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Tribunal de
Guingamp- Audience du 13 avril 1848
A
Guingamp.
Du
treize avril mil huit cent quarante huit, Audience publique
tenue par Monsieur de Kergrist, Président, Bocher et
Ollivier, juges.
Présent
: M. Gouin, commissaire du Gouvernement poursuivant
l'audience.
Contre
:
Yves
Le Bars, âgé de 32 ans, époux de Catherine Le Roux,
laboureur né à Maël-Pestivien, demeurant à Duault et
Christian Le Bail, âgé de 53 ans, époux de Marie Anne
Steunou, né à Pestivien, demeurant à Maël-Pestivien,
inculpés de rébellion, détenus.
A l'appel de la cause, M. Le Commissaire du
Gouvernement a exposé l'affaire ; les pièces ont été
lues par le commis-greffier. Les témoins ont été
auditionellement (sic) et séparément entendus en leurs dépositions.
Le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité
ayant été préalablement prêté par eux. Les prévenus
ont été interrogés. M. Kermarquer, avocat, défenseurs
des prévenus a fait valoir les moyens de défense de ses
clients et demander à ce qu'il plût au tribunal
de renvoyer Christophe Le Bail hors procès,
d'appliquer à Yves Le Bras le bénéfice des circonstances
atténuantes. M. le Commissaire du Gouvernement a ensuite résumé
l'affaire et conclu à ce que les deux prévenus fussent
condamnés chacun à trois mois de prison et à une amende
par application des articles 209, 212 et 218 du code pénal.
Les dits prévenus ont encore été entendus en leur moyen
de défense, puis le tribunal ayant délibéré le Président
a prononcé le jugement suivant :
Considérant que des divers documents du procès
ressortent les faits suivant :
Le cinq avril, jour de marché à Callac, divers
individus, entre autres, Yves Le Bras disaient dans la foule
que désormais l'on n'était pas obligé de payer le droit
de place puisqu'il n'y avait plus de maître. Yves Marie Le
Lorinquer, chargé de percevoir le droit mentionné
s'adressa à Christophe Le Bail qui refusa de payer pour
l'emplacement d'un sac de blé. On alla prévenir le sieur
Lancien, adjoint au maire de Callac, qui chercha à
persuader le récalcitrant ; mais celui-ci persista dans son
refus. Alors l'adjoint dit à un nommé Jacques Marie Le Roy
de porter le sac de Le Bail à la mairie. Le Roy ne l'eut
pas plutôt posé sur ses épaules qu'on vit se lever un
grand nombre de bâtons qui tombaient sur le sac et sur
celui qui le portait. Le Bras porta au sieur Lancien un coup
de manche de fouet sur la tête et le renversa. Le Bail le
saisit au collet. Le Bras s'en prit ensuite à M. Le
Vaillant et lui porta avec son manche de fouet un autre fort
coup sur la main gauche. Il le poursuivit jusqu'à la
demeure de l'hôtelier Thomas et chemin faisant, il porta
aussi des coups à un sieur Jouan. Le Bail, a de son côté
porté un coup de pied à un gendarme qui aidait à
maintenir l'ordre. Le sieur Lancien n'est adjoint de la
mairie de Callac que depuis très peu de temps et il est
appris que quand il se présenta dans la foule pour donner
des ordres, il n'avait point d'écharpe. Les prévenus
maintiennent qu'ils ignoraient sa qualité d'adjoint.
 |
Le
marché de Callac vers 1900 |
Considérant
que des faits ci-dessus, il résulte de suffire que les prévenus
Le Bras et Le Bail, dont le premier était armé d'un manche
de fouet, ont résisté avec violence et voie de fait à un
préposé à la perception des taxes ou du moins à ceux
qu'il a requis de l'assister dans sa perception, au nombre
desquels se trouvait un gendarme ; qu'ainsi ils se sont
rendus coupable de délit de rébellion prévu par l'article
209 et par l'article 212 du code pénal ; que de plus Le
Bras en se reportant à des excès à l'égard des sieurs Le
Vaillant et Jouan s'est rendu responsable des peines portées
par l'article 311 du code mentionné, combiné avec
l'article précité 212, attendu qu'en cas de conviction de
plusieurs délits, la peine la plus forte doit être seule
appliquée ;
Considérant aussi que
la Cour présentant des circonstances atténuantes ;
application doit être faite des dispositions de l'article
463 dernier paragraphe du code mentionné.
Par ce motif,
Le
Tribunal condamne 1°, Yves Le Bras à trois mois de prison,
2°, Christophe Le Bail à quarante cinq jours de la même
peine, le tout en vertu des articles précités qui ont été
lus par le Président et sont ainsi connus :
Article 209. "
Toute attaque, toute résistance avec violence et voie de
fait envers les officiers ministériels, les gardes champêtres
ou forestiers, la force publique, les préposés à la
perception des taxes et contributions, les porteurs de
contraintes, les préposés des douanes, les séquestres,
les officiers chargés de la police administrative ou
judiciaire agissant pour l'exécution des lois, des ordres
ou coordonnateur de l'autorité publique des mandats de
justice ou jugements, est qualifié, selon les
circonstances, crime ou délit de rébellion"
Article 212. " Si la rébellion n'a été
commise que par une ou deux personnes avec armes, la peine
est comprise entre deux mois à deux ans de prison, si elle
a été faite sans arme, d'un emprisonnement de dix jours à
six mois.
Article 311. " Lorsque les blessures ou les
coups n'auront occasionné aucune blessure ou incapacité de
travail de l'espèce mentionné en l'article 309, le
coupable sera puni d'un emprisonnement de deux jours à deux
ans et d'une amende de seize francs à deux cent francs ou
de l'une des condamnations seulement. S'il y a eu préméditation
ou guet-apens, l'emprisonnement sera de deux ans à cinq ans
et l'amende de cinquante francs à deux cent francs"
Article 483. dernier § " Dans tous les cas la
peine de l'amende et celle de l'emprisonnement sont prononcées
par le Code pénal, si leurs circonstances paraissent atténuantes,
les tribunaux correctionnels sont autorisés même en cas
(?) à réduire l'emprisonnement même en dessous de six
jours et l'amende même au-dessous de seize francs. Ils
pourront ainsi prononcer séparément l'une ou l'autre de
ces peines et même substituer l'amende à l'emprisonnement,
sans qu'en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peins
de simple police."
Condamnons aussi les mêmes Le Bras et Le Bail
solidairement aux frais liquidés à la somme de cent trente
cinq francs cinquante centimes, enregistré (?) retrait et
significations du présent jugement outre, le tout par corps.
Ainsi jugé et prononcé publiquement.
Signent : Ollivier, Bôcher et de Kergrist
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