Callac-de-Bretagne

Page Retour 



                La Justice d’Ancien Régime

 


L’accusé devant son juge.

Les officiers de justices et leurs auxiliaires

- Le Sénéchal[1][1] , seul juge civil et criminel, présidait le tribunal et jugeait en haute justice. Tous les Sénéchaux des juridictions royales au moins jusqu'en XVIIe siècle furent nobles, après leur office passa entre les mains de bourgeois notables.


Les Procureurs [2]

Le Procureur général du roi représentait la partie publique - office noble représentant direct du roi qui a la charge de défendre devant les juges les intérêts du souverain et de poursuivre les criminels. Il veillait en outre à l'exécution des ordonnances du tribunal : il dressait la liste de ceux qui étaient mal observés et l'envoyait au procureur général du Parlement.
En matière criminelle il ne pouvait procéder que par voie de réquisition et ne pouvait faire aucun acte d'information ni décréter lui-même une arrestation. Le Sénéchal est l'agent mandataire du souverain. Il surveillait les officiers et tous les auxiliaires de la justice, signalant toute irrégularité ou tout acte de prévarication au procureur général.

Historique de la justice d’Ancien Régime –Prisons et enfermement


  • Les justices seigneuriales françaises continuent à fonctionner jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, le plus souvent à la satisfaction générale. Elles connaissent deux principaux domaines d'activité: le traitement de la petite délinquance et les diverses formes de juridiction civile gracieuse. Les affaires considérées comme ressortissant du « petit criminel », quand elles ne s'interrompent pas dès le dépôt de la plainte, sont d'abord traitées selon la procédure prévue par l'ordonnance criminelle de 1670 (procédure inquisitoire), et ensuite, dans la majorité des cas, soit le juge passe à la procédure civile (c'est la «civilisation» de la procédure), soit (c'est le cas le plus fréquent) il intègre à la procédure des pratiques de conciliation qui l'interrompent de fait. Une autre partie des déviances similaires est traitée non pas au « petit criminel», mais dans le cadre des infractions de police. Les justices seigneuriales sanctionnent peu, avec des amendes d'un faible montant: cette mansuétude s'explique par le fait qu'elles cherchent surtout à mener à des conciliations, à contrôler et à prévenir, plutôt qu'à réprimer. Ces manières habituelles de procéder montrent la complémentarité de la justice.

 

  • L'histoire de l'enfermement commence en France au XVIe siècle lorsque François Ier décide d'enfermer les pauvres "marauds, vagabonds, incorrigibles, belistres, ruffians, caymans et caymandeuses" dans de petites maisons. Dès le milieu du XVIe siècle sont également ouvertes, en Angleterre et aux Pays-Bas, des maisons de correction où l'on enferme, pour les corriger et les mettre au travail, vagabonds et petits délinquants.
    Louis XIV, en 1656, crée l'hôpital général, pour rassembler les vieillards, les enfants orphelins et les malades. Des "quartiers de force" sont ouverts pour enfermer les femmes condamnées qui ne peuvent être envoyées aux galères et les pauvres délinquants.
    En août 1670, une ordonnance criminelle énumère quelques pénalités de l'ancien droit : amendes, blâme, châtiments corporels (essentiellement le fouet), bannissement, galères et mort. La prison reste un lieu de sûreté sans être une peine. Cependant, dans toute l'Europe, les institutions d'enfermement et de mise au travail des pauvres se multiplient.


Un exemple de justice à Callac en 1730, un exemple entre mille.

  La Demoiselle DULAC ou du LAC se plaint de ses métayers.


Le 20 mai 1730, Mademoiselle Marie Joseph Du LAC[2], épouse de l’avocat Simon PHARAMUS[3] et séparée de biens de ce dernier, entame une procédure devant la Cour de Callac contre son fermier, Maurice Le GUIADER et sa femme Jeanne GODIN. Ceux-ci tiennent une ferme à Callac, au lieu dit « Le Quen » où ils élèvent plusieurs vaches dont l’une appartient en propre à la propriétaire Marie Joseph Du LAC.

 Ses griefs contre le couple GUIADER visent à résilier la ferme passée entre elle et ses fermiers, attendu qu’ils ne jouissent pas les droits en questions en bon père de famille. 

 La confrontation devant la Juridiction de Callac entre les deux parties se résument ainsi :

 »Ils ne font que ruiner et dégrader la métairie en question en coupant du bois dans les fossés[4]séparant les champs « Rosanforn » et « Rosanfeunten » et en émondant trois arbres …

Qu’ils ne nourrissent point la vache de la Demoiselle Du LAC comme les leurs, qu’ils ne lui donne point de fourrage autant qu’aux leurs, quoyque qu’ils soient tenus de le faire aux conditions de la dite ferme[5]

Qu’ils l’ont mesmes mené à la pâture deux jours après estre vêlée dans le mois de décembre mil sept cent vingt neuf dernier…

Qu’elle est tout prêt à mourir de faim sans que la Demoiselle luy acheta du foin et que le mesme GUIADER lui a proférer à elle et à son mary des injures le vendredi précédent la requête[6] du 20 may…

Les GUIADER contestent en tout point les accusations :

 »Qu’ils n’ont causé aucun dommage, ni dégradation en la dite métairie, non plus que dans les trois arbres en question, qu’au contraire ils ont fait de beaux rejetons…

Qu’ils ont nourri la vache de la Demoiselle comme les leurs et que le sevrage a duré normalement  et qu’ils ne l’ont point mené à la pâture deux jours après la vêlée et qu’il n’est point arrivé de dépérissement à la dite vache…

Qu’ils n’ont point proféré d’injures, ni à son égard, ni à son mary…


Devant le sénéchal et seul juge de la Juridiction de la châtellenie de Callac, Mathurin François de PLOESQUELLEC[7], la plainte de la Demoiselle Marie Joseph Du LAC est rejetée le 19 juillet 1730 :

 « Le sénéchal pour faire droit entre partyes sur le maintien de la ditte Dulac porté par sa requeste…

Ce estre définitivement fait droit entre partyes, pièces et rebail payables par la ditte Dulac sauf répétition.
En définitive, fait et arresté en l’auditoire[8] de Callac et les actes réunis au greffe de jour dix neuf juillet mil sept cent trente.

                            Signé :



L
es archives des juridictions seigneuriales et locales, notamment les judicatures témoignent de la complexité de l'organisation de la justice sous l'Ancien Régime : multiplicité des degrés de juridictions, flou des attributions et complexité des procédures, complexité qui vaut également pour les justiciables de l'époque. Par ailleurs, les officiers des juridictions d'Ancien Régime assurent, la plupart du temps, des fonctions administratives et de police.  


Sources.
AD 22- séries B -Procédures Civiles de la Cour de Callac –cote B193 à 232.
http://www.justice.gouv.fr/



                                                        Joseph Lohou(novembre 2006)
                                                                                                   (Mise à jour nov.2007)



 

[2] Du LAC ou DULAC, Marie Joseph(°ca1710), à la mort de son mari en 1747, se remarie en 1751 avec Jean François du BOURBLANC, écuyer, originaire de Cavan.

[3] PHARAMUS, Simon, avocat au Parlement de Paris, fils de Jean, hôte de Callac et Guillemette Kerancoz.

[4] Fossé, en langage local, on appelle ainsi, non pas les douves mais les talus-Jean Le Tallec-« La vie paysanne en Bretagne sous l’Ancien Régime »-Éditions Keltia Graphic.

[5] Ferme, convention par laquelle le propriétaire d'un droit en abandonne la jouissance à un tiers, pour un temps et un prix fixés.(TLF)

[6] Requête, Acte motivé adressé à un magistrat dont on sollicite une décision gracieuse.(TLF)

[7] De PLOESQUELLEC, Mathurin François(°1694-1758), fils de Pierre et Anne Corentine ALLENO, époux de Charlotte Antoinette SOREAU,  Subdélégué de l’Intendance de 1713 à 1729, Sénéchal de 1726 à 1737.

[8] Auditoire- . Dans les tribunaux, salle où se font les plaidoiries- A Callac, cette salle était à l’époque attenante aux halles sur la place du Martray. (voir l'auditoire de Callac)

 

 

 

© Tous Droits Réservés (Joseph Lohou)