Callac-de-Bretagne

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François Jaffrenou



François Jaffrennou au Celtic Congress, Caernarfon, 1904 .


François-Joseph-Claude Jaffrennou, né le 15 mars 1879 à Carnoët et mort le 26 mars 1956 à Bergerac, est un écrivain (poésie, théâtre, souvenirs...), imprimeur de ville, puis commerçant en vins et directeur de journaux en langue bretonne. Son nom bardique qui est aussi un de ses pseudonymes littéraires est Taldir. Il était régionaliste, puis nationaliste et barde du mouvement néodruidique. Il est titulaire des Palmes académiques en 1922 et fait chevalier de la Légion d'honneur en 1938.
 Il est fils de Claude Jaffrennou, notaire à Carnoët (Côtes d'Armor) et d'Anne-Marie Ropars, fille du maire de Bolazec. Tous les deux écrivaient des poèmes en breton et le fils a publié un choix des poèmes de sa mère.
 Celle-ci avait connu Prosper Proux et l'œuvre de celui-ci, comme le recueil de poésie "Bepred Breizad" de François-Marie Luzel sont les premiers textes en breton qu'il lit vers l'âge de dix ans. Sa mère et sa nourrice connaissaient nombre de contes et de chansons bretons. La collection de chansons imprimée sur feuilles volantes d'Anne-Marie Ropars sera une source importante du catalogue de Joseph Ollivier. Il est donc très largement baigné de la culture orale en breton de sa région des Monts d'Arrée.
 Il va faire ses études secondaires à l'École Saint-Charles à Saint-Brieuc il y suit les cours de breton facultatifs de François Vallée, les premiers du genre en Bretagne. Il obtient une licence en droit à l’Université de Rennes et reviendra en 1913 y soutenir une thèse de doctorat ès-lettres écrite en breton et consacrée au poète Prosper Proux.
 Il est le père de Gildas Taldir-Jaffrennou.

  En août 1898, à Morlaix, à la suite de fêtes bretonnes, fut créée l’Union régionaliste bretonne sous la présidence d’Anatole Le Braz et Jaffrennou devient secrétaire de la section de langue et de littérature bretonnes. En 1898-1899, il travaille, à Morlaix, au journal La Résistance, dont Auguste Cavalier était le directeur. Il y publie une page bretonne. En octobre 1899, il part à Rennes faire des études de droit. Deux mois après son arrivée, il fait la connaissance du directeur de L’Ouest-Éclair, alors à ses débuts et il y publie deux colonnes en breton. Quelque temps après, il fonde la Fédération des étudiants bretons. Il accomplit son service militaire au 48ème de ligne à Guingamp et au Peloton des Dispensés.
 Très jeune, François Jaffrennou obtient une gloire littéraire dans le petit monde de la Basse-Bretagne en publiant entre 1899 et 1911, sous le nom de Taldir, sept recueils de poèmes et chansons en breton.
 Son "Levr kanaouennou brezonek" (Chansonnier breton) est d'autant mieux accueilli que les trois livrets sont accompagnés de leurs airs.
 Ses œuvres se vendent très bien et il est célébré comme le grand poète que la langue bretonne attendait. Parmi les nombreux éloges publics et privés, celui de Charles Le Goffic, dans Les cahiers de la Quinzaine, en 1904, résume le mieux l'enthousiasme : "Avec le Barzaz Taldir qui vient de paraître et qui a été salué en Bretagne d'une acclamation universelle, Jafrennou a conquis la grande notoriété populaire. L'opinion bretonne veut reconnaître en lui son Mistral. L'assimilation n'est peut-être pas tout à fait juste, mais elle signifie, je pense, que sur le Parnasse armoricain Taldir occupe la même place éminente que l'auteur de Mireilho sur le Parnasse provençal"1. Le même Le Goffic a donné une préface au Barzaz Taldir en compagnie d'Anatole Le Braz, et, si ce dernier voit un renouveau dans l'expression en breton comparable à ce qu'ont fait les écrivains de la Pléiade pour le français, le premier précise que "(François Jaffrennou) chante et, depuis Taliesin et Gwic'hlan, la Bretagne n'avait pas entendu une telle voix... Jaffrennou est un barde dans l'acception primitive du mot. Il a conscience au même degré qu'eux de la mission sociale qu'il est appelé à remplir par le monde : chanter ne lui est pas une simple récréation de l'esprit, mais l'exercice d'un apostolat L'exaltation de la "nationalité", de la culture et de l'histoire bretonnes n'est la moindre de ses particularités.


  Après 1914, il ne publiera plus beaucoup en breton, mais se tournera vers l'histoire locale de Carhaix en français.
 Barde engagé dans la politique sans vouloir être un homme politique, tout comme Victor Hugo, demi-breton par sa mère, qui voyait dans les poètes des phares de l'Humanité, c'est ce que le druide Taldir voudra réaliser dans le Collège des Bardes et dans ses œuvres, tant poétiques que journalistiques.


Cérémonie druidique, "Gorsedd des Bardes" , au "tossen" St Gildas en Carnoët(1901)

  En 1901, avec Jean Le Fustec, il crée une Gorsedd des bardes, car, il a fait à l'été 1899 un voyage au Pays de Galles pour être agréé comme barde par le Grand druide de la Gorsedd des bardes de l'Île de Bretagne sous le nom de Taldir ab Herninn, car la Gorsedd de Bretagne sera inspirée par et placée sous l'autorité de celle du Pays de Galles.
 Dès 1899, il avait publié des poèmes en gallois avec son professeur de breton, François Vallée, et la poésie galloise, riche de 900 ans d'histoire, est un modèle au sens littéral pour lui qui écrit parfois dans la langue cousine du breton. Certains de ses poèmes du Barzaz Taldir sont traduits en gallois par Thomas Gwynn-Jones.
 Il s'enthousiasme pour le panceltisme et est délégué par l'Union régionaliste bretonne au Congrès panceltique de Dublin en août 1901. Dans ses journaux, il fera toujours une place importante aux actualités des pays celtiques et s'efforcera de toujours maintenir des liens avec la "frange celtique" des Îles britanniques grâce à sa maîtrise de l'anglais et du gallois.
 Identifié comme une personnalité clé du mouvement culturel breton, il reçoit de nombreuses lettres de Britanniques et d'Irlandais passionnés par la Bretagne et les relations interceltiques.


Le Gorsedd de Saint-Gildas, le sous-bois près de la chapelle...

  Il sera l'un des pivots de la Gorsedd[1] de Bretagne jusqu'à la guerre de 1914 (qui interrompt le fonctionnement, conformément aux statuts), puis de 1926 jusqu'à sa mort. En effet, avant de devenir le grand druide de Bretagne en 1933, il a "regroupé" et dirigé le collège bardique à la place d'Yves Berthou, empêché par la maladie.
 Ayant fini sa licence en droit, il travaille dans l’étude de notaire de son père. Il fait la connaissance de l’imprimeur morlaisien Alexandre Le Goaziou et crée avec lui la revue mensuelle en breton Ar Vro (le Pays) dont le premier numéro paraît le 1er mars 1904.
 Ils décident alors de s’associer pour créer une imprimerie à Carhaix. Elle publie Ar Vro, ainsi qu’un journal bilingue Ar Bobl (le Peuple), qui paraît jusqu'en 1914.


François Jaffrenou-Taldir et son épouse
devant un exemplaire du journal "Ar Bobl"(Le Peuple)



  Il participe à la vie politique locale en éprouvant l'hostilité des radicaux et des militants laïcs, au pouvoir avec la municipalité de Carhaix, qui voient en lui un homme inféodé à la droite et au cléricalisme. Il doit faire face à des procès en diffamation.
 Après avoir été mobilisé pendant la Première Guerre mondiale, il cède son imprimerie et ouvre un commerce de boissons, toujours à Carhaix.
 Il poursuit ses activités militantes à la Fédération régionaliste de Bretagne. Il participe à la revue La Bretagne libertaire en 1923. Il crée en 1926, An Oaled (Le Foyer), bulletin trimestriel de régionalisme et de bardisme en français et en breton, qu'il dirige avec Léon Le Berre et le Dr Célestin Menguy. Il publie, jusqu'à sa mort en 1956, de nombreux articles, des pièces de théâtre et divers ouvrages, dont Buhez Sant Erwan, An Hirvoudou (1899), An Delen Dir (1900), Breiziz (1911).
 
Hymne.
 
En 1897, il publie une version en breton de l'hymne national gallois, "Hen Wlad fy Nhadau, sous le titre identique, Bro goz ma zadoù (Vieux pays de mes pères), qui est l'hymne national de la Bretagne. Cet hymne, qui est aussi inspiré d'un cantique du pasteur William Jenkyn Jones, est maintenant reconnu et accepté par toutes les tendances politiques et culturelles de la Bretagne démocratique, partis bretons comme français.
 Le texte est inspiré de l’hymne gallois composé en 1846 (paroles d'Evan James et musique de son fils James James). Il est publié pour la première fois en1898 dans La Résistance de Morlaix et est tiré sur feuilles volantes avec en sous-titre Henvelidigez (Adaptation).
 Il est établi depuis longtemps (Raoul, 1992, par exemple) que la première traduction est due à un pasteur baptiste gallois établi en Bretagne, William Jenkyn Jones, qui l'a publié sous la forme d'un cantique, intitulé "Doue ha va Bro" (Dieu et mon Pays) en 1895. Jaffrennou s'en est inspiré, mais il est aussi remonté au texte gallois.
 Taldir Jaffrennou est réputé pour être un homme cultivé et humaniste, il a connu et fréquenté Ange M. Mosher, l'Américaine bretonnante. Taldir Jaffrennou est également apprécié par Sir et Lady Mond, qui le recevaient souvent dans leur Villa Castel-Mond de Dinard ou dans leur château de Coat-an-noz en Belle-Isle-en-Terre. Il est sociétaire élu du Félibrige de Provence et Languedoc.
 Son engagement breton et notamment pour la langue bretonne écrite avec son journal, ses revues, ses maisons d'édition, sa culture, sa position sociale, ses relations internationales notamment dans le monde anglo-celtique ainsi que ses fréquentations assidues des autorités britanniques et françaises et des personnalités qui comptaient dans la Bretagne de son temps en ont fait un personnage en vue et critiqué. Dans le cadre des activités du Gorsedd il avait des relations anciennes, nombreuses et suivies avec la Grande-Bretagne, pays dans lequel il s'était souvent rendu depuis 1899 en délégation officielle. Il avait souvent, en Bretagne, reçu les délégations et représentants de l'Écosse, du Pays de Galles, de la Cornouaille et de l'Irlande qui venaient assister ou participer aux différentes cérémonies du Gorsedd. Le 18 juillet 1899, il est à Cardiff à l’Eisteddfod avec 21 autres bretons. Il est reçu au Gorsedd sous le nom de Taldir ab Hernin.
 Il devient Grand Druide du Gorsedd de Bretagne en 1933. Il crée en 1935 le syndicat d'initiative de Carhaix-Plouguer et sa région. Dans les années 1930, il était en guerre ouverte avec les nationalistes bretons du PNB dirigé par Mordrel et François Debauvais principalement sur la question du drapeau Gwenn-ha-Du, de l'orthographe KLTG qu'il n'acceptait pas et surtout sur la question du séparatisme qu'il rejetait également entrainant à sa suite toute la mouvance folklorique et régionaliste de l'URB du Marquis de l'Estourbeillon, Léon Le Berre, Camille Le Mercier d'Erm, le comte René de Laigue, et des cercles celtiques.
 
Ces deux sujets ont été l'objet d'une longue polémique et de nombreux articles publiés dans sa revue An Oaled-Le Foyer breton dans lesquels Taldir-Jaffennou se montre comme un ennemi déclaré du PNB lequel, dans son journal Breiz Atao, ne lui ménage pas ses sarcasmes lui reprochant son loyalisme envers la France3, sa Légion d'honneur et ses trop bonnes relations avec l'Establishment de la France officielle, la culture bretonne traditionnelle, régionaliste et folklorique mise en valeur par sa revue An Oaled-Le Foyer breton, l'Union régionaliste bretonne, les cercles celtiques et les groupes de danse, ainsi que le Gorsedd des bardes.
En 1939, il suspend la parution de sa revue régionaliste An Oaled-Le Foyer breton et proclame la Gorsedd en congé pour la durée des hostilités suivant la règle de la Gorsedd.

  Arrestation.

Le 7 août 1944, Taldir est arrêté par « un groupe de patriotes » (des FTP de la région de Carhaix qui constituent un tribunal de quatre membres pour le juger) sous l’accusation d’avoir servi l’ennemi au côté du Maréchal Pétain et d’avoir voulu faire de la Bretagne un pays indépendant dans une Europe hitlérienne. Il est acquitté et reconduit à son domicile. Le 10 août 1944, Taldir est arrêté de nouveau. Après un bref séjour au Château Lancien à Carhaix, il est emmené à la prison Saint-Charles à Quimper. Au début de juin 1945, il est transféré à Mesgloaguen, autre prison de Quimper. Il est inculpé d’actes ayant pu nuire à la défense nationale, en fait de relations avec les Allemands et de dénonciation de patriotes. Il passe en jugement devant la Cour de Justice que préside le Président Chauvin.
 Libéré en 1946, il est interdit de séjour en Bretagne, mais en 1947, il reprend, à distance, la direction de la Gorsedd. Il se retire au Mans, puis à Bergerac où il meurt le 23 mars 1956. Il est enterré à Carhaix le 26 mars.


Notes.
*Extrait de Jaffrenou François -Wiki.
[1] Gorsedd,  La Gorsedd des bardes de l’île de Bretagne (nom officiel en gallois : Gorsedd y Beirdd Ynys Prydain) est une association littéraire et culturelle britannique créée à Londres en 1792 par Edward Williams.



Cliché extrait de la Revue "An Oaled" paru dans en 1934.



"Passant, entre en ma maison et causons.
Approche de l’âtre et assois-toi quelques moments."

 

Joseph Lohou (juin 2012-nov.2014)

                                                          

 

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