Jugement
rendu par le tribunal correctionnel de St-Brieuc, le 30
mai 1817, par lequel le sieur Pierre Louis Ducouédic, ancien
négociant, demeurant à Vannes, a été condamné à six
mois d'emprisonnement, six cents francs d'amende au profit du
trésor royal, mille francs de dommages-intérêts envers M.
Joseph Marie Gourlay, chevalier de la Légion d'honneur (M. Gourlay
plaidant lui-même son affaire avait déclaré « réduire
les dommages-intérêts demandés à 1000 fr., dont il se
réservait de disposer en faveur des pauvres de St-Brieuc
») aux dépens, à l'impression et affiche le nombre de
deux cents exemplaires, et à rester pendant cinq ans sous
la surveillance de la haute police du royaume.
Ce
jugement a été confirmé par arrêt de la cour royale de
Rennes, rendu le 14 juillet 1817. Rennes, chez
Mme
veuve Vatar et Brute, imprimeur du Roi et du tribunal
civil, 1817, petit in-4°
de 16 p. (Archives des Côtes-du-Nord).
Voici
la base de l'accusation de Joseph Marie Gourlay,
conseiller à la cour de Rennes, contre le sieur
Pierre-Louis Ducouédic, « ancien négociant et
homme de lettres, résidant à Vannes : « En
octobre, novembre et décembre 1816, Ducouédic a
imputé verbalement et par écrit au sieur
Gourlay des faits qui, s'ils étaient vrais,
l'exposeraient à des poursuites criminelles, au mépris
et à la haine des citoyens. Ducouédic a dit, dans
des lieux publics, à St Brieuc et à Châtelaudren, que,
dans l'an II, il avait confié à la dame Saulnier de St-
Brieuc un dépôt de 230.400 fr. en assignats : que le sieur
Gourlay, de concert avec la Dame Saulnier fit faire, par le ministère
d'un notaire, un acte faux, sous la date du 2l germinal an
II, au moyen duquel le montant de son dépôt fut réduit
à 32000 fr. "que Gourlay et Saulnier se partagèrent
le surplus. »
Ducouédic,
en
outre, avait adressé contre le sieur Gourlay « une plainte
calomnieuse à M. le procureur du Roi, près le tribunal
de Saint Brieuc, à Son
Excellence le ministre de la police générale, et
à Sa Grandeur Monsieur
le Garde des Sceaux. »
Dans
cette dernière pièce, Gourlay était, de plus, accusé
d'avoir été, sous la Terreur, le correspondant de
Carrier; et Ducouédic assurait « qu'il
avait été récemment obligé, contraint de fuir de
Rennes, où il a une partie de sa famille, parce qu'un
crime de plus ne coûterait rien au sieur Gourlay. »
Enfin
« non content de calomnier Gourlay sur des faits dans
lesquels il prétendait avoir quelque intérêt, Ducouédic
a imputé dans des lieux
publics, et par écrit au sieur Gourlay d'avoir
fait faire à son profit, par la dame veuve Bellom(2), un
faux testament. Ce fait est aussi calomnieux que ceux
ci-devant relayés. Dans aucun temps, par aucune personne
il ne fut fait de testament au profit du sieur Gourlay. »
Les
archives départementales des Côtes-du-Nord possèdent
une lettre antérieure de Ducouédic 1er octobre
1816 ù il s'efforce d'expliquer l'affaire à sa façon.
Au mois de germinal an II, dit-il, se trouvant en prison
à Saint-Brieuc en même temps que Saulnier(3), procureur
syndic du département, qui venait d'être incarcéré par
l'ordre de Carrier, en ce moment à Rennes, il voulut
confier à son codétenu, ou plutôt à sa femme, un dépôt
important, et il donna à ce sujet procuration au sieur
Gourlay à l'effet de se rendre à la prison avec deux
notaires. Toujours d'après Ducouédic, Saulnier
trompa sa confiance et, peu après, protesta qu'il n'avait
reçu que 30.000 livres.. . etc.
A
l'audience où fut jugée cette affaire, Ducouédic
demanda au tribunal de lui nommer un avoué d’office.
Trois furent désignés ; mais, dit le jugement, «
ces avoués n'ayant pu être trouvés, ni aucun autre, M.
le procureur du Roi a requis et le tribunal a ordonné que
le sieur Ducouédic prendrait lui-même ses
conclusions, sans assistance d'avoué. »
Au
courant de l'affaire, Ducouédic s'attacha à
chercher des irrégularités de procédure et à soulever
des exceptions sans produire un seul témoin. Aussi fut-il
condamné avec des considérants très durs.