Callac-de-Bretagne

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Des Talents de Détective.


Lettre à un voleur de poules. 4 janvier 1893.

   " Mon cher Laurent,

Dimanche dernier, premier de l'an, on m'a encore volé deux belles poules, vers 9 h 1/4 du soir. Est-ce vous qui êtes le ravisseur ?

On m’a  dit de bonne source que l'on vous a vu non loin de Bez-ar-Soudardet à 8 heure 45, dimanche au soir ; vous reveniez de Toul-ar-C'houibet et de Lesmabon où vous vous trouviez vers 8 h 1/2. Apparemment la route directe de Lesmabon à Kerviou n'est pas par Bez-ar-Soudardet ; mais c'est bien la voie directe pour venir au cimetière de Duault, à travers champ quand on ne veut peut-être passer par aucun village ni être vu de personne, et seriez-vous rentré au jardin du presbytère par la brèche faite au mur du côté ouest ?

Le voleur  de mes poules a été parfaitement entendu marcher et a été parfaitement aperçu de la cuisine par ma nièce et la servante qui venaient d'entrer au lit. Le voleur a fait deux voyages dans la cour. Elles ont entendu marcher dès la première fois, elles se sont levées pour appeler le garçon, et lorsque le voleur sortit pour la seconde fois, les filles l'ont parfaitement aperçu : il avait votre taille et votre dégaine, et portait une veste en velours, habit pareil, m’a-t-on dit, à celui que vous portiez ce soir-là. Etait-ce bien vous ?

C’est drôle enfin qu'on ait pu manger du poulet à côté de chez vous. Toutes les poules, me dit Charles hier, furent mangées chez lui lundi ; il ne resta des poules rien pour le lendemain.

D'où sa mère a-t-elle pu, la pauvre femme, avoir ces poules à manger ?

Je vous réitère la défense d'entrer au presbytère lorsque vous serez bu, sous prétexte de vous expliquer avec moi pour toute autre raison. Lorsque vous ne serez pas ivre, arrivez me voir et nous nous expliquerons.

Je garde copie de cette lettre et vous salue en recteur et çy aussi.
Votre dévoué.

François Colin, recteur de Duault."


Notes.
Ce récit extrait de "L'Histoire de Duault" de l'abbé Joseph Sérandour est révélateur de l'esprit de l'époque où le recteur d'une commune était un personnage très influent, vénéré mais également craint de tous. François Colin fut recteur de 1878 à 1907, né à Coatréven en 1835, il avait donc 58 ans à l'époque des faits. Son voleur, vraisemblablement, Laurent Le Gall, originaire de Locarn, ouvrier agricole, avait 22 ans en 1893.
Dans le texte, le recteur parle d'un lieu appelé " Bez-ar-Soudardet" qui signifie Le tombeau des soldats et qui ne figure dans aucun lieu-dit de la commune.

Autres personnages du récit : Anne Yvonne Ropars, né à Tonquédec, 42 ans, cuisinière, Pierre Joncour de Duault, 33 ans, le garçon  domestique.

Il faut également remarquer les curieuses tournures de phrases du Trégorrois recteur Francçois Colin !


 


 

    

Joseph Lohou (avril 2012)

                                                          

 

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