Page
Retour
Dans
les années 1850, Joachim Gaultier du Mottay, entreprend d’écrire une
géographie du département des Côtes-du-Nord. Dans ce dessein, il est
encouragé par le ministre de l’Instruction Publique et des Cultes
de l’époque, Gustave Roulaud, qui rappelait les avantages qu’il y
aurait à enseigner dans les écoles publiques des éléments de la
géographie locale.
Aussitôt, Gaultier du Mottay, correspondant de L’Instruction
publique à St Brieuc, rédige un formulaire en 36 questions
envoyé, fin 1859, aux instituteurs du départements par
l’intermédiaire de l’Inspecteur primaire des Côtes-du-Nord, Joseph
Rousselot. A la réception de ce questionnaire, les instituteurs, devant
l’ampleur de la tâche, y répondent avec plus ou moins d’enthousiasme. A
Bulat, c'est l'instituteur en place qui rédige quelques pages, dont
celle qui suit ci-dessous :
Bodeillo
Le village du Bodeillo et son étang.
"Le Bodeillo est une terre seigneuriale qui appartenait, il y a déjà
plus d’un siècle, à la famille noble de Combout [1], famille qui a
laissé après elle une forte mauvaise réputation. Les Combout dit-on,
n’usèrent de leur puissance que pour maltraiter leurs colons par leur
brutalité, que pour les ruiner par leurs vexations, semblable à cet
anglais (Roger Davy [2]) dont nous avons parlé, ils faisaient gémir
leurs malheureux serfs. Pour comble de malheur, il naquit dans cette
famille douze frères qui, parvenus à un certain âge, ne semblait
s’occuper que de rapts, de viols et de rapines. Nul frein ne les
retenait si ce n’est la voix de leur mère, qui, parfois réprimait la
fougue de leurs passions. Ni le jour, ni la nuit, ni chez elles, de sur
les routes, les femmes n’étaient à l’abri de leurs attaques. Leur mère
qui avait conservé sur eux de l’ascendant, en usait heureusement pour
protéger les familles.
Elle avait un pavillon à Bulat où elle refermait ses fils en attendant
les offices d’où elle ne les faisait sortir pour venir à l’église
qu’après que le peuple y était entré. De même encore, elle ne les
permettait de quitter le temple qu’après que les fidèles s’en étaient
allés. Maintes fois, elle fit dire aux mères de familles de veiller sur
leurs filles, de prendre garde à elles quand elle laissait sortir ses
fils ; c’est pour cela qu’on lui prête les paroles suivantes : « Gardez
vos poules, car je vais lâcher mes coqs ».
Que les honnêtes gens durent, sans nul doute, souhaiter mille fois d’en être délivré !
Ils le furent enfin, soit par la mort ou par la guerre, on l’ignore, et
à eux succédèrent d’autres seigneurs, dont la mémoire ou encore
aujourd’hui est en vénération.
La terre de Bodeillo, est située à environ trois kilomètres de
Bulat, sur la droite du chemin qui conduit à Guingamp. Cette terre est
environnée de belles prairies, de bois taillis, d’un moulin et d’une
jolie pièce d’eau. La maison seigneuriale est un logis assez simple,
mais ses dépendances, ses avenues autrefois plantés sont bien. Ces
biens passèrent on ne sait comment à la maison du Cludon de Plougonver.
Ces nouveaux possesseurs en jouirent jusqu’au moment de l’émigration.
Ils en jouirent de manière à les faire entériner et ainsi à attirer sr
eux la bénédiction de nos ancêtres.
Les seigneurs du Cludon, le dernier du nom, M. Le Marquis
du Gage [3] n’exerça jamais envers ses serfs de droits d’eux( ?) s’il
en était quelques-uns. Pour preuve de sa bonté, on assure qu’il se
hâtait de réparer les torts que lui ou les siens causaient à la chasse,
qu’il indemnisait ses colons de la perte qu’ils éprouvaient et parfois
des excuses…"
Notes.
[1] Combout (de), famille noble originaire de Querrien(22)
[2] Davy, Roger, capitaine anglais marié à Jeanne de Rostrenen(1363)
[3] Cleuz(de), Jacques Claude, marquis du Gage et de Cludon.
Joseph Lohou (14 sept. 2012)