Un contrat de mariage sérieusement discuté en 1696.
Introduction.
Mon
aïeul Vincent Le Dot , fils de Louis et de Catherine Pérennes demeurait
au village de Leindilly en Plusquellec, sur la route menant du bourg à
la croix de Kerthomas, dans une famille de propriétaires aisés. Il fit
une carrière de greffier à la cour de Coatleau. Au décès de son frère
René en octobre 1693, et celui-ci n’ayant eu qu’une seule fille, Anne en 1693,
sa veuve Jeanne Feuvrier se remarie l’année suivante, en 1694, avec
Sébastien Quénech’du.
Le 22ème janvier 1696
Deffence
que Vincent Le Dot, tuteur de la fille mineure de deffunt René Le Dot
de son mariage avec Jeanne Feuvrier, deffenseur en l'action luy intenté
par la dite Feuvrier et Sébastien Quénechdu, à présent son mary, sous
l'authorité de Jan Quénechdu, demandeur en assignation refferé signifié
le vingt sixième jour de décembre dernier (1695).
En
la Juridiction de Coatleau devant Lancien, praticien non suspect et
disant qu'ayant esté institué dans la dite tutelle d'authorité de la
Juridiction de Callac a esté par la dicte Cour que les demandeurs ont
deues se pourvoir par luy pour toutes leurs actions et non pas par
cette Cour pour le dict deffendeur demande son renvoi en celle de
Callac auquel d'autant plus de raison que Monsieur Le Séneschal ne peut
pas ignorer qu'il ne soit parent du dict demandeur et sans toutefois
déroger à la dite demande de renvoy et pour éviter les frais de la
signification que pourront faire les demandeurs le dict deffendeur* veut
bien répondre par précaution à toutes les chefs de ladite demande pour
estre jugé en la Juridiction de Callac.
Vincent
Le Dot, tuteur de la fille Anne du défunt René Le Dot de son mariage
avec Jeanne Feuvrier, défenseur et l’action que fait Jeanne Février et
Sébastien Quénechdu à présent son mari sous l’autorité de Jan
Quénechdu le 26 décembre 1696.
Primo-
Que le deffendeur ne disconvient pas que depuis le décès du défunt Le
Dot, la dite demanderesse ne soit bien fondé à prétendre les intéressés
de la somme* de deux cent livres, réputées immeubles par son contrat de
mariage. Il conteste devoir les dits intéressés autrement que au denier*
vingt et ainsi pour les deux années qu’elle demande, elle ne peut
prétendre que vingt livres* d ‘autant que les deniers représentant un
fond de terre et un fond de terre ne pouvant produire de vente à plus
haut denier que au denier* vingt aux termes de la Coutume* la somme de
deux livres stipulé immeuble à la dite Feuvrier ne peuvent produire
d’intérêt qu’au même denier.
Sur
la seconde chef, on convient encore qu’on doit une assiette pour la
dite somme de deux cent livres, il faut aussi que les demandeurs
conviennent qu’ayant été désigné faite par ledit contrat de mariage sur
Parc Guez Issellaff, toutes les parties lors du dit contrat ont
convenus que le fond était suffisant pour la dite somme et par
conséquent, c’est mal à propos que les demandeurs prétendent
aujourd’hui un supplément vu même que le dit Parc Taiet plus quatorze
livres de jouissance qui vaudrait et excédent toujours les intéressés
des dits deux cent livres quand ils reviendront quatre livres de vente
au dit Parc de ce qui se paye sur la tenue dont il répond.
D’ailleurs
comme il s’agit sur ce chef d’engagement du bien de la mineure dont le
défendeur ou le tuteur et qu’il ne peut parfaire aucun engagement de
son chef sans l'advis des parentz et l'autorité de la justice. Il offre
communiquer auxdits parentz les options que luy donnent les dits
demandeurs et prendre leur advis et délibérations sur icelluy.
Néanmoins,
il faut que dits demandeurs sachent que s'ils ne veulent pas se tenir à
l'assiette leur faite par contrat de mariage, ils ne peuvent prétendre
d'assiette pour les dits deux cent livres de deniers dotaux immobilisés
que sur les acquets d'autant qu'ils ne pourront porter suivant la
disposition de l'article quatre cent vingt sept de la coutume.
Sur
le troisième chef*, l'action donnée par les demandeurs n'est pas
pertinente puisqu'ils savent très bien que tous les héritages de la
mineure, comprise la moitié des acquets et le parc donné en assiette* ne
montent qu'à vingt sept livres seulement et qu'ils demandent pour
douaire une somme de quinze livres. C'est pourquoi, le dict deffendeur
consent volontiers que les demandeurs fassent trois lotties* par offre
qu'il peut choisir l'une et d'égale , les deux autres au défit de la
coutume pour parvenir au lieff? dudict douaire à la charge aux mêmes
demandeurs de rembourser audicts deffandeur le tiers de la somme de
cinquante livres pour les réparations des maisons de la mineure au
désir du marché fait par l'advis des parents du dixième novembre mil
six cent nonante quatre (10 nov.1694) et de trois livres cinq sols pour
copie du dict acte de marché et controlé n'estant pas juste qu'ils
jouissent du tiers des dix maisons sans aussy supporter le tiers de ce
qui couste pour les dicts réparations les maux et les biens demandés
estre supporter par les mesmes à proportion qu'elles profitent, ce qui
est conforme à la loi romaine qui porte que , nihil tam naturalle ost
quam eum sequi commoda quem sequontur incommoda a contario( Rien n'est aussi naturel pour suivre les profits que les pertes qui en découlent et a contrario), laquelle on
dicte que les commodités et les presteurs et incommodité doivent
marcher sur le mesme pied.
Au-dessus
des quelles offres le dict deffendeur conclus à estre renvoyé
d'assignation persistant et son renvoi en la dicte Juridiction de
Callac le tout par dépans sur autres droits réservés.
Signe : Vincent Le Dot;
Signifié
et délivré copie à Maistre Claude Le Maistre le Vieil, procureur aux
dits demandeurs à ce qu'il n'en ignore parlant à sa personne.
Tenues au bourg de Plusquellec les vingt et deuxième janvier mil six cent nonante et six après midiy
Signe :: Fr : Hamon
Notes
M° Vincent Le Dot fs de Louis et de Catherine Pérennes(x 1637)
x Suzanne Cadic 1678 Plusquellec
Vincent
est le tuteur de Anne Le Dot, fille de Jeanne Feuvrier et de René Le
Dot(+1693). Jeanne se remarie avec Sébastien Quénechdu le 06.051694.
Jeanne
était la fille de Jean Feuvrier, tailleur d’habit au village de Porz ar
Roux et de Catherine Le Gac. Elle se marie une troisième fois en 1727 à
l’âge de 54 ans avec un veuf , Pierre Lorinquer, veuf de Moricette Le
Bourhis.
Glossaire(*).
*Somme : placer un capital au denier 20 équivaut à le placer à 5 % (rapport d'un denier pour 20 engagés)
*Def(f)endeur :
L’intérêt d’un terme de procédure. Celui, celle qui se défend contre
une demande judiciaire. Défendeur est opposé à demandeur.
*Livre- Ancienne
monnaie française d'argent.
*Denier : Le denier était la deux-cent-quarantième partie d'une livre d'argent,
*Chef : Terme de
jurisprudence. Du chef, d'où un droit procède. Venir à une succession
de son chef. Il a tant de biens du chef de son père. Il a eu cette
terre du chef de sa femme.
*L'assiette d'un impôt, sa répartition. L'assiette d'une rente, le fond sur lequel elle est établie.
Portion de biens
qui est donnée à une femme par son mari à l'occasion du mariage, dont
elle jouit pour son entretien après la mort de son mari, et qui descend
après elle à ses enfants. Assigner un douaire. Stipuler un douaire.
* Lottir, partage par lots.
*La coutume de
Bretagne est l'ensemble des règles et usages en matière de droit
reconnus en Bretagne sous l'Ancien Régime quoiqu'elle puisse comme
toute coutume être contredite par des particularismes locaux. Elle
appartient à la famille des coutumes de l'Ouest.
Elle s'est
élaborée au fil des siècles jusqu'au moment où l'expérience des "saiges
et bon coustumiers" a été mise par écrit à la fin du Moyen Âge sous le
nom de Très ancienne coutume de Bretagne, avant d'être publié en 1480.
Une version plus moderne a été rédigée avec difficulté sous le nom de
Coutume de Bretagne.
Joseph Lohou (Mars 2011)