Callac-de-Bretagne


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Le Manoir de Kermabilou

Le village de Kermabilo(u)
(Cadastre de Callac en 1833)

Le manoir de Kermabilou le 19 octobre 1931
(dessin du Vicomte  Henry Frotier de la Messelière)

La cheminée, au linteau long de 5 mètres, de la grande salle avec les armes des Du Pontho
(Dessin du Vicomte Henry Frotier de la Messelière) AD22-J 60
Grotesques* sculptés au 1er étage du manoir représentant un homme encadré de son épouse souffreteuse et de sa belle-mère furieuse.
(Dessin du Vicomte Henry Frotier de la Messelière- 19 octobre 1931

Armes des Du Pontho.
"d'azur aux trois croissants d'argent, deux en chef; un en pointe"
Le manoir  de Kermabilou ou Kermabilo, dessin du vicomte Henri Frotier de la Messelière, cliché retouché dans l'édition de 1992.

 

Le manoir est vraisemblablement une construction du milieu du XVI° siècle, il a appartenu successivement aux familles du Pontho, de la Haye et de Névet. Comme tous ces édifices de cette époque, il présentait un aspect plus imposant que les manoirs ordinaires de la région. Une légende, qui a franchie allègrement les siècles, faisait mention d'une largeur exceptionnelle des murs d'enceinte et certifiait qu'une charrette d'époque pouvait  y circuler à l'aise. Les conteurs bretons d'autrefois, prédécesseurs de nos "Kan ha Diskan", avaient une imagination et un sens de l'emphase qui n'avait rien à envier aux conteurs méridionaux !  
Kermabilou est situé à 1,300 km du centre de Callac, en direction du sud-est sur le chemin menant au manoir de Tronangle, autre manoir, mais ce dernier situé sur la commune de Saint Servais ; autrefois propriétés communes de la même seigneurie. Le dernier propriétaire a clos l'ensemble de la propriété et il n'est plus possible de pénétrer dans la cour pour admirer la belle façade, comme cela se faisait du temps de ma jeunesse lorsque Kermabilou était transformé en exploitation agricole. 

L'histoire a marqué ce lieu au début du XVIII° siècle par la présence d'un célèbre fugitif qui avait trouvé refuge en novembre 1719 pendant une douzaine de jours dans ce manoir. Ce personnage, du nom de Clément Chrysogone* de Guer-Malestroit, Marquis de Pontcallec, était pourchassé par les sbires du Roi et il obtint l'autorisation de son oncle, le Marquis Malo de Névet, de se cacher à Kermabilou.
Voici pour nos lecteurs, un bref aperçu de cette histoire :

    " Se fondant sur la violation des clauses de l'Edit d'Union de 1532 par le Régent-le duc d'Orléans- un certain nombre de gentilshommes Bretons décident de renverser le gouvernement royal (conspiration de Cellamare), pour le remplacer par le roi d'Espagne, Philippe V. Parmi ces hommes, le Marquis de Pontcallec. Ce dernier, joua un rôle déterminant dans cette affaire. Malgré un contexte politique favorable ( refus du parlement de Bretagne d'enregistrer la rentrée des impôts sans le consentement des États le 10 janvier 1718, troubles un peu partout en Bretagne, etc. ), et la constitution d'une association des " Frères Bretons " avec ses 500 signataires, le " soulèvement Breton " reste marginal. Seuls, une vingtaine de petits nobles terriens prennent une part active au complot. Cet échec se traduit par l'arrestation du Marquis de Pontcallec le 28 décembre 1718, grâce à la trahison de Chémendy, sénéchal du Faouët et ami (!) du Marquis. Trois autres conjurés, du Couëdic, Montlouis, Le Moyne du Talhouët se rendirent eux-mêmes. Les condamnés furent exécutés le 4 mai 1720. "


Le Marquis de Pontcallec


Jeton du Marquis de Pontcallec, écus accolés et surmontés d'une couronne de marquis aux Armes de Pontcallec et Trégomar,  le tout entouré d'un collier de l'Ordre de saint Michel. Devise : "Priro Dite Moriro" (sans toi, je périrais)



Malo de Névet,  chevalier et seigneur de Tronangle et Kermabilou

  Il était le dernier des dix enfants de Jean de Névet. Après avoir vraisemblablement été l'élève des jésuites à La Flèche et constatant que son frère René était marié avec espoir de postérité, il renonça au mariage. Séduit par la vie d'ermite, à l'exemple de Saint Renan, il se retira au sommet de la montagne qui domine Plas-ar-C'horn. II y fonda un hospice, et y offrit l'asile aux pèlerins de la Troménie et de Sainte-Anne la Palud.
  Lorsque lui échut l'héritage des Névet, Malo était âgé de 54 ans. Pour l'époque, c'était déjà un vieil homme. La famille s'inquiéta ; si Malo persistait dans son existence solitaire, le nom s'éteindrait.
  Les supplications de ses six sœurs finirent par le convaincre. Après de longues hésitations et de nombreuses prières, il épousa Marie Corentine de Gouzillon. Cinq ans passèrent, le couple restait sans héritier. Malo, en 1705, atteignit soixante ans et sembla avoir perdu tout espoir de descendance. Pour assurer la survivance du nom, il adopta son neveu et filleul, Malo Joseph du Breil de Pontbriand et, insensiblement, retourna à son existence érémitique. Dix ans passèrent, à soixante et onze ans, Malo confirma ses dispositions testamentaires et créa de nouvelles fondations au profit de son fils adoptif et des écoliers pauvres des séminaires et collèges de Quimper et de Paris.
  Soudain, une étonnante nouvelle se répandit Madame de Névet attendait un heureux évènement ! On dit, qu'en désespoir de cause, elle s'en était allée à Locronan faire un pèlerinage à la jument de pierre (Ar Gazek venn), une pierre druidique réputée pour rendre leur fécondité aux femmes stériles. Selon le rite, la marquise aurait accompli sa troménie en suivant le sens de la marche du soleil avant de s'asseoir, jupes relevées, sur le mégalithe pour s'imprégner de sa vertu. Le 30 juin 1717, naquit au château de Lezargant une fille baptisée Marie-Thérèse Josèphe. La descendance directe des Névet était désormais éteinte. L'arrivée d'une héritière dérangea les projets de Malo ; en effet, son fils adoptif, qu'il chérissait, ne pouvait, selon la coutume de Bretagne, hériter au détriment de Marie-Thérèse. Malo résolut le problème ; sa fille serait confiée aux religieuses Calvairiennes de Quimper. Le contrat était le suivant : si avant sa mort il ne retirait pas sa fille du couvent, elle devait y poursuivre son éducation jusqu'à ses douze ans et n'en sortir que pour épouser son cousin, Malo Névet de Pontbriand.
  Malo mourut en 1721 et fut inhumé à Locronan en présence d'une nombreuse assistance parmi laquelle les pauvres et les orphelins venus marquer leur reconnaissance envers celui qui avait fondé l'hôpital de Plas-ar-C'horn.

SOURCES.                                                                                               J.Lohou (juin 2005)
AD22 - série E - série J .
Centre Généalogique des Côtes d'Armor- Relevés des registres paroissiaux.
Généalogie de la famille de Névet -
http://www.histoirebretonne.fr.st/
*Prénom Chrysogone : du grec : "khrusos", or et "gonos", génération

Notes. La Famille de Névet
*
Grotesque, Ornement (dessin, peinture ou sculpture) des monuments antiques mis au jour en Italie par les fouilles de la Renaissance et représentant des sujets fantastiques, des compositions capricieuses figurant des personnages, des animaux, des plantes étranges.

 

 

 

 


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