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Petite
Histoire de la Monnaie
des
Origines à la Révolution
Ces
quelques propos sont destinés à tous ceux qui, curieux de
l’histoire, se sont trouvés confrontés dans les textes
anciens aux écus, livres, sols et deniers divers et qui
veulent établir une comparaison avec notre actuelle
monnaie; tâche bien difficile s’il en fut !...
La
monnaie est en fait, une histoire vieille comme le monde et
un reflet de l’histoire des hommes. A l’origine, la
situation est simple, il n’y a pas de monnaie. Puis au
cours du temps apparaît le troc, qui est l’échange
direct de marchandise contre marchandise, suffisant pour les
échanges élémentaires, mais qui atteint vite ses limites.
L’invention
de la monnaie ou instrument de paiement, de mesure des
valeurs tel est le cas du poisson séché, un cas bien
particulier mais qui a existé. Selon les pays et les époques
toutes sortes de marchandises ont fait office de monnaie
graines, coquillages, tabac, pièces de toile, huile
d’arachide, etc...
La
monnaie métallique
Le
troc se révèle vite insuffisant pour assurer les échanges.
Les hommes se réfèrent alors à une marchandise-monnaie
qui s’échange contre toutes les autres marchandises et
tous les services. La monnaie élémentaire (graines,
coquillages, bétail, etc.) est acceptée, en échange
d’un bien quelconque, car les hommes savent qu’ils
pourront l’utiliser pour acquérir un autre bien. La
monnaie est également un moyen d’épargne. Puis vient au
fil du temps, l’emploi des métaux, vers le Vile siècle
av. J.C.
Le
premier découvert de ces métaux (qui est d’ailleurs un
alliage) et le plus largement utilisé à l’origine
donnera son nom à une nouvelle étape de la civilisation:
l’Age de Bronze. Ces métaux~ on peut les fondre, les
travailler, les façonner, les marteler, les aiguiser, les
ciseler, en faire une multitude de toutes formes et de
toutes dimensions, pour toutes sortes d’usages.
La
découverte des métaux va révolutionner l’histoire des
hommes. Entre autres conséquences, elle va donner naissance
à la monnaie métallique, étape fondamentale de l’évolution
de la monnaie.
Deux
de ces métaux, l’argent et l’or, l’or surtout, représentent
très vite la richesse, le pouvoir, la domination. Ces métaux
se travaillent facilement et acceptent volontiers sur leur
surface des ‘frappes”, des marques assez fines et
durables.
Puis,
la vrai raison de ce choix, c’est que ces métaux sont
rares. C’est donc un excellent étalon et qui ne bouge guère.
A
l’origine, on pèse les monnaies, on ne les compte pas car
elles se présentent sous la forme de petits lingots
disparates dont on ne peut apprécier que le poids. La
normalisation de la monnaie sous forme de pièces viendra
plus tard. Elle sera l’occasion de la mainmise du pouvoir
politique sur les monnaies. Battre la monnaie deviendra
monopole d’état.
Dans
la Rome de l’Antiquité, on grave un bœuf sur ces petits
lingots, car le bétail a été pendant des siècles la
monnaie “officielle”. Le bétail, étant le symbole du
moyen d’échange et de la mesure de richesse, d’où
“pecus ‘~ nom latin de bétail et de là : pécule, pécuniaire,
et l’expression ‘Avoir un bœuf sur la langue” détermine
une personne qui a monnayé son silence
En
Chine, les choses ont évolué de façon à peu près
analogue, alors qu’elles se déroulent pratiquement comme
sur une autre planète. L ‘Occident et l’Orient ignorent
réciproquement jusqu ‘à leur existence même.
Donc
on pèse la monnaie : mais aussi, on “l’essaye” car la
fausse monnaie n est pas d’aujourd’hui et il est
tellement tentant de modifier la teneur des alliages. D ‘où
la surveillance du titre de la monnaie et ainsi avoir une
“monnaie de bon aloi ‘~ aloi étant le titre légaL
Dans
la Rome de l’Antiquité, un des premiers ateliers
officiels de monnaie s’installe dans un temple. Les lieux
de cultes, s’ils servent à la prière et aux cérémonies
religieuses, abritent aussi des activités diverses, car ce
sont des lieux de rencontre où l’on peut traiter ses
affaires.
Ce
temple est celui de Junon Moneta, c’est-à-dire Junon
“l’Avertisseuse personnage important, femme de Jupiter,
déesse des phénomènes célestes. On emprunte le
qualificatif “Moneta” pour désigner la monnaie.
Au
Moyen-Age, le système est loin d’être figé, mais il
n’est pas au point car on utilise deux métaux précieux
qui sont l’or et l’argent. En réalité, il n’y a pas
une monnaie, mais bien deux. C’est le système des étalons
parallèles ou bimétalliques.
Un
cheval peut être vendu soit contre des pièces d’or, soit
contre des pièces d’argent. Mais il
n'existe
aucun rapport de valeur fixe entre les deux métaux précieux
et tout se passe comme s’il y
avait
deux monnaies distinctes, ce qui conduit inévitablement à
thésauriser l’une par rapport à
l’autre.
C’est la loi dite de Gresham énoncée comme suit: “La
mauvaise monnaie chasse la bonne.” A l’époque mérovingienne,
on “bat monnaie” dans plus de 800 villes. Le Roi a la
sienne,
l'église aussi.
La
naissance du Franc
Il
fait son apparition en l’an 1360 sous le règne de Jean Il,
dit “Jean le Bon”. C’est une pièce d’or fin,
avec en effigie le roi à cheval et une devise “Francorum
Rex” (roi des Francs ou Français). On baptise cette pièce
‘Franc à cheval”. Les autres pièces représentant
seulement l’effigie du monarque, sont appelées ‘Franc
à pied”.
La monnaie
de Compte
Sous
Charlemagne, on retint la livre comme unité de poids. La
livre, du latin “Libra “, est une mesure de poids
correspondant à environ 330 grammes de bronze, puisqu ‘à
l’origine de la monnaie métallique on pèse le métal, on
ne le compte pas. La livre correspond à peu près à 400
grammes d’argent et se subdivise en 20 sols, chaque sol
valant 12 deniers. Mais on ne fabrique pas réellement des
pièces de 400 grammes d’argent, on en fabrique de différentes,
mains pesantes, en or et en argent que l’on accroche
cependant à la valeur d’une livre.
La
livre et ses subdivisions servent de la sorte de “monnaie
de compte’~ car elles ne sont pas représentées par des
pièces monnayées mais servent à apprécier, à chiffrer
la valeur des pièces
réellement
émises et qui circulent.
Sous
Charles VII le franc “à pied” valait juste 20 sous,
c’est-à-dire une livre.
Le
franc devient la monnaie de compte, synonyme de la livre. Grâce
à cette passagère coïncidence de valeur, le nom de franc
subsistera dans notre langage monétaire.
Par
contre, c’est bien la livre de Charlemagne, transportée
par les Normands en Angleterre en 1066 qui deviendra
l’unité monétaire et connaîtra sur place une évolution
indépendante. Le sol devient le shilling (du mot anglais
“shield’~ bouclier, car sur les premières pièces était
frappé un bouclier. Le denier devient le penny, de la forme
circulaire des pièces (en anglais pan: la terrine). Mais
les abréviations officielles “S” pour le shilling et
“d” pour le penny correspondent toujours à“sou” et
à “denier”. Ainsi donc, jusqu’à la centimalisation récente
de la livre anglaise, rien n’avait changé depuis
Charlemagne.
Dans
notre pays, le franc reste l’équivalent de la livre
jusqu’à la Révolution française, qui le 7 germinal An
Xl (1803), reprend ce nom de franc pour en faire l’unité
monétaire officielle.
Les
manipulations monétaires
La
livre est donc une monnaie de compte. La valeur des
multiples pièces en circulation s’énonce en livres, sols
et deniers. Au Moyen-Age, les pièces monnayées sont
principalement l’écu d’or (encore appelé mouton ou
salut), le gros, le demi-gros (en argent), le quart de gros
(qui comporte diverses variétés telles que guénars,
florettes, etc...).
Mais
il faut quand même dire s’il n’y a pas qu’une livre,
mais bien deux. La livre “Tournois” (du nom de la ville
de Tours ) et la livre “Parisis” (de Paris). Bien
entendu, elles sont différentes, la livre tournois valant
80% de la livre parisis. Et pour être tout à fait précis,
il convient de signaler que si l’une et l’autre
comportent 20 sous, le sou parisis vaut 15 deniers, alors
que le sou tournois n en compte que douze.
Tout
au long de ces siècles, la monnaie subit bien des
manipulations, modifiant ainsi la valeur de celle-ci. Les dévaluations
successives permettent au Trésor royal, toujours en déficit,
de payer ses dettes. Si bien qu’à la veille de la Révolution,
la livre ne vaut plus que 3,5% de la valeur d’or qu’elle
avait sous saint Louis!
L’or
d’Amérique
La
découverte de l’Amérique, en ce jour du 12 octobre 1492,
est bien un virage dans l’histoire de la monnaie. Pendant
la cinquantaine d’années que dure la conquête elle-même,
de 1503 à 1560, l’Europe reçoit plus d’or qu’elle
n’en possédait avant le départ de Christophe Colomb.
C’est la fin de la pénurie en métaux précieux, mais non
pas la fin des difficultés monétaires et cet afflux
soudain entraîne une hausse générale des prix, mais
stimule également les échanges, donc la production.
La
monnaie en Papier
L
‘or, ce fabuleux métal va se faire détrôner par du
papier. Transporter son or n ‘est pas toujours
souhaitable, car les routes ne sont pas sûres. Il est donc
préférable de faire voyager des écrits plutôt que des métaux
précieux pour effectuer des paiements ou des transferts de
monnaie et ceci grâce aux banquiers, inventeurs de la
“lettre de change “. On attribue à Johan Palmstruch,
banquier d’Amsterdam, suédois d’origine lettonne,
l’invention du billet de banque vers 1656. Ces billets
sont payables et convertibles à tout moment, ce qui fit
leur succès.
Le
crédit
Cette pratique ancienne va se renouveler et s’amplifier,
s’appuyant sur les services offerts par les banquiers.
Faire crédit à quelqu’un (du latin “credere”:
croire), c’est lui faire confiance. Pas de crédit, pas
d’affaires ! Telle est la loi des relations commerciales.
Le crédit consiste à accorder un délai de paiement.
Monnaie
en papier, monnaie de papier
Nous ne pouvons clore cet article sans aborder
l’extraordinaire histoire de l’assignat pendant la Révolution.
En
1789, l’État est en faillite, les emprunts successifs
n’étant que palliatifs au sauvetage espéré. Le
citoyen-député Talleyrand propose de “nationaliser”
les biens de l’Église estimés à 3 milliards de l’époque,
ce qui fut fait le 2 novembre 1789. On va donc anticiper la
vente de ces biens en émettant des billets; ce sont les
assignats, obligations hypothécaires à 5%. Mais le remède
est pire que le mal, l’inflation s’accélère : de 400
millions de billets émis à l’origine, nous arrivons à
la somme fantastique de 45 milliards, fin 1795.
Si
bien que 3000 francs or en 1790 ne valent plus que 1 franc
or au début de 1795. Napoléon y met fin le 20 mars 1803 en
créant le ‘franc germinal”, valant 0,290 gr d’or fin
ou 5 gr d’argent fin. Hélas, le bimétallisme va encore
exercer ses ravages, mais ceci est une autre histoire ...
Quelques
noms de monnaie française au cours des siècles
Monnaies de compte:
Monnaies réelles:
Quelques
équivalences:
Livre .~
20 sols; Sol (sou) . 12 deniers ; Denier: 1/240
de Livre. 1 denier .~ 2 oboles,’ 1 obole .~ 2
pites; 1 pite .~ 2 demies pites.
Ecu
d’or ou Mouton ou Salut ou A gnel : 60 sous ou 3 livres.
Ecu
d’argent: 6 livres.
Louis
d’or: 10 livres tournois en 1640 et 24 livres en 1717.
Liard,
monnaie de cuivre : 3 deniers ou 1/4 sou.
Pite ou
Pitte: 1/4 de denier.
Florette
ou grand Blanc : monnaie frappée de 3 lys sous Charles VII
En
1787, dans le Vexin, un journalier recevait de 15 à 25 sous
par jour et une femme de 8 à 10 sous.
J.
LOHOU (Déc.2005)
(Mise à jour : 1er mars 2010)
(Mise à jour : 10 mars 2010)
(Mise à jour :juin 2017)
Cet
article a été publié dans le bulletin de Liaison du
Centre Généalogique des Côtes d'Armor(n° 23- octobre
1994)
Bibliographie
1)-
Daste Bernard - La monnaie et son histoire
Edit. d’Organisation - 1976 -
Paris préface de Jean Fourastié.
2)-
La monnaie.- PUF. Collection “Que sais-je”. N0
2237.
3)-
La Grande Encyclopédie - La monnaie - . Dreyfus
- Paris 1874.
Un curieux
"assignat" en 1915.
Franc
Poincaré
L'État
a beaucoup dépensé pour financer la Première
Guerre mondiale. La guerre devait être courte; l'ampleur
des dépenses n'avait pas été prévue. Aussi, les
solutions choisies ne furent pas toujours les meilleures,
sans compter, pendant près de trois ans, le refus de
recourir à l'impôt sur le revenu. Les dépenses prévues
pour cette guerre courte étaient évaluées à 20 milliards
de francs (le budget pour 1914 est de 5 milliards). Les dépenses
totales liées à la guerre s'élevèrent à 140 milliards
de francs. Seuls 15 % sont
couverts par l'impôt (dont l'impôt sur le revenu voté en
1914 et appliqué en 1916-1917). On eut d'abord recours à
l'augmentation de la masse monétaire. En 1914, il y avait 6
milliards de francs en circulation ; en 1919 25,5
milliards. En parallèle, la Banque de France utilisa le
stock d'or pour couvrir les premières dépenses. La
couverture d'une monnaie gagée sur l'or diminua donc
fortement. Une autre solution pour couvrir les frais de
guerre fut les emprunts : auprès de la population française
sous forme de bons de la défense (75 milliards à court
terme, mais toujours renouvelés) et 25 milliards en
emprunts à long terme ; il y eut aussi des emprunts à
l'étranger : 40 milliards à la Grande-Bretagne et
aux États-Unis.
Tout cela entraîna une hausse de l’inflation, une perte
de capital pour la population française et procura un moyen
de pression économico-politique à cette même population
avec les bons de la Défense, mais aussi aux États-Unis et
à la Grande-Bretagne au moment de la négociation de paix.
Sources.
Wikipedia.
Un
autre point de vue.
La mauvaise monnaie chasse la bonne (article du Figaro)