ou ce bon mot attribué à Mme de Staël qui le nommait « Toile d’araignée contre la maladie et cuirasse contre le plaisir ».

Importé en Angleterre, il fut vite fabriqué et vendu ouvertement à grande échelle, contrairement à la France où la fabrication et la vente fut interdite pour cause d’immoralité. La justice poursuivit sévèrement ceux qui s’y livraient clandestinement.

 Les poursuites et les condamnations morales n’empêchèrent nullement leur commerce de prospérer.  Cette protection que l’on appelait « redingotes anglaises » ou « redingotes d’Angleterre », terme impropre car une redingote ne comprend pas de capuchon : ce qui est le cas de la capote (de caput : tête ) dans sa forme originale.

    La Révolution, l’Empire et la Restauration rejetèrent, de différentes façons,  ces « vêtements imperméables à usage intime »  dans une clandestinité totale, mais le commerce n’en continua pas moins sous le manteau. On attribua l’invention à un mythique docteur anglais du nom de Condom, la presse française et même les dictionnaires « Beschrelles (1860) » et « Le Robert historique de langue française » mentionnèrent  ce fameux docteur. La signification est vraisemblablement la suivante : Le terme condom donné à ces fourreaux serait, la simple transcription du nom condum, choisi par les Anglais et provenant du verbe latin (de cuisine) condere, qui signifie cacher, protéger. Mais des doutes subsistent toujours  aujourd’hui sur l’étymologie de ces condoms.

  Les noms de "Condom" et "Redingote anglaise" furent dans le langage courant remplacés par "Capote anglaise ", encore employée de nos jours.


L’évolution du préservatif.

 

 

 

Vers 1840-1845, plusieurs industriels commencent la production en masse de préservatifs en caoutchouc vulcanisé, donc plus élastique. Puis en 1870, un fabricant anglais d’imperméables du nom de Mac Intosh réalise des capotes appelées « feuilles anglaises » ; une réussite qu’il exporte dans toute l’Europe.

 

  Le 1er préservatif en latex[11] apparaît en 1880, mais il faut attendre les années 30 pour que son utilisation massive se répande un peu partout ; on trouve à cette époque dans certains ouvrages ou publications « grivoises » des réclames pour des « vêtements imperméables à usage intime ».

 

L’appellation « capotes anglaises » est citée pour la première fois en France dans le « Journal des Goncourt [12]» et la petite histoire rapporte que notre Victor Hugo national en possédait de grandes quantités.

Aux alentours de 1900, deux sénateurs français, Béranger et de Lamarzelle, tenteront sans succès d’interdire la fabrication des préservatifs. Après le 1ère guerre mondiale,  le préservatif est de nouveau interdit dans le cadre de la politique nataliste du gouvernement français.

 

Les pays anglo-saxons restent  en dehors de cette tendance anti-nataliste des pays latins, ce qui fait dire aux femmes anglaises : « Plus de femmes meurent  durant  leur grossesse que dans les mines ». Les premières distributions de préservatifs voient le jour après la grande crise de 1929aux USA et les GI’s les intègrent dans leur paquetage. Les drugstores, qui font office de pharmacie, s’équipent de distributeurs. Une curiosité étonnante sur l’utilisation du condom par les différentes armées en 1942 et 1944 fut de protéger les armes du sable et de l’eau.  Le plus simple élément protecteur qu’il n’était pas obligatoire de retirer pour « tirer un coup ». 

En France, comme souvent, un peu à la traîne sur l’évolution des mœurs, la publicité sur les préservatifs ne fut autorisée qu’en 1987… 


3 – La contribution des chercheurs français à l’histoire de la contraception.

 

   Bref Historique

 

Décrit par François LEBRUN[13], l’histoire des débuts de la contraception en France ressemble à un puzzle dispersé dont les historiens n’avaient réussi à retrouver et à mettre en place que quelques pièces. Alors que les travaux de démographies historiques concernant la France d’Ancien Régime, inaugurés dans les années 1960, ont fourni très vite des connaissances assurées sur les données fondamentales comme la mortalité infantile ou l’âge moyen des filles au premier mariage, les études chiffrées sur la fécondité et sa baisse éventuelle sont encore rare. La raison en est aisée à comprendre ; autant le calcul de la mortalité infantile ou de l’âge au mariage à partir des registres d’état civil ancien est relativement simple, autant celui de la fécondité est long et fastidieux. Il exige en effet un dépouillement nominatif des actes de baptêmes, mariages et sépultures, une reconstitution des familles à partir de chacun des mariages et enfin une série de calculs sur les fiches de familles ainsi reconstituées fournissant le nombre moyen d’enfants par famille, les intervalles entre les naissances, les taux de fécondité par âge, l’âge moyen des mères à la dernière naissance. Or pour que les chiffres obtenus soient significatifs, il faut que les fiches de familles soient suffisamment nombreuses, surtout si l’on veut effectuer des comparaisons entre les groupes sociaux.

 

 



                      Épilogue.

 

 

Que peuvent attendre de ce survol de l’histoire sur la prévention des naissances et la petite histoire du préservatif, les généalogistes que nous sommes, plutôt attentifs aux détails des  relevés sur les registres de l’Ancien régime et de l’État civil ?

 

      Une faible proportion d’entre nous, par une étude attentive des résultats suivant à la lettre la méthode du démographe Louis HENRY[14], remarquerait les différences notables entre ville et campagne, avec nettement un nombre limité de naissances pour le premier que pour le second. Toutefois, les pauvres des villes se rapprochent de la fécondité du milieu rural et inversement, les riches paysans pratiquent une contraception plus souvent que leurs voisins les plus pauvres. La descendance de ceux qui n’ont rien représenterait-elle leur richesse ? Tandis que celle des possédants représenterait leur appauvrissement ?

 

     Enfin chacun a pu également observer que, vers la fin du 19ème siècle, le nombre moyen d'enfants par unité de temps, durant la période de fécondité féminine, diminue sensiblement, toutes catégories sociales confondues. Evidemment, il faut avoir dépouillé une grande quantité d’actes, car les exceptions individuelles sont légions, dans tous les milieux et à toutes les époques.

    Quant à l’ouverture des médias sur les méthodes et moyens de  contraception, elle s’est largement libérée après les années 90 avec l’apparition du SIDA et le développement exponentiel des articles sur le Web.
Les associations féminines et  leur  presse hebdomadaire ont également et généreusement développés ce thème de la contraception…



                                                                                                                Joseph Lohou

 

 

 

Cet article a été publié dans le bulletin de liaison du Centre Généalogique des Côtes d’Armor- N°  6- avril 2010.

 

Sources.

Population & Sociétés- n° 418- décembre 2005- «  Comment prévenait-on les naissances avant la contraception moderne ?Étienne van de Walle(Université de Pensylvanie, Philadelphie)
Population, 1998, vol.53, n°1, p.273 – « Pour une histoire démographique de l’avortement »
Étienne van de Walle(Université de Pensylvanie, Philadelphie)
http://www.persee.fr

ARIES, Philippe – Histoire des Populations françaises –Éditions Self, Paris, 1948.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Contraception
FLEURY, Michel-HENRY, Louis « Manuel de dépouillement et d’exploitation de l’état civil ancien « 
Ed. INED-1976.
FONTANEL, Béatrice et WOLFROM Daniel, « Petite Histoire du préservatif » -Ed.
Stock-2009.
 ISBN 978-2-234-06182-8.
http://www.
Editions-stock.fr
Périodiques. L’HISTOIRE. Voir AD22 –cote HP. Art.87-Nov.1986- Janv. 1980- Fév.1990.


 

 

Annexe –1.

 

  • Études de sciences économiques à Louvain(Belgique)
  • Poursuit un programme d’enseignement en démographie à « l’Office of Population Research » à Princeton(USA)
  • 1972-2001- Professeur à l’Université de Pennsylvanie (Philadelphie.)
  • Président de « Population Association of America ».
  • Directeur du « Population Studies Center » et chairman du « Graduate Grou »p.
  • Professeur émérite à l’Université de Pennsylvanie.
  • Auteur du « Dictionnaire démographique multilingue » des Nations Unies(Base du texte de Louis HENRY)
  • « Associate editor » de la version anglaise de « Populations ».
  • Associé à la rédaction des versions anglaises du texte de « Populations et Sociétés » mise en ligne sur le site de l’INED.

Annexe 2

Bref historique de la contraception.


 

 

Méthode de calcul

Prémices, même fausses, chez les Grecs, les Romains, dans le Talmud (Loi orale de la religion juive).
Dr Kyusaku OGINO (1882-1977), gynécologue japonais en 1928, établit une probabilité d'ovulation,

Dr Hermann KNAUS (1892-1977), gynécologue autrichien en 1930, fait une prévision statistique de l'ovulation d'après la durée des cycles

Méthode des températures

En 1947, Dr Jean FERIN, gynécologue belge, propose l'étude de la température comme méthode contraceptive et associe la méthode d'Ogino.

Obturateurs féminins

Antiquité : feuilles de bambou, disques de papier huilé (Japon), ouate de coton, laine, charpie, éponges imprégnées ou non de goudron végétal, cire, miel, céruse, huile de cèdre, myrte, ou d'alun, sumac (astringents pour l'orifice cervical)
Fin 19ème  siècle : diaphragme en caoutchouc (Grande-Bretagne), pessaires occlusifs.
20ème  siècle : obturateurs métalliques et capes cervicales, avec ou sans valves pour les règles.

Contraception chimique locale

Antiquité : tampons d'ouate, d'algues, charpie, racines associées ou non à des épines ou des feuilles macérées d'acacia, du sel gemme, du carbonate de soude, de l'acide tartrique, du citron, ou ovules de même nature.
18 au 20ème  siècle : éponges vinaigrées, pessaire.
1950 : spermicides

Stérilet(Dr Pierre SIMON)

Ou I.U.D(Intra Uterine Device)

Antiquité : pierres rondes déposées dans l'utérus des chamelles chez les arabes nomades, ouate de laine (Rome), bouts d'acacia (Egypte)
En 1920 : Le Dr Ernst GRAFENBERG (1881-1957), gynécologue allemand dépose des anneaux de fer, d'argent et d'or dans l'utérus (Anneau de Grafenberg).
1962 : Le Dr Atsumi ISHIHAMA, au Japon, remplace le fer par du plastique (Anneau de Ota-polyéthilène).
1969 : adjonction de cuivre
1977 : adjonction de progestérone

Contraception systématique féminine

Antiquité : breuvages, potions de plantes d'efficacité inappréciable sur le système reproductif, toujours utilisés dans les populations primitives actuelles.
En 1956 : Le médecin et biologiste américain Grégory Goodwin  PINCUS (1903-1967) invente la pilule contraceptive.
 Depuis d’innombrables compositions et séquences ont été mise en place (séquentielles, mono, bi et triphasique)

Contragestion

En 1983 : Le Dr Étienne Émile BAULIEU(1926), médecin, endocrinologue et biochimiste invente la pilule antiprogestérone, RU486 (Mifepristone)

Stérilisation Masculine

 

 

 

 

Préservatifs

 

 

 

Retrait (« Coïtus interruptus »ou « semence
hors du vase féminin
)


 

Méthode d’ONAN(personnage biblique)

Antiquité : corne, carapace de tortue, cuir(Japon), cæcum (diverticule de l’intestin) de bouc ou de mouton, vessie de chèvre (Grèce,Rome), Papier huilé(Chine).
 » La légende rapporte que la semence du roi Minos-fils de Zeus- grouillait  de serpents et scorpions. Elle fut fatale à ses nombreuses concubines, jusqu’au jour où l’une d’elles, Procris, eut l’idée de protéger du sperme royal
grâce à une vessie de chèvre…
16ème siècle : Gabriel Fallopio, préconise un tissu imprégné d’herbes autour du pénis (Gabriel FALLOPIO-1523-1562, chirurgien italien)
17ème siècle : cæcum de mouton (UK)

18ème siècle : baudruche, condom (UK), « secret français », « redingote d’Angleterre », « capote anglaise », « french letters ». « pariser » en Allemagne,« gantelet de Mars », « gant de Vénus ». « peau de Venise », « bonnet fin de siècle », « bouts américains », « Calottes d'assurance)

19ème siècle : latex, du latin liqueur ou liquide, suc d’hévéa,
 »l’arbre qui pleure », vulcanisé par Charles Goodyear en 1839.

20ème siècle : latex et spermicides ou lubrifiant, condom « Durex »(UK), condom « Trojan » (US),

 

 

 


  Notes

[1]- Les intertitres et notes sont l’œuvre de la rédaction.

(2)- Soranos (ou Soranus) est un médecin grec du début du second siècle ap. J-C, chef de file de l'école méthodique.

(3)
-Pessaire, dispositif introduit dans le vagin servant de préservatif anticonceptionnel, au sens ancien d'un morceau de laine ou de charpie imbibé de médica­ment

(4)-Aristote, (-384- -322) philosophe grec né à Stagire (actuelle Stavros) en Macédoine

(5)-Simples, plantes médicinales utilisées telles qu'elles sont fournies par la nature, produits végétaux administrés en supposi­toire

(6)-Exposition d’enfants, abandon en secret d'un nouveau-né en un lieu où il est susceptible d'être recueilli.

(7)-Talmud, loi orale (ou Tora orale) de la religion juive.

(8)-ONAN, personnage biblique, second fils de Juda, refusant de féconder l'épouse de son défunt frère (comme la Loi du « Lévirat » l'exigeait), aurait préféré « laisser sa semence se perdre dans la terre »

(9)-DELARUE, Jacques- L’Histoire N°94 –novembre 1986.

(10)-Populairement et fig. Coup de pied de Vénus, accident syphilitique. Avec une autre drogue, on chasse le mal occasionné par des coups de pieds de Vénus. L. du P. Duchêne, 16 lettre, p. 3]

(11)-Latex, matériau élastique élaboré à partir du latex naturel de l’hévéa ou synthétisé artificiellement par polymérisation.

(12)-Oeuvre littéraire des frères Goncourt, Jules et Edmond (1851)

(13)-LEBRUN, François- Professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Haute -Bretagne Rennes –II.
   « La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, A. Colin. »U Prisme », 1975
L’Histoire- N°63-janvier 1984.

(14)-HENRY, Louis (1911-1991) considéré comme le fondateur de la démographie historique. Auteur avec Michel FLEURY du « Manuel de dépouillement et d'exploitation de l'état civil ancien » . Il se proposa de reconstituer la population française à partir de l'étude des registres paroissiaux.

 

                                                                                                              Joseph Lohou(juillet 2010)

 


 

 
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