Lettre de Vincent Van Gog à son frère
Mon cher frère,
Merci de ta bonne lettre et du billet de 50 francs qu’elle contenait.
Puisque
cela va bien, ce qui est le principal, pourquoi insisterais-je sur des
choses de moindre importance, ma foi, avant qu’il y ait chance de
causer affaires à tête plus reposée, il y a probablement loin. Les
autres peintres, quoiqu’ils en pensent, instinctivement se tiennent à
distance des discussions sur le commerce actuel.
Eh
bien vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux. Mais
pourtant mon cher frère, il y a ceci que toujours je t’ai dit et je le
redis encore une fois avec toute la gravité que puissent donner les
efforts de pensée assidument fixée pour chercher à faire aussi bien
qu’on peut — je te le redis encore que je considérerai toujours que tu
es autre chose qu’un simple marchand de Corot, que par mon
intermédiaire tu as ta part à la production même de certaines toiles,
qui même dans la débâcle gardent leur calme.
Car
là nous en sommes et c’est là tout ou au moins le principal que je
puisse avoir à te dire dans un moment de crise relative. Dans un moment
où les choses sont fort tendues entre marchands de tableaux d’artistes
morts et d’artistes vivants. Eh bien, mon travail à moi, j’y risque ma
vie et ma raison y a fondré (sic) à moitié — bon — mais tu n’es pas
dans les marchands d’hommes pour autant que je sache, et tu peux
prendre parti, je le trouve, agissant réellement avec humanité, mais
que veux-tu ?