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Callac-de-Bretagne |
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Les Chiens Fauves de Bretagne, chasseurs de loups.
Les
notes qui suivent sont empruntées à la correspondance échangée, il y a
plus de vingt ans, avec un veneur[1], alors nonagénaire et dernier
témoin des chasses aux loups faites dans le Finistère par les
compagnons du Révérend Davies[2].
Chiens fauves de Bretagne
Beaucoup
de lecteurs de cette revue [3] connaissent l'ouvrage de ce grand
chasseur de loutres d'outre-Manche, venu chez nous au milieu du dernier
siècle. Il a été traduit par le comte Ronan de Beaumont, suscitant une
curiosité qui s'est manifestée particulièrement vive au pays des
descendants des veneurs pittoresques ci-dessous décrits.
L'auteur,
R. Davies, n'a pas étudié avec beaucoup de précision le type des chiens
qu'il avait sous les yeux. Nous savons seulement qu'ils étaient des
griffons à poil rouge et fort endiablés sur les voies du loup et du
sanglier, ce dernier alors assez rare, beaucoup de marcassins étant la
proie de. « messire leu » (monsieur Loup).
Voici ce qu'étalent, vers 1860, ces chiens fameux par leurs qualités mais aussi leur mauvais caractère.
«
En 1860, nous nous arrêtâmes à Morlaix voir les Saint Prix[3], qui
m'étaient un peu parents. Jean de Saint Prix[4] vint me montrer leur
chenil. Je vis là une vingtaine de chiens poil dur et griffons fauves
qu'il disait croisés, de Saint-Hubert et incomparables dans la voie du
loup, le seul animal que l'on chassait alors, et pour cause. Le
sanglier et le chevreuil étaient rares, les loups se chargeaient d'en
diminuer la production.
•
Davies, parlant du même équipage vers 1854, dit que les chiens étaient
bien à poil dur de 24 à 25 pouces et tricolores. Ils avaient été
croisés de Poitevins, comme on le verra plus loin.
•
En 1870, je retrouvai Charles André François de Saint-Prix, fils de la
comtesse, au siège de Paris[5] et, lui ayant demandé s'il avait
toujours les chiens rouges croisés de Saint-Hubert, admirés chez lui en
1860, il me répondit :
--« Je m'en suis défait, ces chiens étaient intraitables et ne
pouvaient servir que pour chasser le loup qui devient de plus en plus
rare. J'ai vendu tous mes chiens au jeune M.( ?) qui débute, et
les ai remplacés par des Griffons vendéens. »
Mon
vénéré correspondant se montre très sceptique sur le croisement fait
entre le Saint-Hubert et le chien fauve bien qu'un de ses cama¬rades de
chasse[6], auteur d'un ouvrage sur la chasse au loup, assure en avoir
fait grand usage.
Écoutons-le :
«
Mon ami l'a dit sans l'avoir pratiqué qu’il se livra, dans son repaire
de la forêt de X..., à l'élevage. du fauve croisé aven le Griffon
vendéen. À cette époque le nom de Saint Hubert, étant-donné la légende,
son¬nait mieux. Grâce à quoi, il écoula dans l'Ouest des masses de ses
produits, Il était servi à souhait, car la couleur fauve des chiens
qu'il avait achetés à M... se maintenait avec une fixité étonnante.
Disons,
pour interrompre: un moment ce récit, que ce croisement, recommandé par
le comte Le Coulteux de Cantaleu dans son manuel de Vénerie,
donna des produits plus sages, plus arneutables » et aussi mieux bâtis.
il existe une gravure bien connue représentant un trio de ces chiens.
Deux d'entre-deux accusent en tête une forte influence de sang de
vendéen,
Notre veneur continue ainsi :
«
Mon vieil ami de M...avait le cœur sur la main ; il ne vendait pas de
chiens. Il en donnait à tout le monde, mais on s'en défiait dans le
pays, à cause de leur méchanceté.
.
Il
avait exposé à Paris, sous l'Empire, a une des premières exposi¬tions
canines. Il avait obtenu un prix de consolation disaient les mauvaises
langues. Leur conformation défectueuse, le mélange de poil dur et de
poil ras avaient nui à ces chiens près des grands veneurs présidant le
jury à cette époque.
Il
est possible que ce soit à cette époque que Le comte Jean Hector Le
Couteux de Canteleu se soit procuré les chiens de M.( ?).
Interrompons
encore le récit pour observer que le chien fauve très typé figurant
dans la monographie générale du comte de Bylandt[7], provenant du
chenil de M... et du nom de Lourdaud, dut être pho¬tographié lors de
cette exposition ; Ainsi que l'observe mon correspondant dans une de
ses lettres, la structure de Lourdaud est défec¬tueuse dans son dessus
et ses aplombs, et il ajoute :
•
« Pour mon compte personnel, si j'avais eu a me monter en griffons,
j'aurais préféré les chiens du croisement conservant la livrée des
Vendéens et aurais éliminer tous les fauves de mon équipage.
• En voici les raisons :
•
A
la démonte de M..., je me procurai deux chiens et deux chiennes.
J'étais, à l'époque, louvetier de l'arrondissement et chassais deux
fois la semaine dans la forêt qui me touche avec mes grands chiens
Poitevins et avais l'occasion de chasser le loup. Les chiennes fauves
suivaient correctement, mais les deux mâles s’y refusaient,
abandonnaient la meute et chassaient pour leur compte, Ces deux
chiennes chassaient très correctement et j'ai pris des lourdauds avec
elles et mes Poitevins et c'est elles qui les mirent dans la voie du
loup. Je conservai le plus beau des mâles, à cause de sa conformation,
mais, rien n'avait d'influence sur lui. Après avoir lancé, il quittait
la voie quand il était rejoint. Seul, il chassait correctement et avait
beaucoup de nez. Il eût très bien fait l'affaire d'un braconnier.
• Puis un autre :
J'ai
vu les chiens de M... chez moi. Ils étaient très méchants C'était la
terreur de du F(?)quand M.., arrivait escorté de ses vingt chiens.
Découplés, ils se jetaient sur les autres et il y avait des batailles
formidables. J'ai vu, lors d'une chasse au sanglier de F.,, défendre à
M... de découpler, ce qu'il a admis. Mais le sanglier ayant traversé la
rivière, vint passer devant les chiens hardés qui cassèrent les
couples. Au moment où les chiens de F.., sortirent de l'eau, la
bataille commença et la chasse fut perdue.
•
Mais j'ai chassé à P..., chez M..., avec ses chiens. ils étaient
tellement incomparables sur le loup et ne chassaient que nourris
exclusivement de viande de cheval crue.
•
Avec un tel tempérament, on comprend que de tels chiens puissent
faire merveille à la chasse au loup et au sanglier. Il aurait
fallu les assagir par quelque alliance bien choisie, tout en leur
conservant un grand courage et leur mordant A cela, on ne réussit pas
pour deux motifs.
•
L'essai des Anglo-Poitevins qu'on trouvait tout adaptés et qui à
l'essai, donnèrent satisfaction, fit renoncer à entreprendre une oeuvre
de longue haleine.
Mais
surtout, continuait notre bon vieux veneur avec humilité « cause de ces
changements de chiens, dans les cas que je vous ai cités, tenait
uniquement à la dégénération. Ni moi, ni mes amis n'entendions rien à
l'élevage. Aucun de nous ne connaissait les principes et l'art de la
sélection et nous n'avions guère l'esprit de suite. Je m'en rends bien
compte maintenant que je lis tes auteurs ; mais il est trop tard Il
termine enfin en disant que les jalousies entre propriétaires et entre
piqueurs contribuaient à rendre difficiles les échanges en vue de parer
aux inconvénients de la consanguinité.
Puis,
en 1872, la strychnine fit sa première apparition importante.
Rapidement, le nombre de loups décru et, quoiqu'il -y en eût encore
jusqu'en 1886, les rangs en étaient de plus en plus clairs, Ce n'est
guère que dix ans après qu'on vit le sanglier en nombre, le loup
complètement disparu et les ultimes chiens fauves authentiques
dispersés à jamais. Maintenant, ils ne sont plus qu'à l'état de
médiocres Briquets, représentants dégénérés de ce chien au tempérament
extra¬ordinaire Ainsi finissent les races qu'avec un peu de
persévérance et de savoir-faire on conservait, après indispensables
améliorations.
Plus
habiles que nous, nos collègues du Nivernais ont, en ces dernières
années, tiré d'un injuste et long abandon leur griffon à sombre livrée
et de haute initiative aussi, courageux chasseur de sangliers et de
loups s'il en restait. Il y a certaine affinité morale entre les deux
races. Il semble même qu'il y ait eu quelques alliances ; quoi qu'il en
soit, il faut souhaiter longue vie au Nivernais pour le plus grand
bonheur des chasseurs à tir de sangliers, puisque notre Ouest n'a pas
su conserver le gaillard un peu excessif dont le sort nous avait
pourvus. Pour nous consoler, il en est sorti un petit basset endiablé
lui aussi, mais que restent-il de lui, dont il a toujours été
impossible de grouper les éleveurs ?
Ce chien fauve sèmerait-il l'individualisme dont il était saturé ?
Ronan Huon de Kermadec.[8]
Article du Chasseur Français - Août 1947 – communiqué par Jean Pierre RIOU
* Voir : Le Loup
*Les notes sont de la rédaction(J.Lohou)
Notes.
[1]VENEUR,
celui qui mène la chasse à courre ou qui y participe. (Trésor de la
Langue Française) Le terme de vénerie désigne l'activité de la chasse à
courre. Il vient du latin « venari » qui signifie chasser. On parle de
grande vénerie pour une « meute ..
[2]
DAVIES, E.-W.-L (« Otter Davies-loutre Davies), pasteur(révérend)
protestant anglais, boursier au Jésus College à Oxford, licencié en
Lettres en 1833, termine ses études en 1839, vicaire dans le Yorshire
en 1853-1854. L’année où il fut nommé Doyen et qu’il passa son premier
hiver en Bretagne. Auteur des ouvrages « Paul Pendril » et « Darmoor
Days ».
[3] Article du Chasseur Français - Août 1947
[4] TIXIER DAMAS de SAINT PRIX, Jean, (1824-1889 Morlaix, fils cadet de
Charles et de Émilie Barbe GUITON, célibataire.
TIXIER
DAMAS de SAINT PRIX, Charles André François (°1817 Tréguier-1894
Ploujean), fils aîné de Charles et de Émilie Barbe GUITON, lieutenant
de louvetier en titre, capitaine au bataillon mobile de Morlaix en
1870, décoré de la Légion d’Honneur, ami du Révérend
DAVIES,E.W.L. « Bien rarement un lieutenant de louveterie tue un
loup. Il surveille la direction de la chasse, les piqueurs, la brisée,
le découplé des chiens, porte les tireurs, fait son possible pour bien
diriger la chasse, mais, dans ces conditions, il lui arrive bien
rarement de tuer un animal. « J'ai fait tuer devant mes chiens plus de
400 loups dans ma vie, mais je n'en ai tué qu'un seul. » (Lettre de
Charles André François de Saint Prix adressée au Préfet du Finistère en
1878)
[5] Siège de Paris- Le siège de Paris est un épisode de la guerre franco-prussienne de 1870-71.
[6]LE
COULTEUXL de CANTALEU, Jean Hector, (1827 St Martin-+1910), officier de
cavalerie, éleveur de chiens et spécialiste de la chasse à courre.
Auteur des ouvrages : « La Vénerie Française-Paris 1858 » « La Chasse
aux loups » -Paris 1861-
Homme
de Vénerie, grand éleveur. Il est le créateur de la race des Bassets
Artésiens-normands. C'est lui qui a relancé le Saint Hubert dans la
vénerie du second empire en important des chiens des équipages anglais.
Sa meute pour le loup était de sang Vendéen.
[7]BYLANDT de, Henri, belge(GRAAF H.A. van BYLANDT), auteur de l’ouvrage : « Les Races de Chiens ».
[8]
HUON de KERMADEC, Ronan Charles Marie Joseph (°Plouézoch 20.02.1875),
demeurant au château du Rohou, fils de Ronan Marie Urbain et de
Théodora Marie HAUGOUMAR des PORTES.
Joseph Lohou (août 2014)
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