Callac-de-Bretagne

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                Mémoire à consulter(Affaire M° Yves Le Baron)

 Une lettre anonyme adressée aux Bénédictins de Quimperlé, seigneurs de Callac vers 1784 ou 1785.

 

Une lettre collective des officiers de justices de la juridiction de la Cour de Callac voulant attirer l’attention des Bénédictins de sainte Croix de Quimperlé, leurs seigneurs, sur le comportement hors normes de leur sénéchal.

 

« Messieurs les bénédictins de Quimperlé, Seigneurs de Callac sont mécontents du Sieur Le Baron, leur sénéchal ; mais, de tous les traits de ce juge, qui fondent ce mécontentement, et dont ils pourraient ici former le tableau, ils se bornent à en rassembler  trois qui suffisent pour le caractériser.

  1. Il y a environ deux ans que le sieur Le Baron, dans l’ivresse se servit successivement d’une épée, d’un couteau de chasse, d’une broche et d’un couteau pour attenter à la vie du sieur Le Gars alors greffier et de son épouse, qui demeuraient dans l’en bas  de sa maison. La femme du sieur Le Gars fut atteint d’un coup d’épée au seing ; le sieur Le Gars fut lui-même blessé, l’un et l’autre auraient péri, si, à l’aide de quelques autres, ils n’avaient réussi à désarmer le sieur Le Baron. Ils en portèrent leur plainte à la Cour qui commis les juges royaux de Carhaix pour informer des faits et juger. L’information y fut faîte ; elle était concluante et le sieur Le Baron fut condamné, par pure modération, à 100 livres de dommages et intérêts et aux dépends de l’instance. Ce jugement a été exécuté par le sieur Le Baron, comme on peut le prouver par l’extrait sous seing privé passé entre lui et  ses accusateurs, mais le greffier en traitant avec lui sur l’exécution du jugement ne le flatta pas d’étayer par cette demande l’autorité du sieur Le Baron. Il le connaissait implacable dans son inimitié ; il se décida par cette raison à sous affermer ses greffes.
    Le sous fermier[1] qui vient à force de constance et de supplication à se faire admettre aux fonctions de greffiers, ne tarda pas à éprouver la tyrannie de son juge et pour s’y satisfaire subrogea le sieur Le Coquil dans la sous ferme. Ce dernier éprouva aussi bientôt les mêmes disgrâces mais d’une manière plus fâcheuse.

  2. Trois ou quatre mois après l’époque de sa sous ferme, deux décrets de mariage se présentent à faire dans l’absence du sieur Le Baron. Le Coquil, pressé par les parties, sollicita un ancien avocat de statuer sur les délibérations des parents : les deux décrets furent expédiés. Le sénéchal de retour, Le Coquil l’instruisit : il devient furieux : il força Le Coquil de lui payer les vacations des deux comparants, vacations qui avaient déjà été payées à l’avocat commissaire. Il fit plus, saisissant un ouvrage qu’il n’avait point encore fait, il arracha des mains de Le Coquil le registre qu’il tenait, déchira les deux décrets fait en son absence et enveloppa dans cette rupture un troisième qui était de son propre fait. Le procureur fiscal, ayant trouvé au greffe le registre des actes en lambeaux déchirés, en a rapporté état. Le Coquil lui déclara que le sieur Le Baron était l’auteur de la rupture. Il en récita les circonstances ; il indiqua les témoins et sur l’envoi fait pour le procureur fiscal[2] au substitut de M. Le Procureur Général du procès verbal rapporté, le sieur Le Baron a été décrété par la Cour. Il a même subi interrogatoire et la Cour est aujourd’hui en état de s’excuser.

  3. Il a commis un 3ème délit tout récent aux Généraux Plaids[3] de la Juridiction de Callac tenus le 13 août dernier, les prochains furent publiquement fixés au 19 novembre suivant et sur la foi de cette fixation qui a existé sur le registre jusqu’au 12 novembre, différents acquéreurs ont fait procéder à des bannies pour parvenir à appropriements et assignations aux créanciers sans prétendre de comparaître à l’époque du 19 novembre pour s’opposer à la certification des bannies.
    Mais à l’audience du mercredi 12 novembre, le sieur Le Baron, ayant déclaré à tout le barreau, qu’il voulait renvoyer les plaids au 26 du même mois sans qu’aucun agrée la proposition et lui ayant été au contraire objecté par le Procureur fiscal qu’il avait connaissance de bannies afin d’appropriements[4] qui portaient assignation au 19 novembre. Il arriva à l’issue de cette audience que la fixation au 19 novembre fut falsifiée et portée au 26. L’un des officiers qui avait procédé aux bannies fut mandé par le sieur Le Baron qui lui dit avoir porté la fixation des plaids au 26 ; il engagea à faire la même déclaration sue ces bannies, ce que le sergent refusa de faire. Le sieur Le Baron, avant le déjeuner le même jour à Callac, apprit à l’un des procureurs de la Juridiction qu’il venait de faire le changement dont on vient de parler et lui recommanda de rappeler au sergent de changer sur les bannies l’assignation du 19 au 26.
    Quelques jours après le procureur fiscal, instruit du fait, en fit rapporter le procès verbal par un ancien avocat.

      Ce procès verbal a été adressé à Monsieur le Procureur Général.
Cependant, le sénéchal,  contre toute attente arrive à Callac le 19 novembre, instruit du procès verbal rapporté, il tint les plaids et reconnut publiquement que l’altération avait été faite sur son ordre. Il fit aussi publiquement remettre la fixation dans son premier état, c’est-à-dire au 19 novembre.

Sur l’un des appropriements, l’officier chargé de procéder aux bannies qui demeurait à Carhaix et qui avait apprit que les plaids devaient se tenir le 26, ne se trouva pas le 19 novembre pour certifier les bannies.
Depuis le 19 novembre, un particulier a demandé le retrait lignager[5], un créancier s’est opposé.
Le conseil voudra bien expliquer si les procureurs de Callac sont en droit de demander la destitution de leur sénéchal et comment il faut procéder.

Le procureur fiscal de Callac n’était-il pas en honneur, tenu de faire constater le faux ?

N’était-il pas blâmable s’il ne l’avait pas fait ?… »

 

 

Sources.
AD22-série H- article 406. Seigneurie de sainte Croix de Quimperlé.

                                                                                                                                                                  

                                                                             
Joseph Lohou(octobre 2006)



[1] Ferme, fermier -Convention par laquelle le propriétaire d'un droit en abandonne la jouissance à un tiers, pour un temps et un prix fixés.(TLF)

[2] Procureur fiscal - Officier de justice chargé du ministère public dans les juridictions seigneuriales.

[3] Plaids-Au plur., vieilli. Audiences du tribunal en province ou dans les juridictions inférieures. (Dict. XIXe et XXes.).

[4] Appropriement -mode de transfert des propriétés, terme usité en Bretagne.(TLF)

[5] Retrait lignager -Action par laquelle un parent du côté du vendeur pouvait reprendre, dans un délai fixé et sauf remboursement, l'héritage vendu`` (LITTRÉ).

 

 

 

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