Callac-de-Bretagne

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Dans l'ajonc, tout est bon



L'ajonc a tenu une place importante dans la société traditionnelle.
C'était, en fait, une plante semée comme les autres


L'ajonc des légendes

La floraison quasi continue des ajoncs en Bretagne ne pouvait avoir qu'une origine miraculeuse : pendant que Dieu faisait les fleurs les plus belles, le Diable s'appliquait à la réalisation d'un chef-d’œuvre : une plante qui n'était qu'une accumulation de longues épines vertes. Ému par tant de méchanceté, le Bon Dieu déclara qu'en compensation, cette plante fleurirait toute l'année. Une version du Cap-Sizun affirme que le Diable se désespérait de ce que les Bretons allaient tous directement au paradis. Il s'en plaignit à Dieu qui lui accorda de prendre les âmes quand l'ajonc ne serait pas en fleurs. Le Diable attendit... longtemps. Alors il planta des vignes autour de la Bretagne, ouvrit des cabarets, enivra les Bretons sur le chemin du paradis et put enfin remplir l'enfer !

La peur des espaces « improductifs », propagée par les agronomes du XVIII' siècle et diffusée par tous les tenants du « progrès » au siècle suivant, était d'abord due à leur aveuglement sur l'originalité du système agricole breton. Personne ne veut vraiment voir qu'on est « dans le cas de paysans qui cultivent de l'espace inculte », comme l'a justement dit l'historienne Annie Antoine. Difficile d'imaginer que l'ajonc était semé ! Mais c'était une culture dont on pouvait profiter pendant une quinzaine d'années...

Des champs d'ajoncs

C'étaient de vieilles femmes sans ressources qui récoltaient, en été, les gousses ovales et velues. Elles secouaient les pieds les plus vigoureux des ajoncs au-dessus d'un drap ou d'un parapluie. On battait les gousses et on séchait les graines au soleil.
Au milieu du XIX' siècle, un vétérinaire,    Jean Marie Éléouet, précise que « lorsque la graine d'ajonc est destinée à être semée dans une terre à lande, on la mélange avec du seigle et les semailles se font dans le courant d'octobre ; quand elle est cultivée sur les talus, elle se sème seule et dans tous les temps de l'année ».
L'ajonc est une légumineuse qui peut capter l'azote atmosphérique et sa croissance est rapide. On doit donc se faire à l'idée que, pendant des siècles, ce sont de véritables champs d'ajoncs qui constituaient une partie de ce que nous appelons des landes.

Ajonc à tout faire

L'ajonc était coupé avec une faucille, en s'aidant d'une petite fourche, mais aussi avec une faux spéciale, plus courte, ou une sorte de houe nommée étrèpe. On broyait l'ajonc avec un pilon dans une auge, ou avec de grosses meules en pierre (on peut en voir une au bourg de Guiclan et une autre au Huelgoat, près du Fao). Des hache-lande en métal furent utilisés à partir de 1850.

Quand il vieillissait, l'ajonc offrait un bois très apprécié pour faire la cuisine. Un boulanger pouvait acheter au moins 5.000 fagots d'ajonc chaque année. Un bon travailleur faisait ses cent fagots dans la journée. Il s'activait de décembre à avril. On disait que le chant de la grive draine, entendu au cœur de l'hiver, pouvait se traduire par : « Coupe de l'ajonc, fais des fagots / II va neiger, tu verras » (« Troc'hari  lann, fagodifi / Erc'h a ray, gwel't a ri »).

L'ajonc des landes, mélangé à la bruyère et aux graminées, constituait la base de la litière qu'on mettait dans les étables
pour produire un fumier de qualité. C'est sous cette forme que son usage se maintient dans les monts d'Arrée.
L'ajonc a été la base d'un système équilibré d'élevage en Bretagne pendant plusieurs centaines d'années. On notera que presque jamais il n'est fait mention de « mauvaise récolte d'ajonc », « d'ajonc gâté » par la pluie, la sécheresse, le gel ou la grêle ! Il y avait là un important facteur de sécurité, pour les agriculteurs et le secret de la qualité de beaucoup de leurs productions équines et même de leur beurre. On utilisait aussi l'ajonc pour couvrir les réserves de légumes-racines (betteraves), bien isolées auparavant par une couche de fougères. On note même la présence d'ajonc tassé servant d'isolant derrière des cloisons, sous des lambris ou des planchers. Tout récemment, cet usage a encore pu être constaté dans les plafonds d'un bâtiment du XVII' siècle, à Morlaix.

 FRANÇOIS DE BEAULIEU.
 

Pour en savoir plus :

Un site : http://www.ecosociosystemes.fr/iandes.html
              www.bretagne-vivante.org
              Tél : 02. 98. 49. 07. 18.
 Le Télégramme du 6 février 2014.







  Joseph Lohou (février 2014 )