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La
lutte antireligieuse dans le District de Rostrenen en 1794
Un peu d’histoire. La Convention.
» Le 21 janvier 1793 le roi Louis XVI est guillotiné. A Paris, au
lieu de s'unir pour rédiger une constitution, les
conventionnels se divisent et se déchirent : Girondins
contre Montagnards. Les républicains mais d'esprit modéré,
en souffrent. Ils estiment que la Révolution est finie et
qu'il s'agit de donner de bonnes lois et une sage
constitution pour retrouver le calme et la prospérité.
Dans ce sens ils envoient des adresses à la Convention.
Les Montagnards accusent les Girondins de " Fédéralisme
" Le 2 juin 1793 sous la pression de la Commune de
Paris, la Convention vote l'arrestation de 22 députés
Girondins et nombreux sont ceux qui fuient Paris pour
rejoindre leurs provinces. Les administrateurs des Côtes-du-Nord
protestent et s'insurgent. L'épuration commence.
Le Directoire du district de Rostrenen est renouvelé, de
nouveaux juges sont nommés.
A la fin de septembre 1793 est organisé un Comité de
surveillance de douze membres. Il devra surveiller "
avec l'oeil le plus exercé" l'éxécution des lois et
sévir contre les suspects.
La France est en
guerre avec tous les pays voisins, sauf la Suisse. Pour
faire face est appliqué avec rigueur le système des réquisitions.
La première est celle des vases d'or, d'argent et de cuivre
des églises qui feront " la solde des défenseurs de
la patrie ". Suivent les réquisitions des cloches, des
étoffes et des tailleurs, des cuirs et des cordonniers, des
bourreliers, des blés, avoines et pailles, des chevaux …
Les cultivateurs acceptent mal de livrer grains et fourrages
à bas prix, certains les cachent ou ne les offrent
qu'" au marché noir ".
Pour triompher des ennemis de l'extérieur et de l'intérieur
la Convention met en place un comité de Salut Public et la
Terreur est à l'ordre du jour. Les administrateurs du
district, la société populaire, le comité de surveillance
donnent leur appui. La chasse aux " fédéralistes
" reprend.
La Convention organise une sorte de religion civique : le
Culte Décadaire. Chaque décade les citoyens sont convoqués
à l'église : on lit le bulletin des lois, on prononce des
discours, on chante des hymnes. Administrateurs, municipaux,
enfants des écoles sont tenus d'être présents mais la
grande partie de la population reste indifférente voire
hostile.
Le 8 juin 1794 est célébrée à Paris la fête de l'Etre
Suprême qui paraît marquer le triomphe de Robespierre. La
même fête a lieu le même jour à Callac. Les tambours
battent la générale. Au matin les
tambours réveillent les citoyens. Rassemblés autour
de l'arbre de la Liberté les participants chantent la
Marseillaise. « « (Wikipedia)
Les recommandations antireligieuses du District.
A
l’instigation de l’agent national, Pierre Joseph Fercoq,
le registre de délibération de la commune de
Botmel-Callac reçoit et inscrit le curieux texte suivant :
« Extrait
du registre des délibérations du Directoire de Rostrenen.
Séance permanente et publique du onze
germinal de l’an II(31 mars 1794), tenue par le citoyen
Bouliain, président, Fercoq, Le Bourhis, Gilbert et Le
Roux, administrateurs.
Présent. L’agent national qui a dit :
« Le fanatisme n’est pas détruit, quoique déjà il
ait coûté beaucoup d’hommes, méfiez-vous, il peut être
la circonstance menace, étudiez-là, lisez dans les œuvres
, calculez l’avenir et craignez de nouveaux troubles dans
l’intérieur, tous les enfants de la Patrie sont égaux à
ses yeux, la liberté du culte est exécutée et la Nation
n’entend pas privilégier aucune. Tous les meubles des édifices
nationaux appartiennent à la Nation et il n’appartient
pas à certaines communes de se conserver des propriétés
nationales pour l’exercice de son culte.
Je requiers donc que vous joignez à toutes les municipalités
de votre ressort, notamment celle de Duault dont le curé
est absent, de remettre tous les effets en or, argent,
cuivre, plomb, étein(ain), fers qui se trouvent dans les églises
et chapelles comme faisant partie des biens nationaux.
Le Directoire, prenant en considération le réquisitoire de
l’agent national, persuadé que le charlatanisme des prêtres
à seul causé tout le retard que les municipalités
apportent à l’envoi de l’argenterie de leurs églises
et chapelles qui sont déclarés par le Loi propriété
nationale ; persuadé que les bons habitants de la
campagne s’aperçoivent, depuis longtemps, que la religion
consiste en vaines simagrées ; que la pantomime du prêtre,
source perpétuelle de la destruction du genre humain,
n’ont été inventé que par esprit de domination et
d’un service avarice( ?), insiste que les municipalités
redoublent d’efforts pour prémunir quelques esprits
faibles et à se tenir en garde contre les insinuations
perfides de leurs prêtres, à dénoncer les manœuvres
et les discours par lesquels ils tenteraient de séduire
les citoyens de ses recteurs sous un joug oppressif du culte
dominant et les invitent pareillement à ne faire aucune
recette d’argenterie pour un culte auquel plus des trois
quart des citoyens ne sont plus attachés où qu’ils
pratiquent que par une fausse honte.
Le registre dûment signé et collationné. Signé A. L. Mahé,
secrétaire.
Le citoyen Fercoq, agent national a ensuite fait une
remontrance qu’il a réuni par écrit sur le bureau et en
a requis l’enregistrement.
Suit la teneur de la remontrance de l’agent national :
»Citoyens, le temps est arrivé où le charlatanisme
doit céder à la Raison, où l’homme vraiment pieux doit
sentir que le principe de sa religion n’est pas fondé sur
les vaines simagrées dont se servent les prêtres pour
fasciner nos yeux. Chaque être porte dans son cœur sa religion et le Tout-Puissant en souffrant la contrariété
des cultes s’est réservé dans sa justice de donner à
tous les hommes son souffle de grâce pour qu’une seule
porte de félicité soit ouverte.
Ainsi tous les êtres dans leurs cultes différents sont
tous uniformément agréable au Créateur par la grâce qui
les attire.
Pour que la Religion ne soit donc un prétexte de division
et de l’éloignement entre les hommes, Citoyens, il faut
faire disparaître de la surface de la terre, de la liberté
de toute espèce de culte public et dominant. Que le seul
patriotisme, en assurant le bonheur de tous, soit désormais
leur seul cri de ralliement. Que le siège de la Raison
soit, à l’avenir, le seul temple où nous puissions, en
nous réunissant, imprimer dans notre cœur
le saint amour de la liberté et de l’égalité sur
lesquels sont fondées les bases d’une constitution qui
doit à jamais faire le bonheur des français.
Il est temps, Citoyens, de prouver à tout être raisonnable
que la Religion naturelle à l’homme consiste, que dans la
pratique des Lois, dans le respect de la vieillesse pour nos
parents, dans la charité pour nos semblables, dans
l’amour de son devoir et dans la haine de ce qui est
nuisible au bien d’autrui.
Il est temps de démontrer que le sacerdoce, fruit d’un
esprit de domination et de sordide avarice, a été de tout
temps, en tout lieu et jusqu’à nos jours, une source
intarissable de discorde, de division et de destruction pour
le genre humain. L’heure est sonnée, citoyens, frappons
de grands coups, écrasons ce colosse d’une puissance
spirituelle qui n’a de consistance que dans l’opinion et
qui tel que ces fantômes créés par notre imagination dans
les ombres de la nuit, se dissipent aux premiers rayons de
la lumière.
Que chaque citoyen, bornant sa religion à l’idée qu’il
s’est faîte de la connaissance des grandeurs et des
bienfaits de l’Etre Suprême, exerce librement,
paisiblement et dans le retraite de son habitation, l’espèce
de culte qu’il s’est adapté pour la satisfaction des
mouvements de son âme et qu’il apprenne qu’il ne faut
pas exclure de la société tous ces êtres raisonnables
auxquels il a plut au Tout-Puissant de donner comme amour,
une connaissance de ses grandeurs et de ses bienfaits ;
mais en leur laissant pour ainsi dire chercher du caractère
sur la pénétration et l’admiration de ses grandeurs.
Pourquoi faudrait-il les répudier, les molester, les haïr
et les mépriser ?
La nature nous parle pour eux par un
mouvement de fraternité, ferions-nous un ridicule effort
pour l’étouffer ? Non.
Cependant, c’est ce que nous faisons en continuant
l’exercice d’un culte public et dominant. En écartons
le règne de la Raison et l’établissement de son culte.
Avec ces justes observations, je ne doute pas, Citoyens, que
vous n’allez vous empresser d’arrêter :
-
en premier lieu, qu’il ne sera plus
exercé en cette commune de culte public et que le ministre
qui l’exerce sera invité de cesser toute fonction.
- en second lieu, que tous les vases, effets d’ornements
qui existent, tant dans cette église que dans les chapelles
de la commune seront transférés au district après
l’inventaire que nous ferons dresser par des commissaires.
- en troisième lieu, que vous allez prendre des précautions
pour assurer un lieu de repos aux citoyens qui rendront,
passé ce jour, le tribut de la mort, et désigner entre
nous ceux qui devront accompagner les convois.
-
En quatrième lieu, arrêter qu’à la
prochaine décade, il sera ouvert un temple à la Raison et
fixer le lieu où se développeront ses principes.
-
En cinquième lieu, enfin dire qu’à
l’avenir les Décrets et les Lois ne seront plus publiés
et expliqués que dans les jours de décade et fêtes de la
Raison au lieu qu’il vous plaira encore d’indiquer à
cet effet et a signé. Fercoq.
Joseph Lohou(juillet 2006)
Sources.
AD22- série L- cote 15 L 1 –Registre des délibérations de
la commune de Callac.
FERCOQ, Pierre Joseph(°Botmel 1762-Nantes 1829)
– Article de J.Lohou paru en juin 2001-Cahier du Poher
N°6-pages 43 à 46.