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Les
Frères MORVAN, légendes du « Kan ha Diskan »
De gauche à droite, Yvon, François et Henri.
Les
Frères Morvan, légendes du « Kan ha Diskan »,
ont promené leurs casquettes à peu près partout en
Bretagne, disputant à l'occasion la vedette aux stars de la
chanson et du rock.
20;000 km par an !
Arpenteurs
de fest-deiz, laboureurs de fest-noz, les frangins de Botcol
fêteront leurs 50 ans de carrière samedi 20 septembre,
à Saint-Nicodème. Alors que plus de 300 musiciens
traditionnels viendront leur faire la fête sous les
chapiteaux dressés en plein bourg, et que plusieurs
milliers de personnes sont attendues pour l'événement, un
invité de marque manquera à l'appel. Leur tracteur Lanz de
18 cv restera, en effet, au hangar.
Si
à l'orée des années soixante, c'est au volant de leur fière
mécanique que les célibataires courtisés par tout le
milieu trad' se rendaient à leurs premiers concerts, désormais
c'est au volant de leur 307 Peugeot qu'ils quadrillent la
campagne.
Et
pour cause! À raison de 20.000 km par an et d'une
soixantaine de dates annuelles, Henri, 76 printemps, et
Yvon, 73, poursuivent toujours aussi ardemment leur tour à
la mode BZH ! « C'est notre septième voiture; on ne s'en
sert pratiquement que- pour aller chanter », rigolent les
agriculteurs retraités qui, pendant cinq décennies;
auront. mené une double vie: paysans le jour, chanteurs la
nuit.
Attablé
dans la maison familiale; François, l'aîné de 84 ans,
sourit. Si pour des raisons de santé, l'homme a pris du
recul depuis fin 1999, le récit de ses cadets qui rayonnent
comme des gamins insouciants, l'amuse comme avant. Aux murs,
des dizaines de photos et posters de la fratrie résument l'épopée
démarrée officiellement il y a un demi-siècle. « La
première fois, c'était le dernier samedi de novembre
1958», se souviennent les inséparables, coude à coude.
Yvon
fourmille déjà d'anecdotes quand Agnès, sa compagne qui,
depuis dix ans, tient d'une main experte son rôle
d'impresario, le
recadre avec malice. « Yvon, tu es trop long ! » Bonne pâte,
le benjamin la fait donc courte. « le cercle celtique de
Callac donnait un fest-noz à Saint-Servais. Tandis qu'Yves,
notre frère aîné aujourd'hui décédé (en 1984, NDLR)
et. moi dansions, François et Henri chantaient dans la
ronde. Sur l'estrade, il y avait des micros. Les premiers
qu'on voyait. Les organisateurs de la fête nous ont dit :
« Eh bien, ne restez pas là comme ça, montez donc
plutôt. Et on l'a fait ».
Une
culture à transmettre.
Une
légende était en marche. Depuis, les Frères Morvan ont
rejoint les Sœurs Goadec au hitparade du « Kan ha
Diskan ». « Pour nous, chanter est un devoir. C'est
une culture à transmettre. Notre mère, Augustine, nous- a
appris les airs. On n'avait pas le droit de les garder pour
nous ». Au répertoire, 78 morceaux, dont certains encore
jamais chantés en public. les fameux « Trésors de Botcol
», consignés dans un ouvrage référence, édité par
Coop Breizh en 2002.
François
écoute, toujours, attentif. S'il ne sera pas sur scène
pour fêter les 50 ans, l'aîné n'a pas le sifflet coupé
pour autant. Dans sa chambre, seul, il chante encore bien
volontiers. Le « Joli coucou », l'hymne le plus célèbre
des Botcol Brothers, a de belles saisons devant lui.
Arnaud
Morvan (Le
Télégramme du samedi 06 septembre 2008)
Annexe.
Un look et des
principes chevillés au corps
À
carreaux.
Le
« look» Frères Morvan, une trouvaille qui remonte à leur début de carrière? Non. C'est Agnès, 69 ans,
qui a eu l'idée d'habiller les frangins de la .même
chemise à carreaux, pour leurs quarante ans de scène, en
1998. « Ils en ont 17 », confie, amusée la native de
Poullaouen qui, à l’heure de la retraite, après 43 ans
passés à Paris, est revenue en Bretagne choyer la fratrie.
Une tenue de scène désormais aussi indispensable que leur
fameuse casquette!
Pour
boire.
Si
les frères Morvan ont un agenda à faire pâlir un
intermittent du spectacle, jamais ils n'ont songé à faire
du chant leur métier. « Notre travail, c'était la ferme
». Une exploitation de 56 ha et une centaine de vaches
normandes qui donnaient suffisamment de boulot et de plaisir
comme ça aux frangins unis jusque dans les champs. « Et
puis les organisateurs de festoù-noz ne nous donnaient que
ce qu'ils voulait. C'était la règle avec nous. Jamais, on
ne pourra dire que les frères Morvan ont mangé la
cagnotte! D'ailleurs, la plupart du temps, on redonnait plus
qu'on ne gagnait en payant des coups aux camarades après
notre tour de chant ».
La bonne année jusqu'en mars. Avant le renouveau
celtique et l'essor des festoù-noz payants, les Frères
Morvan chantaient déjà en famille et pour les proches. «
On a commencé tout gamins, avec notre mère. Et plus tard,
on chantait après les travaux des champs et, surtout,
pour les cafés du Premier de "An ». Des rendez-vous
festifs qui s'échelonnaient « jusqu'au mois de mars! ».
Jamais
découché.
Jamais,
même après un festnoz tardif, les frères n'ont découché.
Pour les enfants de Botcol, le retour à Saint-Nicodème a
toujours été un impératif. « Enfin, une fois, en 50
ans, on n'est pas rentré. C'était en 1971, après avoir
chanté. à Vay, près de Guémené-Penfao, en LoireAtlantique
».
Jamais un refus. « Quand on s'engage, on
tient toujours promesse ou presque. Peu importe les chapelles,
on joue pour tout le monde quand on nous le demande. Il
nous est bien arrivé quelquefois de nous décommander, mais
uniquement quand la bonne marche de la ferme l'exigeait ou
quand on était souffrant ».
Niet
au Stade de France!
On
leur a proposé de chanter au Palais omnisports de Bercy, au
Stade de France aussi, mais à chaque fois, c'est la même réponse
qui fuse: non merci. Trop attachés à leur Bretagne, les
frangins refusent de franchir la frontière. Et puis comme
diraient Yvon et Henri, « dans des grandes salles comme ça,
sans orchestre, on serait ridicule. On aurait l'air de deux
bouteilles dans un champ d'un hectare ».
Souvenirs. Ils en ont vu débuter
des petits jeunes, les gars de Botcol. Alan Stivell, quand
celui-ci sonnait en couple sous son vrai nom - Cochevelou
- ou encore quand Glenmor, « aux débuts des années
soixante, chantait seul à Plévin avec sa guitare ». Un peu plus tard, l'artiste engagé les invitera
d'ailleurs « à chanter pour ses noces, à Guerlesquin ».

Les deux frères, Henri et Yves, recevant leur décoration par le député Marc Le Fur.
Les
Frères MORVAN faits officiers de l'ordre des Arts et des Lettres le 30
septembre dernier, Henri et Yvon Morvan, les célèbres chanteurs de kan
ha diskan ont été décorés vendredi soir. Dans la salle polyvalente de
leur commune costarmoricaine, Saint-Nicodème, Marc Le Fur député et
vice-président de l'Assemblée nationale, a épinglé sur leur revers la
médaille d'officier des Arts et des Lettres. Une distinction qui
récompense leur rôle dans la transmission du patrimoine oral breton.
Âgés de 79 et 82 ans, écumant toujours les festoù-noz et les festivals
(Vieilles Charrues, Bout du Monde), ils contribuent, depuis 50 ans à
sortir le kan ha diskan (en français : chant et contrechant) de
l'oubli. (Photo Jean Le Garignon)
« Le Télégramme » du dimanche 27 octobre 2013.
Avec l’humour et la gentillesse qu’on leur connaît, les Frères Morvan ont acceptés de répondre à notre questionnaire.
Yvon et Henri à Botcol
Ils étaient à
l'honneur vendredi soir à Saint-Nicodème, où ils ont reçu l'insigne
d'officier des Arts et des Lettres. Mais c'est dans leur village à
Botcol que nous avons rencontré les Frères Morvan, pour leur soumettre
notre questionnaire décalé, histoire de mieux connaître Yvon et Henri.
Yvon : « Henri jouait à canette »
Yvon, à quoi jouait Henri enfant ? A canette, c'était un jeu de billes, son jeu préféré. Il jouait sur la cour ou à l'école.
Yvon, dans quelle matière Henri était-il le meilleur à ? Henri écrivait beaucoup mieux que moi.
Yvon, le chanteur français préféré d’Henri ? Jacques Brel.
Yvon, le plat qu'Henri aime le plus ? La soupe !
Yvon, à quelle heure se lève Henri ? Je ne le surveille pas, mais il est moins matinal que moi !
Yvon, une chose que fait Henri et qui t'agace ? Non, rien de spécial.
Yvon, quel est l'apéro préféré d'Henri ? Le Ricard
Yvon, avec quel
artiste Henri rêverait de chanter ? Je dirais qu'il n'aurait pas envie
de chanter avec quelqu'un d'autre que moi.
Yvon, quel
cadeau ferait le plus plaisir à Henri pour ? (les deux hommes se
regardent et pouffent de rire, complices) Une bouteille de Ricard Yvon,
de quel animal Henri a-t-il peur ? Les guêpes, les abeilles et les
frelons.
Yvon, de vous deux, qui a le plus de caractère ? Henri serait peut-être plus têtu.
Yvon, combien de chemises à carreaux possède Henri ? 18 !
Yvon, quand Henri ne chante pas, qu'est-ce qu'il fait ? Il bricole un peu, et se repose.
Yvon, le coin préféré d'Henri dans l'Argoat ? Ici, à Botcol !
Yvon, de toutes vos chansons, laquelle plaît le plus à Henri ? Il n'a pas de préférence selon moi.
Yvon, quelle
est la principale qualité d'Henri ? C'était un bon soigneur de bêtes,
il avait du talent pour alimenter les animaux.
Yvon, l'occupation d'Henri à l'automne ? Il nettoie autour des bâtiments.
Yvon, où Henri
va-t-il ranger sa décoration d'officier des Arts et des Lettres ? Il va
la mettre dans une boîte, il ne va pas la porter tous les jours !
Henri: « Yvon est bon chauffeur »
Henri, à quoi
jouait Yvon enfant ? Comme moi, aux billes. On était tout le temps
ensemble. On fabriquait aussi des sifflets, des yoyos, des bombardes,
des pistolets avec du sureau, des lance-pierres...
Henri, dans
quelle matière Yvon était-il le meilleur à l'école ? Il était bon
partout. Dans toutes les matières, il se débrouillait très bien.
Henri, le chanteur français préféré d’Yvon ? C'est dur de répondre, je ne sais pas.
Henri, le plat qu'Yvon aime le plus ? La soupe.
Henri, à quelle heure se lève Yvon ? De bonne heure, vers 6 h 30 ou 7h.
Henri, une chose que fait Yvon et qui t'agace ? Rien du tout, c'est pour ça qu'on s'arrange bien !
Henri, quel est l'apéro préféré d'Yvon ? Le whisky-Suze !
Henri, avec quel artiste Yvon rêverait de chanter ? Il n'a jamais chanté avec d'autre que moi, donc je ne vois personne d'autre.
Henri, quel cadeau ferait le plus plaisir à Yvon ? Une bouteille de Suze ou de whisky, à choisir.
Henri, de quel animal Yvon a-t-il peur ? Des vipères.
Henri, de vous deux, qui a le plus de caractère ? Je ne sais pas.
Henri, combien de chemises à carreaux possède Yvon ? On a le même nombre, 18.
Henri, quand
Yvon ne chante pas, qu'est-ce qu'il fait ? Il bricole, ou il donne un
coup de main pour la cuisine ou pour faire les courses.
Henri, le coin préféré d'Yvon dans l'Argoat ? Botcol, forcément !
Henri, de
toutes vos chansons, laquelle plaît le plus à Yvon ? On en connaît
beaucoup, on en chante certaines plus souvent car on les connaît bien
et qu'elles passent bien, mais on n'a pas de préférence.
Henri, quelle est la principale qualité d'Yvon ? Il est bon chauffeur, de tracteur comme de voiture.
Henri, l'occupation favorite d'Yvon à l'automne ? Il fait comme moi, on entretient les bâtiments.
Henri, où Yvon
va-t-il ranger sa décoration d'officier des Arts et des Lettres ? Il va
la ranger dans un tiroir dans son armoire. C'est le plaisir de l'avoir
reçue qui compte, mais on ne tient pas à faire les vaniteux en la
portant.
Propos recueillis par Laurent LE FUR.
Sources.
« l’Écho de l »Armor et de l’Argoat_ n°3368 du 30 octobre 2013

Joseph Lohou(septembre 2008-mai 2012-novembre 2013-janvier 2018)