Callac-de-Bretagne

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La Première Victoire de la Résistance (SAMWEST)


Après le 6 juin 1944, parmi les évènements qui marquèrent l'histoire de la Bretagne, figurent en bonne place les combats des maquis de Saint-Marcel (18 juin) et de Coat-Mallouën-Saint-Conan, dit de Plésidy (24 juillet), en général connus du Grand Public. On parle moins de ceux de Duault (12 juin), et on à tort, non seulement à cause de l'antériorité chronologique du fait, mais aussi en raison de sa haute valeur symbolique du point de vue historique, à l'échelle nationale.

Le Parachutage des SAS à l'aube du 6 juin 1944 :

Nous sommes le 5 juin 1944 entre 22 h et minuit. Sur tous les aérodromes anglais, les parachutistes SAS (Spécial Air Force) s'engouffrent dans les appareils dont le vrombissement fait vibrer l'air ambiant de la campagne anglaise.
A bord de ces avions Stirling, tête de l'armada aérienne, figurait le premier Stick (équipe), commandé par le lieutenant Marienne, qui atterrit à Plumelec, à l'ouest de Malestroit. Le second, dirigé par le lieutenant Botella, quitta la chaleur du bombardier et se lança dans le vide alors qu'on survolait Locarn. Il était environ 1 h 15. Un troisième Stick, (le lieutenant Deschamp et ses 8 hommes) devait quitter l'avion un quart d'heure plus tard.
La mission des SAS est double. D'une part, il s'agit de mener des actions de harcèlement sur les arrières de l'ennemi avec pour but de fixer ou d'entraver le déplacement des 7 divisions allemandes identifiées en Bretagne. D'autre part, le général Koening, chef des FFI depuis mars, leur a verbalement recommandé d'essayer de provoquer une levée massive de la Résistance et de constituer des unités organisées, encadrées et armées.

Premiers Contacts avec la Résistance :

Après s'être regroupés à l'ouest des gorges du Coron, les 18 parachutistes, firent la connaissance d'un premier élément de la Résistance locale, en l'occurrence, Georges Ollitrault. Il était suivi comme son ombre par Georges Niemann, parachutiste allemand de la division Kreta, déserteur, dont le père avait été fusillé par la Gestapo.
Puis ce fut la rencontre avec d'autres combattants FTP qui contrôlaient pratiquement cette région Callac / Maël-Pestivien / Peumerit / Quintin, et dont la population était totalement acquise à leur cause. Enfin, ils reçurent la visite de responsables de la Résistance Locale.
L'affaire se présentait donc beaucoup mieux que prévu : Il y avait bien une Résistance en Bretagne ! Aussi, le radio de Botella, le capitaine Devize put-il envoyer un message demandant de l'armement pour plus de 2 000 patriotes.
À partir du 8 juin, deux nouveaux "Sticks" furent parachutés dans la nuit du 9 au 10 : 45 hommes commandés par le capitaine Le Blond. Un dernier renfort arriva dans la nuit du 10 au 11 juin comprenant 50 hommes.

115 Parachutistes :

Ce 11 juin, l'effectif de la base "Samwest" était de 115 parachutistes et trois "Jedburgs" sous le commandement du capitaine Le Blond. Les 10 et 11 juin furent employés à organiser la défense de la base, correspondant maintenant à la forêt de Duault.
Le capitaine Le Blond, même avec le renfort d'une trentaine de FTP du maquis "Tito" qu'il incorpora, ne disposait pas d'une force suffisante pour constituer un point d'appui fermé.
Aussi se résolut-il à faire contrôler les voies d'accès par de petits postes de 8 à 10 hommes, gardant en réserve une force de 25 hommes prêts à intervenir en tous points immédiatement.
Deux parachutages d'armes et de matériels eurent lieu, et les paysans avec leur charrette aidèrent au transport des lourds containers. Il fut impossible d'imposer les ordres de discrétions et d'empêcher la visite de nombreux curieux, encore moins des gestes de fraternité.

Rencontre Inopinée :

Le 11 juin vers 21 h, des militaires allemands égarés se présentèrent à la ferme de Ker Hamon pour y demander un renseignement. Ils tombèrent nez à nez avec des parachutistes et francs-tireurs venus au ravitaillement.
Ici deux versions des faits s'affrontent.
Selon certains, les Allemands auraient essuyé des coups de feu déclenchés par les Français et auraient eu un blessé, ce qui ne les empêcha pas de s'enfuir en voiture.
D'après un témoin oculaire, tout le monde aurait été surpris par cette rencontre inopinée et personne n'aurait eu le temps matériel de faire usage de son arme.
Le fait est qu'aucune détonation ne fut entendue par les défenseurs de la base, et que la ferme ne fut ni évacuée, ni mise en état de défense, comme cela aurait été le cas s'il y avait eu un accrochage.
Vers 9 h le lendemain 12 juin, les Allemands revinrent en force (trois camions chargés d'une quarantaine de fantassins). Après échange de coups de feu au cours duquel un FTP et un parachutiste furent tués, les assaillants firent prisonniers les fermiers qu'ils rouèrent de coups, mirent le feu à la ferme et jetèrent dans le brasier, le parachutiste Very, qui n'était que blessé.
Manifestement, il s'agissait là d'une opération "classique" de représailles menée par des troupes anti-maquis, qui ignorait l'existence à proximité, d'une base de parachutistes SAS.
Des Francs-tireurs et parachutistes assistèrent de loin à cette scène d'horreur, n'attendant qu'un signal pour intervenir en force et venger leurs camarades.

Le Combat du 12 juin :

Le capitaine Le Blond, après des hésitations autorisa la riposte. Parachutistes et FTP rencontrèrent les Allemands à proximité de la lisière de la forêt et engagèrent le combat en bénéficiant de l'effet de surprise. Une partie des Allemands remonta dans les véhicules en tentant de regagner Saint-Servais avec leurs otages. Ils furent stoppés par les maquisards qui mitraillèrent les camions et libérèrent les prisonniers dont les fermiers.
Les Allemands, forts de leur expérience des combats, ne tardèrent pas à se reprendre et tentèrent une manœuvre d'encerclement par le sud. Quatre fois les soldats allemands montèrent à l'assaut et furent à chaque fois repoussés avec des pertes sensibles.
Le combat se poursuivit vers Saint-Servais. Des renforts arrivèrent du sud et se heurtèrent aux postes placés aux entrées des chemins d'accès qui les tinrent en respect. Mais à partir de midi, la pression de l'ennemi s'accentua et les premières pertes, morts et blessés furent à déplorer.
Le capitaine Le Blond, craignant l'encerclement, décida de disperser la base par petits groupes vers 14 h. L'opération d'évacuation fut déclenchée, avec comme rendez-vous un point situé à 16 km au sud de Sérent (Morbihan), d'où on pourrait rejoindre la base "Dingson".
Ils y parvinrent le 18 juin, quelques heures seulement avant l'attaque allemande du maquis de Saint-Marcel. Le combat de Duault se poursuivit jusque vers 18 h.
À ce moment, les Allemands décrochèrent, reconnaissant de fait leur échec. Les FTP restèrent donc maîtres du terrain, ce qui constituait une indéniable victoire. Ils se virent confier les 3 blessés SAS intransportables et les 13 tonnes d'armes, de munitions et d'explosifs.

L'Armement des Maquis :

Le Commandant Pichouron alerta aussitôt les responsables des maquis de la région : Callac, Saint-Nicolas, Trébrivan, Bourbriac, Guingamp et Squiffiec. Tout le monde accourut chercher à Duault les armes et les munitions tant désirées, souvent en camions, malgré les risques de mauvaises rencontres.
Ce fut d'ailleurs le cas pour un véhicule, sur lequel une patrouille allemande ouvrit le feu et qui explosa, tuant cinq des occupants du maquis "Valmy". Seul le conducteur G. Jouan, grièvement blessé, parvint miraculeusement à s'échapper.
Ce n'est que le 18 juin, soit près d'une semaine après le combat, que l'armée allemande, échaudée, se décida à revenir sur les lieux. Des milliers de soldats ratissèrent consciencieusement la forêt, utilisant même les lance-flammes.
Pour la première fois, une unité de la Wehrmacht s'était trouvée aux prises avec une troupe bien armée, bien entraînée et déterminée, formant en quelque sorte un amalgame entre des éléments parachutistes SAS et, en fer de lance, des FTP du maquis Tito extrêmement actifs dans cette zone du département. Résultat : elle avait subi un échec cuisant.
Le combat de Duault fut donc la première victoire, sinon la seule, de la Résistance après le débarquement.
La rage des Allemands fut à la mesure de cette amère constatation. Ils se vengèrent sur la population civile qui, ils le savaient, avait aidé maquisards et parachutistes.
Cela coûta la vie à 15 personnes tuées sur place, ou exécutées après tortures au Bois de Boudan en Plestan, et dont les noms figurent à juste titre, sur une stèle du monument de Duault, à côté de ceux des 4 parachutistes, des 5 FTP et des 4 du maquis "Valmy", morts au champ d'honneur.

De Duault à Coat-Malouen :

Quelques parachutistes restèrent sur place. Ils allaient jouer un rôle majeur, dans la ligne de la mission stratégique qui leur avait été assignée, au sein des différents maquis et centre de Résistance dans cette partie du département. Leurs connaissances en firent de bons instructeurs pour les maquisards en quête de cadres qualifiés.
Quant aux trois résistants gravement blessés : André Botella, Jean Lasserre et Eugène Faucheux, ils furent transportés dans l'ancien repère des "Tito" à Kerchariou, transformé rapidement en infirmerie avec l'aide des habitants de Maël-Pestivien.
Georges Le Cun les confia aux soins des docteurs Renan puis Rivoalen chirurgien de Guingamp, qui opéra Lasserre sur place, à même la terre battue. Leur confrère Le Breton de Bourbriac, assura les soins journaliers aux blessés qui se rétablirent. C'est à Kerchariou que Dathanat de l'armée secrète (AS) demanda à Botella de donner l'ordre à Jean Robert de prendre le commandement d'un maquis à l'Étang-Neuf-Coat-Mallouen en Saint-Conan.
Un maquis connu sous le nom de "Maquis de Plésidy" qui, après avoir résisté à une attaque allemande le 27 juillet, joua un rôle majeur dans la libération de Guingamp, le 7 août.



Annexe 1


Le dimanche 18 juin 1944  au matin, Henri Larvor, mon cousin germain qui  habitait  Restellou  me propose une sortie à vélo dont j'ignore au départ la destination. J'avais alors 14 ans et Henri 20 ans, nous sommes arrivés au village de Kerhamon où se répandait encore, 6 jours après les combats du lundi 12 juin, les odeurs de fumée et de poudre. Henri installe son appareil de photo et déclenche automatiquement pour obtenir ce cliché devant la Peugeot 202 de l'armée allemande détruite et brulée par les combattants FTP et parachutistes de SAMWEST.
 Nous repartons dare-dare en vélo vers Restellou, sans rencontrer âme qui vive et en ne disant mot aux parents d'Henri.
Plus tard, Henri s'établira à Callac comme photographe, remplaçant Louis Courbières,  originaire de  Bessières  (31 066), arrivé à Callac vers 1922.


Joseph Lohou(juin 2012-juin 2014)
                                                          

 

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