L'épagneul breton
De
petite taille, le nez fin, intelligent et d'une ardeur infatigable,
l'épagneul breton est un excellent chasseur, particulièrement pour "la
plume" : premier des chiens de chasse en France, il fait fureur aux
Etats-Unis et en Italie. Pas mal pour celui qui n'était qu'un "chien de
pays" au début du siècle, dans la région de Callac, Côtes d'Armor. Une
histoire recueillie à Bulat-Pestivien, chez les Bourdon, éleveurs
depuis trois générations.
"Le grand-père
Emile a commencé l'élevage au début du siècle. On en élevait ici depuis
la fin du siècle dernier, sans que leur race soit encore reconnue.
C'étaient des "chiens de pays", dont les qualités commencèrent à
intéresser bon nombre de chasseurs. Ils prirent leurs lettres de
noblesse en 1907, avec la naissance du "club de l'épagneul breton".
Signe distinctif dans la race des épagneuls : il est "anoure" -
naturellement dépourvu de queue - (et on la lui coupe aujourd'hui, si
par hasard il en a une...). Dans les années 20, la race commence à
s'épanouir, à s'éparpiller en Europe et jusqu'aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, le nombre de naissances inscrites au Livre des Origines
françaises est d'environ 5000 par an. Blanc et orangé, blanc et marron
ou tricolore, il peut être aussi blanc et noir, sa couleur d'origine,
dont seul le Canada n'accepte encore pas la conformité". Hervé
Bourdon, petit-fils d'Emile, dirige aujourd'hui « l'Elevage de
Cornouaille, mais sa femme Line, enseignante, partage sa passion pour
l'épagneul breton : elle en a fait le sujet d'une maîtrise. » Parce que
"ça fait partie du patrimoine de Callac. Il y a cinq élevages sur le
canton, et ça crée une émulation. C'est un monde particulier, avec ses
compétitions et une commune motivation : la réputation de l'épagneul
breton".
L'Elevage de
Cornouaille - chaque élevage a un nom déposé à la Société centrale
canine - a une moyenne de 80 chiens à demeure, depuis les chiots
jusqu'aux chiens dressés en passant par les "débourrés". A demeure,
c'est beaucoup dire, puisque, outre la préparation de leur nourriture -
viande, céréales et compléments minéraux - le travail le plus essentiel
d'Hervé Bourdon consiste à les éduquer. "Je passe ma vie à sortir les
chiens", résume-t-il. "En février, je pars avec eux dans les plaines
andalouses: temps, gibier et terrain permettent dei préparer les chiens
de compétition dans les meilleures conditions possibles. J'y termine
aussi le dressage de quelques jeunes. Mars-avril, c'est le temps des
compétitions au gibier naturel, en France, en Espagne, en Italie et en
Belgique. On les juge sur leur aptitude à battre le terrain, à arrêter
les oiseaux, et on vérifie qu'ils n'ont pas peur du "coup de feu". En
mai-juin, c'est la remise en route du chenil, et de juillet à
septembre, c'est la vente (les prix sont d'environ 3 500 F pour un
chiot de deux mois et demi, et de 10 000 à 15 000 F pour un chien
dressé. Je les vends jusqu'au Japon et au Canada".
Un joli bonheur
règne sur ce petit monde, où hommes et chiens vivent en harmonie. Les
chiots gambadent dans la maison et jouent avec Marie et Emilie, qui ont
cinq et six ans. "Elles sont contentes, elles vont avec leur papa ;
pour les enfants c'est bien, mais pour les chiens aussi: ça les
sociabilise", commente Line. "Les filles regardent avec amusement les
saillies, et quand un chiot est mort, il est mort. Tout est naturel
ici".
Hélène RABU