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CALLAC
Le nom de Callac est connu
de la France. Pour de multiples raisons. Les linguistes, les tritureras
de vocables ont remarqué que ses six lettres forment un palindrome, au
même titre que Laval, Noyons ou Sées. Les sportifs en chambre notent
sur leurs tablettes la date du Critérium cycliste international qui
chaque année mobilise les foules, souvent même les cou¬reurs, deux
jours après l'arrivée du Tour de France. Les disciples de Nemrod savent
qu'ils trouveront à Callac l'épagneul breton indispensable à la
prospection d'un gibier qui se fait rare. Quant aux amateurs de
gaudrioles ils n'ignorent rien des performances de l'étalon Naous.
"Naous"
Si l'on fait abstraction de ces quatre titres de gloire, auxquels il
faut ajouter les performances de son équipe de Ring-Hockey, Callac
n'est plus qu'une petite cité commerciale qui conserve le charme
discret des chefs-lieux de can-ton de jadis. Bien des bourgs similaires
ont périclité du fait de la proximité d'une ville industrialisée. Ici,
rien de tel. Callac, éloignée de trente kilomètres de Guingamp, de
vingt de Carhaix - ville située dans un autre département - est
demeurée le pôle administratif et attractif de toute la population
rurale d'alentour. Car le canton ne vit que de l'élevage et de
l'agriculture, et le marché callacois du mercredi demeure très
fréquenté.
Callac ne possède pas de vestiges archéologiques en dehors d'un
tumulus à Saint Tréfin, au bord même de la route Guingamp-Callac, à
droite, juste avant les maisons. Les automobilistes de la région ne le
connaissent pas. Préoccupés qu'ils sont pour la plupart, comme tous les
Français, de gagner quarante-cinq secondes sur leur précédent record,
ils n'ont jamais eu le loisir de l'entrevoir. Quand ils entrent en
ville ils constatent une fois de plus que les deux rues, de la Gare et
Traversière, qui rejoignent le centre sont escarpées, mais ils ont
d'autres chats à fouetter (le percepteur, le banquier, le médecin) que
de s'intéresser à l'histoire de la cité. Les touristes ont l'esprit
plus curieux. Ils interrogent les noms de rues : des Portes, du
Cleumeur (qui veut dire rempart), de Pors an Quen (qui signifie cour de
l'angoisse, délicat euphémisme pour désigner la prison d'autrefois) et
en déduisent qu'un château- fort s'est élevé sur l'éperon callacois. A
en croire certains auteurs cette forteresse fut bâti par les Comtes de
Poher, issus des premiers Ducs de Bretagne. Louhémel, envoyé de
Conwoion de Redon aurait rencontré le roi Nominoë en sa résidence de
Botmel, qui selon l'auteur de la "Bretagne des Saints" ne peut être que
Botmel, trêve de Plusquellec dont dépendait le château de Callac. Les
Callacois actuels habitent une cité royale et ne semblent pas en être
émus. Hélas, le château des Sires de Plusquellec fut assiégé pendant
les Guerres de Succession, puis par Du Guesclin (1363) avant d'être
démoli en 1395. Relevé, il fut définitivement rasé en 1619. A cette
époque Callac passa sous la coupe des Bénédictins de Sainte Croix de
Quimperlé, qui y eurent haute, moyenne et basse justice. Que de
gémissements on croit entendre à Pors an Quen ! Du fait de sa situation
dominante et de son relatif éloignement de la rivière l'Hyère (deux
cents mètres), Callac n'a pas pu s'offrir un Pont des Soupirs.
Quelques troubles secouèrent la région pendant les guerres de la Ligue,
puis pendant la Révolution et la Chouannerie. Accusé de complicité avec
Cadoudal le notaire Even fut jugé, mais acquitté. A l'époque la contrée
demeurait sauvage. Il fallait deux jours pour aller de Callac à la côte
distante de quarante kilomètres. Ogée dit que le pays de Kellec - terme
venant de Plusquellec - était couvert de landes et de bois. En 1900
plus du quart de la commune était encore inculte.
Pendant l'occupation l'esprit de Résistance se manifesta maintes fois à
Callac. Dès 1941, à la suite de distributions de tracts, quinze
Callacois furent internés à Châteaubriant. En 1943 le recensement en
vue du STO (Service du Travail Obligatoire) provoqua des
manifestations. Le 25 Mars 1944 les Maquisards, qui avaient exécuté un
membre de la Milice Perrot, tentèrent de s'emparer de la Gendarmerie.
Lors d'une rafle, le 9 avril, Allemands et Miliciens arrêtèrent une
vingtaine de francs-tireurs et déportèrent plusieurs callacois.
La petite ville fut libérée dès le 4 Août. La relation de ces
événements dramatiques s'accompagne parfois d'anecdotes qui détendent
l'atmosphère, telle celle de ce lexique américano-breton qui
conseillait aux soldats Yankees de ne pas s'étonner ostensiblement de
la cohabitation des humains et du bétail dans les fermes... Que les
psychologues de la plus puissante armée du monde se soucient de ne
point offenser les aborigènes de Bretagne intérieure prouve en quelle
considération est tenu leur sens naturel de la dignité. Nous sommes les
Hidalgos, les Siciliens, les Masais de la Bretagne.
Callac, au Nord de cette partie de la Haute Cornouaille qu'on nomme le
Poher, était à la fin de la guerre 39-45 un gros bourg-marché, dont le
rayonnement commercial dépassait, selon Phliponneau, celui de Quintin.
Malheureusement dans les années 1955-1960, en partie par suite de
rivalités électorales, l'abattoir, qui employait plusieurs dizaines
d'ouvriers, émigra à Guingamp. Callac n'a plus que de petites
entreprises : tuerie de volailles, tannerie, fabrique de meubles. Et si
la population n'a guère diminué depuis 1956, après avoir chuté de vingt
pour cent en vingt ans, ce n'est que grâce au retour des retraités. La
ville s'est modernisée avec la construction de bâtiments administratifs
fonctionnels. Les centres administratifs sont les manoirs du vingtième
siècle, même si les Administrateurs n'en sont pas officiellement les
Seigneurs.
Les pôles touristiques de Callac sont disparates. Aucun visiteur ne
voudra manquer la statue de Naous, due au sculpteur animalier Guyot. Le
prolifique étalon dut être, à l'âge de dix-huit ans, réformé pour
maladie professionnelle, puis abattu... Chez les humains la maladie
professionnelle ouvre droit à pension et à prise en charge à cent pour
cent. Chez les chevaux, à l'exécution... Les hommes cependant ne
cessent de se plaindre. Naous trône devant la station de haras, une des
premières de France, selon un Aide- vétérinaire disparu, qui aimait à
répéter que la mission des haras est de "donner du goût au cheval"...
Le même technicien, soucieux d'hygiène, conseillait aux cultivateurs
"de faire rigoler l'eau dans leurs cours, pour éloigner les sentiments
du fumier". Le brave Naous est veillé par le clocher d'une église que
nous ne citerons que pour mémoire : elle renferme quelques statues,
dont celle de Baumaël, honoré à Botmel ; des chapiteaux sculptés par
Elie Le Goff ; un Chemin de Croix, dû à une artiste brestoise, Mlle
Cras, sœur du compositeur. Aucune municipalité n'a songé à doter Callac
d'une basilique romane du 13ème siècle.
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A quelques centaines de mètres du centre, le lac de la Verte Vallée
occupe une pittoresque conque boisée. On y fait du pédalo, de la voile,
du ski nautique. On y pêche.
Au Nord de la petite cité s'élève à mi- pente du profond vallon de Pont
ar Vaux la chapelle Sainte Barbe, du 16ème siècle. Sur la hauteur qui
lui fait face, les ruines de l'église de Botmel, du 17ème siècle, ne
présentent plus sous les pins que trois arcades de la nef, la tour et
un clocher précaire, qui vient toutefois d'être consolidé. Dans ces
ruines une pierre représentant le blason de Callac a été découverte.
Deux autres chapelles méritent une visite. Saint Tréfin (fin du 15ème
siècle) et Saint Pierre de l'Isle (16ème) récemment restaurée, qui
abrite des sablières sculptées d'animaux et de musiciens, derrière
lesquelles on a retrouvé les ossements d'un enfant, déposés là depuis
la Révolution. Une Vierge porte un Enfant nanti d'un pouce
disproportionné, qui symboliserait sa puissance de persuasion auprès de
Dieu. Les voisins ont participé à la rénovation : un cultivateur a
creusé dans un arbre un tronc d'offrandes. Sur le petit placître, un
calvaire massif aux personnages serrés, a été nettoyé, décapé, et l'on
détaille mieux Crucifixion, Larrons, Descente de Croix et Résurrection.
Deux fontaines sont à citer. Celle de Kerdiéquel à un km de la ville
sur la route de Guingamp, bien que simpliste, date du baroque 17ème
siècle. Celle de Goasker, six kms plus loin, sobrement constituée de
pierres levées, est certainement antique. Derrière la gare où
s'arrêtent toujours les michelines et trains de marchandises de la
ligne Guingamp-Carhaix du Réseau breton, une route dominant le joli
site de la vallée de l'Hyère et du Moulin de Callac mène au manoir de
Kermabillou, où le Marquis de Pontcallec se cacha en 1719. On y accède
par un double porche. L'intérieur recèle une cheminée au linteau long
de cinq mètres et des sculptures représentant un pauvre homme encadré
de son épouse souffreteuse et de sa belle-mère furieuse. Grâce à la
libéralisation des mœurs, il semble que cette dernière engeance se soit
améliorée au cours des trois siècles passés. Voilà qui donne encore
plus de prix au bas-relief de Kermabillou.
Callac n'a plus de Cercle Celtique, mais la commune compte encore
quelques interprètes de musique bretonne qui accompagnent les sorties
de noces. Le Musée de Saint Brieuc expose une couronne de mariée
callacoise.
Au début du siècle le folklore était ici florissant. Anatole Le Braz
conte la mésaventure des trois frères Guizouarn qui, sur la voie
royale Callac-Carhaix, osèrent barrer la route au cortège de l'Ankou en
abattant un énorme chêne. L'Ankou leur intima l'ordre de l'enlever,
leur précisant qu'ils lui devraient autant d'années que l'arbre serait
demeuré de minutes en travers du chemin. C'est ainsi que les trois
frères Guissouarn, en dépit de leurs efforts héroïques, perdirent
soixante années de vie terrestre.
Un modeste paysan, Julian Godest (1849-1932) soutenu par Théodore
Botrel et Taldir-Jaffrennou, publia sous le titre de "Gwerziou Poblus"
de pittoresques chansons et complaintes en breton :
"Julian Godest, c'est sûr, de la paroisse de Callac
Agé de vingt mille jours et trois cents en plus
De son métier, laboureur, il est toujours content !"
La poésie, ça n'est pas compliqué !... Un autre auteur-colporteur de
chansons sur feuilles volantes, René Le Gac, exerça son talent jusqu'en
1965. Callac est également le berceau de la famille du journaliste et
publiciste contemporain Yann Fouéré, un temps exilé en Irlande.
La commune est la capitale de l'épagneul breton. Primitivement l'Argoat
possédait une race de chiens vulgaires, dits chiens de charbonniers,
bons à tous usages. Avec d'autres éleveurs le callacois Joseph Patin
opéra une sélection et obtint la race actuelle par croisement entre le
chien du pays et le setter écossais. L'épagneul breton est un chien
d'une taille de 0,46 m à 0,51 m, court de reins, à tête ronde, à queue
courte ou anoure, élégant, trapu, râblé, blanc, marron ou orange, à
physionomie intelligente, qui chasse de préférence au galop. Les succès
des éleveurs callacois dans les concours ne se comptent plus. Le
Docteur Émile Bourdon, callacois d'origine, a écrit et illustré un
plaisant ouvrage sur "la Bécasse".
Callac est aussi un centre de pêche très réputé, car la truite abonde
dans les deux cents kilomètres de rivières, Hyère et affluents, du
canton. Quant au lac de la Verte Vallée il renferme des brochets et du
poisson blanc qui expliquent la venue de nombreux campeurs sur la pente
qui le sépare des Logements-Foyers, lesquels comme toute la petite
ville, emportent chaque année des prix départementaux de fleurissement.
Callac est en outre Station verte de vacances.
Le lecteur se fera une opinion sur la vaillance des Callacois en lisant
le Tocsin de la Moisson, de Roger Laouénan, où l'auteur cite maints
extraits du Journal de guerre, réaliste et truculent, du Caporal Yves
Marie Connan qui relate en 206 pages les effroyables épreuves des
combattants de 1914-1918.
Dr Edmond Rébillé."L'Argoat secret autour de Guingamp,- Imp.Henry, Pédernec (22) -1989."
Edmond Rebillé est né à Gourhel le 9 août 1926. Il a été
médecin généraliste, à Callac, durant 35 ans. Passionné d'histoire et de
culture locale, il a parcouru tout le pays du Centre Bretagne des environs de
Callac, Guingamp, et Carhaix, et procédé à de nombreuses collectes populaires.
Il s'est montré très actif au niveau de la Société d'émulation des
Côtes-d'Armor, de Saint-Brieuc.
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Joseph Lohou (2017)