Callac-de-Bretagne



Page d'Accueil



Page de Retour

 


Quelques rappels sur la Révolution de 1830       

Les Trois Glorieuses (1830)


Hippolyte  LECOMTE
Révolution de 1830- Combat de la rue de Rohan.

 

La Loi électorale de 1820 instituera le double vote permettant au quart des Français les plus riches de voter deux fois. La Restauration, qui n'aura de cesse de restreindre la démocratie, mettra en place une censure très sévère à partir de 1824, après la prise de pouvoir de Charles X et des ultras. Dans le même temps, les émigrés dont les biens avaient été vendus sous la Révolution seront indemnisés à partir de 1825, grâce au vote de la loi dite du "milliard des émigrés" imposée par les ultras.

Le prince de Polignac, chef du gouvernement et chef de ces ultras, deviendra très impopulaire. Il dissoudra la Chambre qui lui était devenue hostile en 1829. La nouvelle Chambre sera encore plus rebelle que la précédente. Le gouvernement, incapable de faire adopter ses lois par les voies légales, aura recours à l'article 14 de la Charte de 1814 lui permettant de procéder par ordonnance. La modification du cens électoral et nouvelle législation sur la presse seront ainsi promulgués en 1830. Ces deux ordonnances, parmi d'autres, seront à l'origine des "Trois Glorieuses" qui mettront Paris en ébullition les 27-28-29 juillet 1830. Charles X abdiquera assez rapidement, évitant ainsi un bain de sang.

Ces journées révolutionnaires aboutirent à la suppression du droit naturel pour la succession du roi. La branche cadette des Bourbons, celle d'Orléans accèdera ainsi au pouvoir. Louis-Philippe deviendra roi des Français et non pas roi de France.
La Charte de 1814, sera révisée. Elle retirera au roi l'initiative des lois et supprimera les ordonnances. On supprimera la pairie héréditaire, sans abolir l'institution. Le cens sera abaissé à 200 francs pour élire et à 500 F pour être élu. Le nombre des électeurs sera ainsi doublé sans pour autant élargir de manière notable le corps électoral. Un français sur cent soixante-dix participera à la vie politique par le biais des élections.

Le pays sera secoué par plusieurs mouvements. L'agitation anticléricale tentera de faire passer en jugement les ministres du gouvernement Polignac. Paris, en 1832 et 1834, ainsi que Lyon, en 1831 et 1834, seront le théâtre de troubles syndicaux très importants. Les légitimistes se rassembleront autour de la duchesse de Berry qui débarquera en Provence, en 1832, et tentera de gagner la Vendée, sans succès. Louis Napoléon Bonaparte, auteur de tentatives de soulèvement dans les garnisons de Strasbourg, en 1836, et de Boulogne, en 1840, sera fait prisonnier et enfermé au fort de Ham. Le roi échappera à plusieurs d'attentats, dont celui de la "machine infernale" de Fieschi".

Les associations seront encadrées et les rassemblements publics interdits à partir de 1835. Pour contourner cette loi, les opposants suivront les enterrements civils de certains d'entre eux qui se transformeront en manifestations publiques. Les fêtes de famille et les banquets serviront également de prétextes aux rassemblements. La campagne des banquets, à la fin du régime, se déroulera dans toutes les grandes villes de France.

La crise agricole de 1846 et ses répercussions sur l'économie sonneront le glas de la monarchie de Juillet.


L'enquête du Procureur du Roi dans le département des Côtes d'Armor.

    Au début de novembre 1830, soit trois mois après les évènements de juillet, le procureur du Roi dans les Côtes du Nord adresse à tous les juges de Paix des cantons une circulaire générale. Celle-ci demande aux juges désignés par l'administration départementale, l'influence et l'état d'esprit de la population après les  évènements des trois journées de juillet. On lira avec intérêt,  la réponse ci-dessous du juge de Paix du canton de Callac, Arthur VISTORTE[1]. La lettre adressée au Procureur porte un jugement assez condescendant sur les paysans du canton qu'il nomme "campagnards" et qu'il juge désintéressés de la politique. De même pour la personne qu'il dénomme à tort M. LILLADAM, en réalité Joseph Toussaint Charles VILLIERS de L'ISLE ADAM[2], prouvant ainsi qu'il ne connaissait qu'imparfaitement la population du canton. 

    S'agissant des deux maires révoqués après le mois d'août 1830, dont le juge VISTORTE ne cite les noms, l'un est pour Callac, le notaire Yves Pierre Benoît DELAFARGUE[3](1778-1837), l'autre nous est inconnu. DELAFARGUE sera remplacé pendant un an par un négociant, Charles DESJARS, qui fort occupé par son commerce, démissionnera l'année suivante, laissant Yves Pierre Benoît DELAFARGUE reprendre son mandat jusqu'à sa mort en 1837.
L'évêque cité dans la lettre est Mathias GROING de LA ROMAGERE, évêque des Côtes-du-Nord de 1819 à 1844.

En résumé, le procureur du Roi n'a aucun souci à se faire, tel que cela transpire dans l'esprit de la lettre ; le juge de Paix VISTORTE veille sur son troupeau avec un souci permanent, il ne sera pas pris en défaut !

    



Notes.

[1] Arthur Charles VISTORTE,(1785-1857), fils d'Antoine Marie Noël Julien VISTORTE de BOISLÉON et Thérèse ANFRAY. Nommé juge de Paix du canton de Callac le 17 novembre 1819, il restera en place jusqu'au 14 novembre 1843, soit pendant 24 ans. Nommé à la Roche-Derrien en 1843 dans la même fonction, il y  décèdera en 1857 à l'âge de 72 ans. Son frère, François Antoine VISTORTE, maître-arpenteur, s'établira à Callac en épousant en 1823, Cécile Louise EVEN, fille de Joseph Laurent EVEN, maire de Callac.

[2] VILLIERS de L'ISLE ADAM, Joseph Toussaint Charles( 1802-1885), personnage étrange qui  consacra sa vie à la recherche de secrets dans les archives et de trésors dans ce sol breton qui devait receler à la fois des trophées archéologiques et les butins cachés par les Chouans. Marié en 1837 à Marie Françoise LE NEPVOU de CARFORT de Saint Brieuc, son fils Jean Marie Mathias  VILLIERS de L'ISLE ADAM(1838-1889) devint un  célèbre écrivain.

[3] DELAFARGUE, Yves Pierre Benoît, fils de Jean Julien et de Marguerite MERLE, d'une vieille famille callacoise d'origine du Gers, Conseiller d'arrondissement en 1821, maire de Callac de 1831 à1830 et de 1831 à 1837. Resté célibataire malgré une promesse de mariage en 1799 avec une demoiselle de Plusquellec, Marie Françoise LE BONHOMME.


 

    Callac le 18 novembre 1830

       
Monsieur Le Procureur du Roi

     Je viens de recevoir votre lettre du 14 courant et je m'empresse d'y répondre.
L'esprit des habitants du canton de Callac est bon sans être exalté. Les campagnards occupés uniquement de leurs travaux se mêlent peu de politique, ou pas du tout. Je ne connais, dans les neufs communes qui composent le canton, aucun meneur, ni aucun turbulent, si ce n'est Mr. Lilladam, habitant Maël-Pestivien qui pourrait, peut-être bouger, comme il le fit jadis, mais qui ne serait pas écouté n'ayant aucun crédit et passant pour un fou.

Lors de la révolution des 27, 28 et 29 juillet plusieurs habitants notables vinrent me trouver et me demandèrent ce que cela signifiait et s'ils devaient revoir les jours malheureux de 93 ; je les rassuraient. Ils me demandèrent ensuite si on leur laisserait leur foi ( C'est l'expression dont ils se servaient). Je leur dis qu'on la respecterait et que la religion serait même protégée ; et là-dessus mes interlocuteurs s'en allaient satisfaits et tranquilles.

    Il ne m'est rien parvenu qui puisse faire soupçonner que MM. les ecclésiastiques du canton travaillassent même sourdement contre le gouvernement établi, et il est à ma parfaite connaissance qu'ils se comportent avec la plus grande prudence et qu'ils suivent ponctuellement les ordres de leur Évêque.

    Pour des mécontents ostensibles, je n'en connais aucun. Les deux maires révoqués le seraient-ils ? Je ne m'en suis pas aperçu.

    De faux bruits répandus pourraient-ils troubler la tranquillité ? non, le peuple avant de s'inquiéter même aurait recours aux conseils et ils en auraient de bons.

En un mot, Monsieur, je puis assurer que l'on ne peut guère trouver de sujets plus soumis, plus respectueux et plus tranquilles que ceux du canton de Callac.

                                                Je suis avec respect, 

Monsieur le Procureur du Roi, 

                Votre très Obéissant Serviteur.
                                                                                                              A. Vistorte, Juge de paix

                                                                                       


Notes
AD22- série U -cote 3 U 2.                                            

                                                                 Joseph Lohou(octobre 2005-mars 2017)

 



© Tous Droits Réservés (Joseph Lohou)