Callac-de-Bretagne

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Nécrologie

 

M. Charles Bodin.(Rennes 1867-1939)

bodin 

M. Charles Bodin, doyen horaire de la Faculté de Droit, chevalier de la Légion d'Honneur est décédé subitement mardi soir en son hôtel de la rue Le Sage à Rennes dans sa 73ème année.
La mort, si soudaine de M. le Doyen Charles Bodin est pour beaucoup d'entre nous, parmi les collaborateurs de ce journal, et parmi ses amis, ses collègues, ses anciens élèves+, plus qu'un deuil, une peine qui atteint le fond du cœur. Elle y éveille les chers souvenirs d'une fidèle et ancienne amitié et la grâce pensée de l'éternité, immuablement présente sous le cours invisible du temps. Il lui eut agréé que ce dernier acte de sa vie exemplaire prit pour nous tous cette valeur d'avertissement et de méditation. Dans son existence d'homme privé et de père de famille, dans son enseignement, dans son œuvre écrite, il a toujours été d'abord préoccupé d'agir et de témoigner pour la vérité. Qu'on me permettre d'appuyer cette affirmative du texte de la lettre même qu'il m'écrivait peu d'heures avant le coup fatal ; quand je la reçus, il n'était plus : "L'Ouest-Éclair" ne devrait-il pas toujours se proposer d'édifier ses lecteurs, ne fut-ce que par son silence, lorsque cela ne peut pas être par son texte ?".
Comprenons bien que pour ce haut esprit tout animé de charité spirituelle, ce vœu suprême embrasse le plus large sens ; aider le lecteur à "bâtir" sa conviction et sa règle de vie sur les éléments d'information digne de foi.


M. Charles Bodin a beaucoup aimé et généreusement servi un journal, dont il fut l'un des fondateurs les plus actifs et les plus dévoués, dès sa jeunesse déjà vouée à la cause de ce catholicisme social dont il vit en son âge mûr s'étendre et s'affirmer les conquêtes. Pendant longtemps, sa tâche de professeur achevée, il consacra bénévolement une partie de ses nuits à la rédaction de notre journal, acceptant même; lorsque cela était nécessaire, les besognes les plus humbles de mise en pages ou correction, tant chez lui, le sentiment du devoir allait volontiers jusqu'au plus exigeant ascétisme. Il n'a cessé sa collaboration assidue à l'Ouest-Éclair qu'au moment où il lui fut permis d'estimer que son aide quotidienne n'était plus indispensable à l'œuvre commune. Il était de ceux qui préfèrent plutôt être à la peine qu'au profit ou à l'honneur. Mais il n'a jamais cessé de s'intéresser à cette grande maison par lui tant servie et si fort honorée. Il lui consacrait encore ses dernières heures, ses derniers travaux, quand la mort l'a surpris, flèche qui vole, invisible et sans bruit, dans la clarté du jour, une mort dont lui furent évitées par faveur divine les craintes et les affres et telles que seuls ont de pas la redouter ceux qui sont toujours, comme l'était Charles Bodin, prêt à l'accueillir.


De plus compétents diront la haute valeur de son enseignement, qu'il a concentré dans ses livres. Il traitait les questions d'économie politique- si disputées, si mal connue- avec une magnifique probité intellectuelle, un vaste savoir, une originalité vraiment rénovatrice. Pour ma part, j'ai la conviction que ses théories, d'une clarté si française, s'imposeront de plus en plus et que le nom de Charles Bodin restera un des noms les plus notables de la science économique française.
Pour nous, qui avons perdu moins un maître qu'un ami, nous nous souvenons avec émerveillement de la diversité de ses dons. Ce journaliste de vocation, ce professeur héritier d'une tradition dont il relevait l'éclat, était aussi le plus passionné des musiciens. Descendu de sa chaire, il montait au pupitre et saisissait avec autorité le bâton de chef d'orchestre. Il montrait autant d'aptitude et de talent à composer de la musique,  si gracieux, si obligeant aux nombreux visiteurs oser de la musique, dont la savante écriture forçait l'admiration des professionnels qu'à rédiger un article de journal ou un traité de droit. La musique lui a donné les plus délicieux délassements, les plus douces joies de sa vie de grand laborieux, joies qu'il s'est évertué souvent, au prix d'extrêmes fatigues, à faire apprécier et partager par le public de sa ville natale, à laquelle il était fort attaché.

Il me faut taire, obéissant à son vœu inexprimé, ses vertus privées, son affection pour ses enfants et ses petits-enfants, si sensible et délicat qu'elle avait quelque chose de maternel, sa charité cachée, son accueil si gracieux, si obligeant, aux nombreux visiteurs -étudiants, artistes-  qui avaient sans cesse recours à lui, à ses conseils, à son patronage. Je me souviendrai en ce point de la réserve presque ombrageuse d'un  cœur qui avait appris de bonne heure à se garder pour une amitié plus haute que celles de la terre.
Mais il ne me permettrait pas de taire son plus haut titre, celui qu'il mit lui-même toujours au-dessus de tous les autres, celui qu'il justifia et glorifia par toute sa vie et qui aujourd'hui et pour toujours le justifia et le glorifia devant Dieu. Il fut, comme son ami et fidèle compagnie de lutte, Emmanuel Desgrées du Lou, un grand chrétien, un ardent promoteur de la justice sociale et de la paix entre les hommes.

La vie de Charles Bodin naît, se déroula et s'achève au pied de la Croix, recevant d'elle sa lumière et sa force, et seul donc, le signe de la Croix, lorsque nous quittent de tels hommes, convient à leur traduire notre adieu.

 

Jean DES COGNETS[1]

 

Journal « L’OUEST-ÉCLAIR » du 9 avril 1939.




[1]COGNETS DES, Jean (15 février 1883 - 19 décembre 1961), est un avocat, écrivain et homme de presse français.
Sillonniste et catholique, il devient l'animateur de L'Âme française en 1917. Il était le directeur du journal L'Ouest-Éclair en 1939.

Sa Carrière.

 

M. Charles Bodin, dont la mort inattendue nous frappe d'une douloureuse stupeur, naquit à Rennes le 19 mars 1867, son père, inscrit au barreau de Rennes, avait été Doyen de la Faculté de Droit comme lui-même devait le devenir plus tard.
Après avoir fait ses études au Lycée de Rennes, il suivit les cours de la Faculté de Droit en cette ville et, ayant brillamment passé aux concours d'Agrégation, il fut attaché à cette même faculté en 1887. C'est en

1890 qu'il devint titulaire de la Chaire d'Économie Politique qu'il occupa près e 40 ans.
Sa carrière fut interrompue, en 1914, par la guerre à laquelle il prit part comme capitaine de réserve d'artillerie. Après 38 mois passés au front, il fut attaché au ministère de l'Armement et termina la campagne à l'État-Major de la 10ème Région. Ses services militaires lui valurent la croix de chevalier de la Légion d'honneur.
En 1919, M. Charles Bodin reprenait sa chaire à la Faculté dont il fut nommé en 1931, le doyen en remplacement de M. Chauveau, fonction qu'il remplit jusqu'en 1934. Il continua d'exercer son professorat pendant 4 ans puis fut nommé Doyen honoraire.
Économiste éminent, M. Charles Bodin, dont le nom fait autorité, a laissé une œuvre considérable. Il ne fut pas seulement un professeur remarquable, dont les élèves appréciaient la solidité et la clarté de l'enseignement; il fut un novateur.

Les principaux ouvrages de M. Charles Bodin sont : "Essai  d'une conception et d'un ordonnancement scientifique de l'économie"(1920) ; Principes de sciences économiques (1921) ; Économie dirigée, Économie scientifique (1932) ; Le Principe du corporatisme en France (1934) ; La doctrine sociale de l'Église et la science économique ; Premiers élément  d'économie, etc. "
M. Charles Bodin a, également exposé sa doctrine dans un très grand nombre de revues auxquelles il collaborait. Nous ne parlerons pas des multiples conférences qu'il a faites et qui étaient suivies par un auditoire d'élites.

M. Charles Bodin  figurait parmi les personnalités les plus marquantes du mouvement social-chrétien auquel il participa activement, et qui fit profiter de son savoir et de son expérience. Il était membre de la commission générale des Semaines Sociales de France.
Notre éminent ami était aussi un grand artiste. Il avait le don et la science de la musique qui procurait  à sa vibrante mentalité les satisfactions correspondant à la noblesse de son âme. Les loisirs que lui laissait le droit, il les consacrait à son art et son talent se manifesta aussi bien dans la critique que dans la composition et l'exécution.

M. Charles Bodin a laissé plusieurs œuvres qui ont recueilli les appréciations flatteuses des initiés et qui ont été souvent interprétées avec succès dans les concerts.
Avec quel dévouement, quel désintéressement il se dépensa pour favoriser le développement de la Musique à Rennes et pour aider les jeunes. Combien d'artistes lui doivent d'être ce qu'ils sont ?
Avant la Guerre, il rénova la Société du Conservatoire de Rennes dont il assuma la présidence et la Direction, et qui, grâce à lui devint une des sociétés musicales les plus florissantes de la Province. La guerre achevée, le Conservatoire de Rennes -dont il était membre de la Commission de surveillance- le compta à nouveau parmi ses collaborateurs les plus solides. M. Charles Bodin prit l'initiative de nombreuses manifestations qui contribuèrent au renom artistique de la capitale bretonne.



OBSÈQUES RENNES.

Vous êtes prié d'assister au convoi et à la messe d'enterrement de Monsieur Charles BODIN, Doyen honoraire de la Faculté de Droit de Rennes, chevalier de la Légion d'honneur.

Décédé le 8 août 1939, en son domicile, 19, rue Le Sage, à Rennes, dans sa 73ème  année, muni des sacrements de l'Eglise, qui auront lieu le vendredi 11 août, à 10 heures, en l'église paroissiale de Notre-Dame de Rennes.

On se réunira à la maison mortuaire à 10 h. 45.  L'inhumation aura lieu au cimetière du Nord.

De la part de M. Jules. Prigent, Conseiller à la Cour de Rennes, et Mme J. Prigent, M. Ed. Bodin, Administrateur-Directeur de la Banque de Bretagne, et Mme Ed. Bodin. M. Pierre Artur, Directeur général de L'Ouest-Eclair», et Mme Pierre Artur et ses enfants :

MM. Yves et Jacques Prigent. Mil» Annick Prigent. MM Michel et Bruno Bodin Mlle. Monique, Claude. Catherine. Brigitte. Marie-Claire et Camille Bodin.

 

MM André, Gilles  Olivier, Yves. Daniel, Patrick. Jean-Pierre et Philippe Artur. Mlles Françoise et Odile Artur, ses petits-enfants.
Mme Marion-Le Bastard, sa belle-sœur; M. et Mme Mallet, M. et Mme Revilllod, M. et Mme Liart.

Mlle Odette Marton-Le Bastard. M. et Mme Xavier Marion-Le Bastard, ses neveux et nièces.

Des familles Jenvrin. Le Bastard, Delàcour. Foret et Macé, de Mlle Maria Huchet, et de toute la famille.

Priez Dieu pour lui.

Ni fleurs, ni couronnes.

Le présent avis tient lieu de faire-part.



Joseph Lohou (juillet 2015)