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Prévenir les Naissances.
|
"LA
vrai richesse d'un pays..c'est ses enfants" |
Préface.
Au
cours de l’histoire humaine, l’organisation sociale
et/ou religieuse des sociétés a plutôt favorisé les
naissances et la fécondité. Toutefois, à l’échelle des
individus et des couples, la limitation des naissances a
certainement toujours existé, et ce pour répondre à des
préoccupations diverses : Comment accéder au plaisir
sexuel sans en supporter les conséquences ? Comment
limiter les « bouches à nourrir » lorsque les
moyens manquent ? Comment limiter la dissémination
d’un patrimoine ?
Aujourd’hui,
dans nos sociétés modernes européennes, nous avons des
moyens de contraception multiples, sûrs et surtout
disponibles, sans parler de la possibilité ultime
d’avorter. Mais comment faisaient-ils avant ?
Au-delà
de quelques allusions, peu d’analyses historiques ont été
faites sur ce thème. Il faut dire que la matière est rare
car du domaine de l’intime, du non-dit, du caché.
Les chercheurs
doivent faire preuve d’imagination afin de combler des
sources lacunaires. Ils interprètent les données
disponibles à travers des filtres personnels.
1-
Article de l’Institut National d’Études Démographiques
(INED).
Après la dernière guerre, l’INED entreprit sur ce
sujet toute une série de recherches.
En
effet, la question présentait un intérêt considérable,
non seulement du point de vue historique, mais également
concernant l’étude du comportement éventuel des
populations et donc l’évolution démographique à venir.
En
consultant la liste des bulletins de cet institut, mon
attention fut attirée par un article paru dans le bulletin
mensuel d’information de l’INED, « Population
& Sociétés », numéro 418 de décembre
2005. Cet article remarquable avait été écrit par M. Étienne
Van de WALLE, professeur
émérite à l’Université de Pennsylvanie,
Philadelphie(USA), belge d’origine et grande figure de la
démographie internationale, malheureusement disparu en
2006.(Voir annexe 1)
l’INED nous a accordé l’autorisation d’en reproduire
ici plusieurs extraits :
Généralités,
limitation des naissances et méthodes de contraception.
« Comment
prévenait-on les naissances avant la contraception moderne ?
Les êtres humains se sont mis
à limiter les naissances depuis deux siècles seulement.
Ils connaissaient pourtant depuis longtemps des méthodes de
contraception ou d'avortement. mais ne les utilisaient pas
dans la vie courante.
La régulation des naissances fait aujourd'hui partie
du comportement normal des couples dans les pays développés.
Mais la révolution contraceptive est relativement récente
dans l'histoire de l'humanité. La limitation des naissances
se répand en France à partir de la fin du 18ème
siècle, et dans les autres pays d'Europe près d'un siècle
plus tard. Aujourd'hui. les principales méthodes
contraceptives utilisées en France sont la pilule et le stérilet.
Les techniques qui dominaient avant l'introduction de ces
méthodes, vers 1965, à savoir le retrait et l'abstinence périodique,
ne représentent plus respectivement que de faibles
pourcentages.
Le
souci d'éviter les naissances non désirées semble avoir
existé de tout temps et dans toutes les populations ou
presque. Mais le contexte dans lequel ce désir s'est
manifesté a varié, de même que les fins poursuivies. En général.
la demande contraceptive excédait. et de beaucoup, l'offre
de procédés efficaces. Comme nous le verrons, les
pratiques
contraceptives et abortives d'antan reposaient sur une
conception erronée de l'anatomie et de la physiologie.
Faute de pouvoir couvrir exhaustivement le sujet.
nous sélectionnerons trois textes de référence, écrits
à des époques très éloignées et visant des publics différents,
mais qui ont en commun de livrer une vue d'ensemble des méthodes
de contraception et d'avortement existantes. Il s'agit
d'abord de la » Gynécologie, de SORANOS
d'Éphèse », un ouvrage médical du monde gréco-romain
datant du second siècle de notre ère, puis d'un texte
libertin écrit sous Louis XlV : « L'École
des filles » et enfin, d'un ouvrage de conseil du
19ème siècle
destiné au public américain, le « Marriage Guide »
de Frederick HOLLICK.
Contraception plutôt que l’avortement, efficacité
des procédés.
« Contraception à
l'antique.
La
Gynécologie de SORANOS d'Éphèse représente, de l'avis général,
l'exposé médical le plus rationnel de l'antiquité en matière
de prévention des naissances. SORANOS en réserve l'emploi
strictement aux cas où l'épouse est trop jeune ou à ceux
où une grossesse mettrait en danger la vie d'une femme
physiquement inapte à procréer. Il préconise la
contraception plutôt que l'avortement et. s'il faut
recourir à ce dernier. les méthodes en début de grossesse
visant à expulser le produit de la conception plutôt que
celles, plus tardives, visant à tuer le fœtus.
|
|
"Soranos,
médecin grec" |
"Texte
selon Sorano(u)s" |
Pour
la contraception, SORANOS énumère d'abord une série de méthodes
qui ont pour objet d'empêcher la semence masculine de pénétrer
dans la matrice de la femme. Il s'agit du retrait partiel ou
de mouvements visant à expulser la semence: éternuer, se
lever, marcher immédiatement après l'acte. SORANOS
mentionne aussi une série de produits astringents
introduits par suppositoires ou par voie de pessaire,
dont la fonction est de resserrer le col de la matrice
pour empêcher le sperme d'entrer. Pour plus de sécurité,
la femme doit combiner ces divers procédés. Réunis, ils
pourraient avoir une certaine efficacité si le texte ne
recommandait pas de les utiliser en cas de rapport survenant
immédiatement après les règles. En effet, à la suite
d'ARISTOTE
qui assimilait la menstruation au rut des mammifères, la
science grecque s'imaginait à tort que la femme n'était
plus féconde au milieu du cycle menstruel.
|
"ARISTOTEn
philosophe grec
"
|
Pour
évacuer la semence qui a commencé à se développer
durant le mois suivant la fécondation, SORANOS d'Éphèse
recommande les sauts, les mouvements brusques, les
secousses des chariots. Mais la principale méthode
d'avortement précoce est la saignée. Si le pessaire
contraceptif agit en fermant l'utérus, le pessaire
mollifiant ou les bains de siège doivent avoir l'effet
inverse: relâcher les tissus pour que l'embryon puisse
sortir facilement. Il y a aussi des médicaments intermédiaires
entre le contraceptif et l'abortif, destinés à faire
revenir les règles. Enfin, si ces méthodes échouent,
SORANOS propose à contrecœur d'éliminer le fœtus par des
suppositoires ou des potions mais proscrit l'usage
d'objets pointus visant à le tuer en perçant la barrière
amniotique.
Quelle
pouvait être l'efficacité de ces procédés? On l'ignore
car c'est un domaine où l'expérimentation sur l'homme est
impossible, le scepticisme de rigueur. La gynécologie
antique privilégie : les suppositoires vaginaux parce
qu'ils paraissent suivre la voie la plus directe pour accéder
à l'utérus. Mais le fœtus est bien protégé contre ce
type d'invasion chimique. Fondées sur une vision erronée
de la physiologie de la reproduction, les méthodes préconisées
ne pouvaient avoir qu'une efficacité douteuse. Au reste, la
médecine grecque était plutôt soucieuse d'encourager la fécondité
que de prévenir les naissances et elle privilégiait les
applications thérapeutiques au sein du mariage. Le
recours aux «simples»,
survivra à travers le Moyen Âge et la Renaissance.
Mais l'efficacité de ces produits n'a jamais été confirmée
empiriquement. Il est donc illusoire de croire que les
anciens avaient les moyens de maîtriser leur fécondité.
Ils pratiquaient davantage l'infanticide ou l'exposition
d'enfants.
Notons
que SORANOS ne fait pas allusion au retrait, qui semble
avoir été introduit plus tardivement à partir du
Moyen-Orient (il est mentionné dans la Bible, le Talmud
et la tradition musulmane). On pourrait s'imaginer que le
retrait est une méthode évidente, disponible d'emblée
en cas de besoin, mais le fait est qu'il n'a pas d'existence
culturelle ni même d'appellation directe ou figurée en
Occident avant le 16ème
siècle. La prévention des naissances restait généralement
un savoir ésotérique, transmis aux seuls initiés sous
forme de «secrets »…
La redingote d’Angleterre
ou l’éponge vaginale.
« Inventions libertines
du Grand Siècle.
On
ne retrouve guère les potions ou les simples dans notre
deuxième texte, tiré de « L'École des filles »,
un ouvrage libertin de 1655 qui combine érotisme et éducation
sexuelle. On y voit une très jeune fille dialoguer avec une
aînée qui l'initie au vocabulaire, aux techniques et aux
plaisirs de l'amour prénuptial. Elle lui explique comment
éviter une grossesse ou, dans le cas jugé improbable où
elle se produirait, comment la dissimuler et accoucher en
secret, ce qui semblait la méthode favorite des milieux
de la prostitution.
Déjà
à l’époque,
le célèbre aventurier et séducteur, CASANOVA( 8), en
visite dans un bordel de Marseille,
se protège par
un fourreau protecteur, qu’il appelle « redingote d’Angleterre
».
|
"Casanova,
aventurier et séducteur" |
L’autre innovation technique du 18ème
siècle est l’éponge vaginale ; on fixe sur un cordon une éponge humide additionnée d’eau de vie. La littérature érotique est une source importante d’informations sur la contraception, et en général c’est le retrait qui y
domine. Rares sont les ouvrages français à destination du
grand public qui traitent de la contraception.
Quand ils le font, c’est en termes voilés, de préférence en latin, par crainte de la censure…
Baudruches ou « secret français ».
« Amérique 1850: la
contraception contre l’avortement
Les ouvrages américains
du milieu du 19ème siècle s’affranchissent
de la censure après quelques procès retentissants
suivis d’acquittement. Les auteurs proclament le droit du public à l’information et défendent l’idée que la contraception au sein du mariage peut avoir des justifications sociales ou économiques.
C’est ainsi que Frédérick HOLLICK publie en 1850 un
« Marriage Guide » qui aura, jusqu’en 1902, de nombreuses rééditions. HOLLICK cite la méthode d’ONAN
mentionnée dans la Bible (le retrait), le
condom, l’éponge, ainsi que l’injection par
seringue d’un liquide destiné à
tuer les «animalcules» du sperme. Il semble que le
condom, appelé aussi «baudruche» ou «secret français», ait été importé de France. L’invention de la vulcanisation du caoutchouc en 1839 par Goodyear permettra de produire des préservatifs masculins à bon marché et donnera naissance à une série d’appareils contraceptifs pour les deux sexes.
Dans les faits, c'est l'injection spermicide, méthode
relativement efficace, qui domine la pratique aux États-Unis,
au moins jusqu'au milieu du 20ème
siècle. On signale vers 1920 plusieurs centaines de
variétés de douches ou de suppositoires spermicides sur le
marché. En Europe, le retrait domine largement, tandis
qu'apparaissent de nouvelles techniques, particulièrement
les diaphragmes. Le gynécologue allemand Wilhelm MENSIGA
développe en 1882 un «pessaire occlusif» que les agences
de planification familiale s'emploieront à diffuser, avec
d'autres barrières vaginales. On invente aussi des
pessaires intra-utérins (le stérilet, nom donné
initialement à un pessaire dont la tige entre dans l'utérus,
ou l'anneau de Grafenberg) mais les médecins les jugeaient
trop dangereux.
Pour
HOLLICK comme pour la plupart de ses contemporains, la
sexualité doit se consommer avec modération. Des
rapports sexuel trop fréquents sont porteurs de toutes
sortes de maladies: il convient de les limiter aux fins de
reproduction. Vu l'inefficacité des méthodes
contraceptives, il est probable que les couples pratiquaient
aussi l'abstinence en complément, ce qui a contribué à
l'amorce du déclin de la fécondité au 19ème siècle en Amérique et en Europe.
HOLLICK,
comme tous les auteurs, condamne l'avortement, tout en
reconnaissant que les médecins ont l'habitude d'y recourir
en début de grossesse, quand la femme est incapable
d'accoucher à terme. Il signale expressément que la fréquence
du recours à l'avortement est liée à l'insuffisance des méthodes
contraceptives disponibles. Comme techniques d'avortement,
il cite l'usage de produits tels que l'ergot de seigle. «L'horrible
pratique, s'indigne-t-il, prévaut largement chez les gens
mariés », sans préciser s'il s'agit des «dégoûtantes
pilules» dont les réclames abondent dans la presse, ou
de techniques…
Contrôler sa fécondité, différer la conception du
1er enfant.
« La fécondité
maîtrisée avec des méthodes imparfaites.
L’histoire de la contraception est
ainsi jalonnée de sources écrites qui disent peu de
choses sur les pratiques mais révèlent une
demande permanente de procédés pour prévenir
les naissances. Elles livrent des indications précieuses sur le milieu social et l’état matrimonial des utilisateurs éventuels. Les descriptions fournies font cependant apparaître que les techniques adoptées étaient généralement peu efficaces, même si l’on ne cessait de les améliorer. Il est vraisemblable que certains couples, dès l’époque moderne, commencèrent ainsi à maîtriser plus ou moins leur fécondité. Les études de démographie historique ont montré que la limitation des naissances a progressé parallèlement au progrès des techniques. Dès 1650, la fécondité
de la noblesse
de cour française ne dépassait guère deux enfants par femme. Au début du 20ème siècle,
ce résultat est atteint par l’ensemble de la population française, avec des méthodes contraceptives imparfaites. Il faudra attendre les années soixante pour qu’elle dispose avec la pilule et les autres méthodes modernes de moyens efficaces lui permettant de mieux contrôler sa fécondité et notamment de différer la conception du premier enfant… »
2
– L’évolution des techniques et méthodes.
L’invention
du Dr « CONDOM »
ou « La peau divine »
A
la conférence d’Utrech en Hollande dans les premières
années du 18ème siècle
vers les années 1712 à 1720, de nombreux diplomates,
militaires et hommes d’état, agents plus ou moins
secrets, et leurs suites nombreuses furent confrontés à
une très importantes activité prostitutionnelle qui s’était
développée dans cette ville.
Nombres
d’hommes importants rentrèrent ainsi dans leur pays,
durablement blessés par un « coup de pied de Vénus ». Mais bientôt
les libertins apprirent qu’il existait dans la ville une
échoppe, où l’on vendait un appareil pour se protéger
de ces maux.
Depuis
longtemps, en effet, d’habiles parcheminiers savaient préparer
les intestins de bœufs ou de moutons pour en tirer une
pellicule extrêmement fine, transparente, appelée « peau
divine », que l’on utilisait pour recouvrir
certaines plaies ulcérées ou des brûlures graves, afin de
faciliter leur cicatrisation. Nul ne sait comment l’un de
ces artisans eut l’idée de traiter un caecum de
mouton en lui conservant sa forme afin
d’obtenir une sorte de capuchon léger et imperméable ;
ce que les anthropologues appelle un « étui pénien »,
objet beaucoup lourd utilisé par les tribus vivant dans la
forêt tropicale pour se protéger des branches épineuses
ou des morsures.
|
|
"A
la capote angloise" d'un mercier parisien du
quai de Gèvres remonte à 1760 |
"La
réclame ci-dessus est de l'année 1936, assurément
prometteuse avec l'accueil gracieux de Mademoiselle
Ginette" |
Seconde page(suite)
|
Une
réclame de 1897 concernant les
"baudruches" avec cette curieuse locution
latine "CITO TUTO & JUCUNDE" :
"rapidement, sans danger, agréablement"
Il s'agit de la façon d'agir que doit avoir le
médecin pour ses malades selon Esculape.
(Traduction P. Caron) |