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Callac-de-Bretagne |
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Le Château de Rosvilliou par l’abbé Joseph Sérandour
ROSVILLIOU. - A proprement parler, c'est l'unique château de Duault.
Complété plutôt que remanié, au XVIIème siècle, il remonte, dans sa
partie principale et vraiment originale, au XVIème siècle. On ne peut
préciser les dates.
La première mention de Rosvilliou, à notre connaissance, se trouve dans
la belle verrière de notre église où le donateur Maurice Bahezre est
dit seigneur de Quenquistillis et de Rosvilliou.
D'autre part, le document - Couffon note que "Maurice Bahezre mourut
sans hoir en ligne directe avant le 13 septembre 1624, date d'un
appointement entre ses héritiers".
Les pièces produites permirent au juge d'adjuger le château de
Rosvilliou à la nièce du défunt : Fiacrette Bahezre, épouse de Claude
Fleuriot, car dès le 24 septembre suivant, nous y voyons entrer les
nouveaux propriétaires.
Le premier seigneur de Rosvilliou que nous connaissions, c'est donc
Maurice Bahezre, lieutenant-général de Carhaix depuis 1585. Il était
fils d'écuyer Maurice Bahezre, mort en 1586.
Lequel des deux a bâti le château ?
Ce n'est pas le père, car en 1559, nous le trouvons comme parrain à
Duault et il s'y donne le titre de seigneur de Quenquistillis. S'il
l'avait été de Rosvilliou également, il nous l'eût fait savoir. Son
silence est une preuve, à mon avis.
Nous en concluons que c'est son fils qui a fait construire le château de Rosvilliou.
C'est vraiment une demeure seigneuriale.
Seul pouvait se permettre de la bâtir un seigneur qui est conseiller du roi et son lieutenant-général.
Et d'une !
Reste la date. Sans pouvoir préciser davantage, nous la placerons entre 1585 et 1594, fin du XVIème siècle.
Et de deux !
Est-il
si difficile de distinguer les anciennes parties des plus
récentes ? La patine du temps a rendu semblables et donné la même
apparence aux deux parties, élevées par assises de pierres smillées .
Cependant, la ligne de soudure apparaît nettement à droite de
l'entrée à partir de laquelle se prolonge et se dresse la seconde
partie avec une aile symétrique à la première, mais dissemblable et
différente dans quelques détails. C'est ainsi que la corniche à
denticules a disparu.
L'originalité de ce château, c'est son pavillon central qui émerge de
la toiture et s'élève au-dessus des deux extrémités comme la tête
au-dessus des épaules.
Demeure seigneuriale certes, mais demeure guerrière aussi qui met
flamberge ( ) au vent. Avec ses deux ailes pourtant qui se tendent vers
vous, pareilles à des bras ouverts, elle est accueillante et inspire
confiance. La lucarne de l'aile gauche s'achève en fronton. Un autre
fronton surmonte la porte principale, mais, malgré quelques ornements,
ne saurait passer pour un chef-d'œuvre ni une œuvre d'art.
Ce qui frappe dans Rosvilliou, c'est l'ensemble. Le cadre et le décor,
non seulement soulignent, mais augmentent, accentuent le relief du
château. La grâce du site tempère la sévérité de cette construction de
granit. Avec son parc circulaire et son allée longue et droite comme
une hampe de bannière, ses grands arbres qui bordent la voie d'accès et
de sortie, tels des factionnaires présentant les armes à leur général
et l'encadrant sans l'éclipser, et derrière, vraie toile de fond, la
forêt ! Dites, ô poètes, ô peintres, ô architectes, ô artistes de tout
genre et de toute espèce, si ce n'est pas là une de ces visions
grandioses que l'on ne rencontre que très rarement ! Dans une pareille
perspective, Rosvilliou n'a pas besoin de se guinder pour paraître ce
qu'il est ni pour être ce qu'il paraît : une habitation seigneuriale.
Au pignon de l'aile gauche, des pierres ouvragées dont j'ignore la
provenance : vestiges peut-être d'un ancien et monumental portail ( ).
Plus loin, tout à fait derrière le château, criblé de meurtrières, un
coin délicieux où il y avait naguère des plantes d'essences diverses et
exotiques, aux parfums capiteux : souvenirs du passage de grands hommes
de mer.
A travers cette végétation, on devine à côté une vallée profonde. On
perçoit le murmure d'un ruisseau. On imagine ses méandres capricieux,
ses bonds juvéniles dans la montagne où les attaches sont rares, son
allure nonchalante et ses longues stations dans les prairies où la
fraîcheur de l'herbe et le parfum des fleurs jouent un rôle de sirènes
auprès de cet Ulysse sans vaisseau, sans cire, ni corde ni compagnons.
Un ruisseau n'est guère à imiter, car même quand il arrose, confère vie
et fécondité, il continue de descendre... Pour nous autres humains,
sachons remonter à nos sources, à la fois celtes et chrétiennes. La
belle et vraie vie est un alpinisme et une ascension de tous les jours.
Rosvilliou accueillit Claude Fleuriot et dame Fiacrette Le Bahezre de
Kerfichant, le 24 septembre 1624. Un rude homme de guerre ce Claude,
premier de nom, fils de René V et de Marguerite de Penancoët, sieur de
Kerloët.
Le 8 décembre 1639, il reçut de Louis XIII le collier de l'ordre de St
Michel "en récompense de ses mérites et vertus, et de bons et
d'agréables services qu'il avait rendus à sa Majesté aux sièges de La
Rochelle et de Montauban et autres occasions qui s'étaient présentées,
où il avait donné des preuves de sa valeur".
Il fut convoqué par lettre royale aux Etats tenus à Vannes, le 15
janvier 1643. Il avait épousé le 18 novembre 1623 Fiacrette de Bahezre,
dame de Kerfichant, de Rosvilliou et autres lieux dont les armes
accolées aux siennes se voient sur les vitraux de l'église paroissiale
de Duault.
Leur premier-né, Sébastien 1er, est baptisé à Duault le 5 juillet 1625
et marié le 14 novembre 1650 à Mauricette Le Bigot, fille aînée et
principale héritière de Messire Sébastien Le Bigot, chevalier, et de
dame Marie Arel, seigneur et dame de Kerjégu, de Langle, Lesmabon,
etc...
Avec la châtellenie de Langle située dans la paroisse de Carnoët,
relevant directement du roi, avec ressort à Carhaix, et conférant le
titre de Comte, Mauricette Le Bigot apporta dans la famille Fleuriot
des propriétés considérables qui lui étaient échues de ses ancêtres
maternels, Arel et Lalande, deux des Trente.
Sébastien porta les armes. Il était en 1666 capitaine d'une compagnie
de soixante-quatre gentilshommes de Pommerit-Le-Vicomte. De son mariage
avec Mauricette Le Bigot, naquit Charles-Sébastien qui continua la
branche aînée des Fleuriot de Langle.
Il se maria en secondes noces, le 16 octobre 1711, à Marie-Angélique de
Varennes dont il eut deux fils. Jean-Sébastien, comte de Langle dont
Paul Marie Antoine Marie, chevalier de Langle, époux de Marie-Jeanne de
la Monneraye.
Capitaine de vaisseau, commandant l'Astrolabe et compagnon de La
Pérouse dans ses voyages de découverte, Paul Antoine Mie fut massacré
en 1787 par un naturel de l'île Maouna (groupe Samoa, Océanie).
Survint la Révolution. Le fils de Paul n'avait que sept ans. Il dut
néanmoins filer à l'étranger. Ses biens furent mis sous séquestre, puis
vendus peu à peu.
Une délibération du 27 frimaire an VI, du Comité municipal de Duault,
nous apprend que les bois de Pont-Hellou et Kerfichant forment le
domaine de la veuve Fleuriot de Langle, que celle-ci est décédée et que
les biens dont son domaine est composé, retournent, par l'émigration de
ses enfants, à la République.
Rosvilliou fut vendu (terres comprises évidemment), 361.000 francs.
J'ignore comment et quand il fut racheté. En tous cas, il y eut
toujours des Fleuriot à Rosvilliou tant avant qu'après la Révolution.
Celui que nous avons vu émigrer eut sept fils et deux filles. Sur le
nombre, quatre officiers de marine et un colonel d'artillerie. Ce
dernier mourut à Rosvilliou, sa propriété.
La famille Fleuriot a été une grande bienfaitrice de l'église de
Duault. Après une fondation de quinze cents frs et une souscription de
trois mille frs pour la construction de l'église, elle a, en 1912, payé
la grande bannière paroissiale de St Maudez.
Sur ce bienfait d'un vénérable de quatre-vingt-dix ans, nous quittons
Rosvilliou pour visiter d'autres gentilhommières de Duault (Arch.
paroisse. - Bibl. Bret.)
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