Recensement, dénombrement
Préface
Nous vous
présentons dans ces quelques pages un instrument de
recherche déjà traité
dans notre bulletin à la rubrique " J'aborde la généalogie".
Ce moyen apparaît parfois fort méconnu des néophytes et débutants
en généalogie et un petit rappel est quelques fois nécessaire.
La littérature concernant ce sujet est nombreuse et variée,
nous nous limiterons donc, pour notre part, à une approche
non exhaustive du sujet.
Définitions.
Le titre de l'article semble ambigu dans l'énoncé,
recensement et dénombrement, deux noms
presque synonymes à quelques variantes près.
·
Recensement :
C'est une opération administrative qui consiste en un dénombrement
systématique de la population humaine vivant sur un
territoire donné, à une date donnée.
·
Dénombrement :
a)Aveu qu'un vassal était tenu de faire à son seigneur
b) autre
nom du recensement utilisé au 19e siècle.
Le
recensement est une photo aussi précise que possible de la
population à un moment donné, mais il y a toujours des
erreurs possibles, par exemple entre le moment ou le
recensement commence et où il se termine. Il y a ceux qui déménagent
au cours de cette période, ceux qui naissent, ceux qui
meurent, ceux qui immigrent, ceux qui émigrent. Bien sûr,
on essaie de tenir compte de ces mouvements, mais il y a
quand même une marge d’erreur.
Historique.
La pratique du recensement est née avec l'émergence
des États souverains, elle est donc très anciennes et les
historiens la situe en Égypte, Assyrie et la Chine déjà
5000 ans avant notre ère. Chez les Hébreux, le double dénombrement
d'Aaron et de Moïse donne son nom à un des livres de la
Bible "Les nombres" :
"Faites le relevé de toute la communauté des
enfants d'Israël, selon leur famille et leur maison
paternelle au moyen du recensement nominal de tous les mâles
comptés par tête. Depuis l'âge de 20 ans et au-delà,
tous les israélites aptes au service, pour les classer
selon leur régime… ( L'Ancien Testament, Livre de Moïse.)"
« En ce temps-là parut un édit d’Auguste
ordonnant un recensement de toute la terre…
« Ce premier recensement eut lieu pendant que
Quirinus était gouverneur de la Syrie…
« Tous allaient se faire inscrire, chacun dans
sa ville…
( LUC, V2-
La naissance du Christ)
Certains historiens, toujours critiques lorsqu'il
s'agit d'analyser les hommes du pouvoir et avec parfois une
certaine justesse dans l'énoncé, donnent la définition
suivante des objectifs du recensement :
Objectifs :
La guerre
L'impôt
L'ordre
La science.
Plus
près de nous, en France, il faut citer l'état des
paroisses et des feux de 1328 demandé par Philippe VI de
Valois. Ce document
célèbre est le premier texte qui donne une estimation
globale avant l'épidémie de peste de l'an 1428. Citons également
les 1er recensements modernes au Québec (1665),
en Islande(1703), en Finlande(1743) et en 1790 pour les USA,
puis en 1801 en Angleterre et en France. Dans ce dernier
pays, le recensement est mis au point par Jean Chaptal et
Lucien Bonaparte et instauré par Napoléon 1er
en 1801.
Pour la France après 1801, le recensement est
effectué tous les 5 ans, de 1801 à 1826, il consiste à
une simple évaluation de la population départementale. A
partir de l'année 1836, commence alors le recensement
proprement dit, celui qui peut intéresser les généalogistes.
Nous avons connu depuis, 33 recensements toutes les années
en 1 et en 6, sauf en 1871(fait en 1872), 1916 et 1941.
Cette périodicité régulière, appelée intervalle
intercensitaire a été abandonnée à la fin de la
seconde guerre mondiale, 1946, 1954, 1962, 1968, 1975, 1982,
1990 et 1999, le 33e. Ce dernier recensement a
fait l’objet d’un article spécial dans la rubrique
« J’aborde la Généalogie » de notre bulletin
de liaison « Généalogie 22 » n° 46 en avril
2000 ; ce texte écrit par Madame Yvonne Henry, notre
regrettée présidente, traite du grand recensement de 1999,
et donne quelques chiffres sur les populations du monde, de
la France, de la Bretagne et des Côtes d’Armor.
Les
recensements au 19e siècle.
Les
listes de recensement sont intéressantes à plus d’un
titre : elles renseignent à la fois sur la démographie,
l’évolution de la population mais aussi sur l’habitat,
le degré d’instruction, le profession des habitants.
Malgré
la redondance des informations exposées, nous ne pouvons
passer sous silence la conférence, sur ce sujet, donnée
par Mademoiselle Rault- Maisonneuve, personnalité
remarquable des Archives départementales que bien
des anciens ont connus et appréciés,
au sein du Centre généalogique en septembre 1984
dans le cadre des conférences annuelles. (Voir le
texte mis en forme par Madame Yvonne Henry, en annexe 1)
Consultables
dans un délai de 30 ans après l'année en cours, ils
donnent la situation de chaque individu résidant dans la
commune à une adresse donnée: le généalogiste a devant
lui toute la famille. C'est le document par excellence pour
la recherche sur la famille.
Les
recensements sont classés à la lettre M aux archives départementales,
les premiers datant de 1795.
ÉLÉMENTS
FIGURANT DANS LES RECENSEMENTS DEPUIS 1836
1. Nom: figure dans tous les
recensements.
2. Prénoms: figurent dans
tous les recensements. Depuis 1946 seul le prénom usuel est
mentionné.
3.
Âge: figure de 1836 à 1901.
4. Année de naissance:
figure de 1906 à 1962 (en remplacement de l'âge).
5.
Date de naissance: figure depuis 1968 (en
remplacement de l'année de naissance).
6.
État civil: figure de 1836 à 1876; mentionne le
sexe de la personne et son statut matrimonial (marié(e), célibataire,
veuf ou veuve).
7.
Profession: figure dans tous les recensements.
8. Adresse: figure de manière
plus ou moins précise selon les recensements.
9.
Nationalité: figure en 1851, 1872 et 1876,
puis régulièrement depuis 1886.
10.
Lieu de naissance: figure en 1872 et 1876, puis de
1906 à 1936.
11.
Position (ou situation) dans le ménage: figure dans
tous les recensements depuis 1881 et mentionne la position
de l'individu par rapport au chef de famille.
12. Statut professionnel: de
1901 à 1936, il est précisé si l'individu est patron,
ouvrier ou employé. Lorsqu'il a un patron, son nom est
indiqué.
13.
Religion: figure uniquement en 1851.
14.
Maladies et infirmités: figurent uniquement en 1851
(aveugles, borgnes, sourds et muets, aliénés à domicile,
aliénés en établissements particuliers, individus affligés
d'un goitre, d'une déviation de la colonne vertébrale, de
la perte d'un bras, d'une jambe, les pieds bots. Une colonne
est réservée aux maladies ou infirmités apparentes).
Renseignements
donnés par les recensements sous forme de tableau :
|
1836
|
1841
|
1846
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1851
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1861
|
1866
|
1872
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1876
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1881
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1886
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1891
|
1896
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Nom
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X
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Prénoms
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Age
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Etat
civil
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Profession
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Adresse
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Nationalité
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Lieu
de naissance
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Position
dans le ménage
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X
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X
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X
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Religion
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Maladie
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X
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Exploitation
des recensements.
Pas
un généalogiste
et encore moins les chercheurs ne peuvent s’affranchir
d’une lecture ou d’une consultation de cette source de
renseignements que constitue le dénombrement d’une
commune. Aux Archives départementales, la série M se présente
sous les deux formes de consultation, l’une normale en
dossier manuscrit et l’autre moderne sous forme de
microfilms, cette dernière forme devant remplacer la première
au fur et à mesure de l’informatisation des AD22.
·
Le premier
contact avec ces listes nominatives de population, dans la série
6 M aux AD22, peut déboussoler le débutant généalogiste
à la recherche de sa famille en raison de l’importance
des informations incluses, des différences évidentes
d’interprétation des consignes de relevés suivant les
communes, des écritures de patronymes souvent en désaccord
avec l’état civil, de l’absence du patronyme réel de
l’épouse confondu avec celui de son mari, de l’âge
approximatif des couples et de leurs enfants etc.
·
L’expérience
et une étude attentive et patiente, viennent généralement
à bout de toutes ces premières difficultés et
particularismes locaux. Signalons que les relevés
commencent généralement par le bourg ou le centre de la
commune, que chaque famille y est représentée avec dans un
ordre numéroté, le chef de famille, son épouse, veuf ou
veuves, les enfants, petits-enfants, grands-parents et
domestiques éventuellement.
·
Ces documents
sont du plus grand intérêt lorsqu’on établit les
tableaux de descendance des familles et permettent éventuellement,
à une époque déterminée d’étudier l’environnement
familial et les différentes mutations professionnelles
qui peuvent en découler. Également précieux pour
l’onomastique, ces recensements permettent d’étudier la
fréquence de tel ou tel patronyme.
·
Cette série 6
M contient également quelques informations originales et
curieuses, comme indiqué dans la rubrique n° 14 des »
maladies et infirmités », citée précédemment ;
ainsi celles relevées en 1851 sur « les populations
flottantes, les aliénés et idiots et crétins, les
aveugles et les sourds-muets », avec l’inévitable
mention « nombreuses lacunes » ; en 1866,
sur « l’âge, la profession et le recensement du bétail » ;
en 1872, « sur le dénombrement des animaux
domestiques » ; en 1886 , « sur le
nombre d’enfants légitimes vivant par famille,
le nombre total de la population, etc. En outre, la série
6 M, renferment quelques dossiers sur les Alsaciens-Lorrains,
les naturalisés, l’émigration et la colonisation.
·
Pour les
chercheurs réalisant des monographies de communes, ces
listes répertorient également
le nombre de garçons, d’hommes mariés et de
veufs, ainsi que le nombre de filles, de femmes mariées et
de veuves. On trouve les lieux-dits de la commune avec les
différentes orthographes qui quelquefois varient dans le
temps. En résumé, les recensements constituent une source
utile de renseignements à tout chercheur et qu’il serait
regrettable de négliger.
Les
recensements modernes.
Dans
la série moderne, seul le recensement de 1946 est
consultable en salle de lecture des AD22, aussi nous nous
contenterons d’en survoler les principes généraux.
Après
1946, le principe d’un recensement tous les 5 ans devient
difficile à maintenir car les renseignements demandés aux
personnes recensées sont de plus en plus nombreux. De ce
fait, le coût financier augmente et les délais de dépouillement
aussi (l’informatique n’en était alors qu’à ses tout
débuts)
La
responsabilité du recensement, qui était auparavant du
ressort du Ministère de l’Intérieur, passe aux mains de
l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques
(INSEE)
Le
recensement de 1999 était le 33e depuis 1801 et
le dernier de sa catégorie, jamais plus les français ne
vivront ce rituel né en 1801. Ils ne seront plus
exhaustivement dénombrés, au même moment, par une
centaine de milliers d’agents recenseurs parcourant l’Hexagone
jusqu’en ses moindres ruelles et chemins de campagne.
L’INSEE a présenté en 2003, une nouvelle méthode de
comptabilité de la population vivant en France, qui est
utilisée depuis janvier 2004. Il s’agit de remplacer une
photographie statistique très précise, mais qui jaunit,
par une série de clichés au grain un peu moins fin mais
que nous aurons d’année en année, comme un diaporama. Le
recensement est désormais réalisé en continu, par
tranches géographiques, en fonction de la taille des agglomérations,
durant un cycle de cinq ans.
Les
détails de ce nouveau système sont disponibles dans le
texte de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002.
Annexe
1. Condensé de la Conférence de Mademoiselle
Rault-Maisonneuse.
« Recenser la population d'un
territoire, c'est à dire compter tous les êtres humains présents
à un moment donné sur ce territoire, est une pratique qui remonte à des temps
reculés.
En
France, toutefois, il faut attendre les années 1698-1700
pour trouver une enquête sérieuse et importante dans ce
domaine. Elle fut effectuée par les Intendants à
l'intention du Duc de Bourgogne. Ambitieuse par le nombre
des rubriques prévues, elle ne fut basée finalement que
sur des documents fiscaux (dénombrement des feux,
capitation) Vauban l'exploita tout de même pour rédiger sa
"Dîme Royale" ainsi que Segrain pour son
« Dénombrement du Royaume de France »
par généralités, élections, paroisses et feux.
En
1774, nouvelle tentative, avec, cette fois, un essai de
listes nominatives dont quelques-unes
sont conservées
aux Archives départementales
(En Ille et Vilaine, notamment). Sous Louis XV, se crée
également un « Bureau de Renseignements»,
sorte d’ancêtre de l'Institut de la Statistique et en
I772, 1'Abbé Terray
institue le relevé annuel des baptêmes, mariages et
décès.
La
Révolution française modifie le régime politique de la
France et crée des Assemblées élues. Il devenait alors
essentiel de dénombrer avec précision le nombre d’électeurs
dans chaque circonscription. Ce fut l’objet de nombreuses
lois, il faut retenir celle de l’An VIII (1801) promulguée
par le Premier Consul. Ce recensement avec toutes ses
imperfections, peut-être considéré comme le premier dénombrement
valable de la population française. Après enquête
personnelle auprès de chaque recensé ( et sans vérification
effective) le maire établit la liste nominative des
habitants de sa commune, en y portant l’âge, le sexe, et
l’état civil. Il faut noter que ce recensement, comme
celui de 1805-1806, ( qui donna d’ailleurs des chiffres très
supérieurs au premier) servait essentiellement à asseoir
la base de l’impôt et de la conscription.
Quelques
autres suivirent, entre 1805 et 1831, sans grand intérêt
pour le généalogiste dans la mesure où ils ne donnent que
des chiffres globaux de population.
C'est avec le recensement de 1831
que commence la véritable série des dénombrements
quinquennaux. Parmi ceux-ci, il faut retenir celui de 1836,
établi avec beaucoup de soin, et qui ouvre la série des
collections détenues par les Archives départementales, en
particulier celle des Côtes du Nord.
Pour la première fois, on imagine
de donner à chaque personne recensée un numéro d’ordre
et de suivre un ordre fixe, rue par rue, quartier par
quartier. C’est en 1846, toutefois, que s ‘établit
le système définitif qui devait régler le délicat problème
du décompte de la population temporaire d’une commune.
Chaque
recensement apporte son lot de renseignements nouveaux.
Celui de 1851 ne comporte pas moins de 35 rubriques et
constitue un document de premier ordre pour l’histoire économique
et sociale de la France au XIXe siècle. En 1856, l’enquête
porte sur le logement, en 1866, sur l ‘économie des
communes etc.….
En
1872, le lieu de naissance de chaque individu est porté sur
les listes nominatives. En 1876, on adopte la formule définitive
du recensement par bulletin individuel. L'état nominatif
des habitants de la commune est ensuite dressé à l'aide de
ces bulletins. Ce recensement semble l'un des plus sérieux
et des plus utilisables qui aient jamais été faits et
depuis lors, jusqu'à 1936, l'organisation matérielle des dénombrements
de la population ne changera plus sensiblement.
La
périodicité quinquennale des opérations ne fut
interrompue que par fait de guerre : 1871, 1916, 1941. A
partir de 1946, l'organisation du recensement est confiée
à l'INSEE (Institut National de la Statistique et des
Etudes Économiques)
.
Le
système des bulletins individuels est maintenu, mais les
questions s'adaptent aux conditions de la vie moderne
( Ex en 1954 :
"si vous êtes locataire, votre loyer est -il déterminé
au moyen de la
surface
corrigée ?) En 1946, aussi, deux formulaires nouveaux
font leur apparition l'un pour les Chefs d'établissements
industriel et commercial, l'autre pour les chefs
d'exploitation agricole et forestière.
Fait
nouveau et dommageable, la rédaction des listes nominative
est réduite à un seul exemplaire, pour la commodité des
municipalités. Dépourvues d'intérêt du point de vue de
l'utilisation statistique, elle deviendra même un luxe aux
yeux de l’INSEE. Certains maires ne la publient même
plus. Les Archives
départementales se sont vues, en conséquence, et malgré
leurs protestations, privées de documents de grand intérêt.
A
noter aussi qu'en raison du coût de l'opération, il fut
impossible de revenir à la périodicité quinquennale. Les
recensements ont eu lieu en 1946, 1954, 1968, 1975, 1982. »
Joseph Lohou(01.03.2013-février 2017)
Nota.
Cet
article est paru dans le bulletin de liaison du Centre Généalogique
des Côtes d’Armor n° 66-Avril 2005.
Sources
et bibliographies.
LE
MÉE, René – "Les sources de la Démographie
Historique Française dans les Archives Publiques"
– (XVIIe-XVIIIe ). BN-Paris
1967- AD22- 3 bi 669.
PRESSAT,
Roland-"Les méthodes en démographie"-Que
sais-je n° 1964-PUF, 1981.
MONJOUVE
de, Philippe- "Les recensements" – GE-MAGAZINE
n°206.
Archives
de France : http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/
Bulletin
de liaison "Généalogie22"- J'aborde la Généalogie-
n°6, 21 et 46