Le
POHER dans la guerre de la LIGUE
Guerre de la
Ligue en Bretagne -Historique.
Entre
1589 et 1598, la Bretagne est touchée par les troubles de la
Ligue. Sébastien de Luxembourg, Duc de Penthièvre, est
gouverneur de la Bretagne en 1564. Participant à la bataille
de Saint-Jean d'Angely en 1568, il fut blessé et mourut de
ses blessures. Son corps fut porté dans l'église des
Cordeliers de Guingamp. Il avait épousé Marie de Beaucaire
dont il eut Marie de Luxembourg (°Lamballe 15.10.1562-+Paris
06.09.1623). Celle-ci épousa Philippe Emmanuel de Lorraine,
Duc de Mercoeur en lutte contre Henri IV à la mort d'Henri
III, assassiné le 2 août 1589. Le Duc de Mercœur songeait
à restaurer le Duché de Bretagne en sa faveur, soutenu par
Philippe II d'Espagne.
Mais Henri IV parvint à conserver cette province et le 10
mars 1601, le Duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne et
dernier des Ligueurs, demande la paix et fit sa soumission à
Henri IV. Philippe quitte la France et se met au service de
Rodolphe, roi de Hongrie pour combattre les Turcs en Styrie;
il meurt de fièvre maligne à Nuremberg en 1602 à l'âge de
44 ans. Sa fille, Françoise de Lorraine est promise à César
de Vendôme, fils naturel d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées,
qui de fait succédera dès 1608 à son beau-père en tant que
Duc de Mercoeur et gouverneur de Bretagne.
Phillipe
Emmanuel de Loraine(° 1558-1602), Duc de Mercoeur
et de Penthièvre, Prince du Saint Empir,e
chef de la Ligue
et Gouverneur de Bretaigne
Un étrange document.
Dans « l’Histoire
de Bretagne- Mémoire pour servir de Preuves» de Dom
Hyacinthe Morice,
notre attention a été attirée par une curieuse lettre datée
du 9 mars 1591 où la Juridiction de Carhaix semble être
sujet à une scission entre la ville de Rostrenen et le reste
du territoire.
Nous sommes à cette époque plongé dans les guerres de la
Ligue, luttes entre royalistes et ligueurs. Période
troublée, s’il en fut et comme le dit si bien le curé
de Lanvellec dans le registre paroissial de 1609 :
« Il ne fault doubter
qu’il n’y eust beaucoup de meslée, car souvent et en
plusieurs lieux le pere faisoit la guerre au fils(et au
contraire), l’un frere contre l’autre, l’une ville
contre l’autre, une paroesse contre la prochaine et ce
d’autant qu’il y avoict des uns qui tenoient le party du
Roi, les autres au contraire tenoient le party de la Sainte
Union et du Duc de Mercure gouverneur pour lors de
Bretaigne… »
Le texte ci-dessous, que nous avons volontairement amendé
pour une lecture plus aisée, nous conduit à Rostrenen
où Louis de la Boissière, conseiller du Roy à Quimper
recherche 3000 écus afin de payer les soldats de la garnison
de Quintin.
Il réunit
un royaliste de bon teint, Jan de Kerampuil, procureur du Roi
à Carhaix, une cité sous l’influence des Ligueurs, Jehan
Le Grand, procureur fiscal de Rostrenen, Jehan Rolland,
greffier de Rostrenen pour « départir et imposer la
dite somme de 3000 écus entre les paroisses rebelles .
La cour de Rostrenen et ses
paroisses, Moëllou, Paule, Plouguernével et Mezle refusent
cette répartition, prétextant que » qu'elles
ne sont et n'oncques esté rebelles, ni adherantes aux
ennemis du Roy », soutenues en cela dans leur refus
de payer par le Procureur de la ville et ses nombreux gentilshommes, dont Jacques Bobille, sieur de
Campostal, Jean Douallen, sieur du Carpont, Tristan Le
Dymanach, sieur de Kerdaniel, et les notaires Gilles Annau et
André Robert. D’autant que la ville entretenait également
une garnison au château sous les ordres du capitane Antoine
du Quellennec.
La commission réunie à Rostrenen décide alors,
devant l’opposition de la Juridiction de Rostrenen, de répartir
cet impôt sur la Juridiction de Carhaix et ses paroisses
attenantes :
« & que icelui sera fait sur celles que le
dit procureur du Roy vérifiera s'estre de la dite Juridiction
de Kerahez adhérées aux ennemis de Sa Majesté &
émancipées de son obéissance, du nombre desquelles il a présentement
nommez estre ladite ville de Carhaix avec ses faubourgs, la
paroisse de Plouguer, Moustoir, Trébrivan, Plévin, Motreff,
Quelen(Locarn), Duault, & Landugen, Le Loc’h, Tréogant
, Spézet, Mael-Pestivien, Botmel & Callac, Plusquellec,
Calanhel, Plourach, Carnoët, Scrignac & Bolazec,
Poulaouen, Plounévézel & Kergloff. »
La difficulté d’appliquer cet
impôt est, comme dit le texte, de trouver une autorité, un
sergent, pour faire connaître dans une cité entièrement aux
mains des ligueurs.
Assiette
de 3000 écus pour le payement de la garnison de Quintin.
« A Nous, Loys de la
Boessière,
écuyer, sieur de Rosneguen, Conseiller du Roy au Siège Présidial
de Quimper-Corentin, étant à la ville de Rostrenen, a été
ce jour 9 de mars 1591, présenté par Jan de Kerampuil
écuyer, Sieur du dit lieu, Procureur du Roy en la Juridiction
de Kerahès, certaines Lettres de commission à lui données
par Monseigneur le Prince de Dombes,
lieutenant général pour le Roy en son armée et ce pays, et
gouverneur du Dauphiné, à nous
adressées, datées du 8 jour d'octobre 1590 signées
Monseigneur & de Brasset et scellées de son sceau,
portant commandement et commission de départir
et imposer la somme de trois mille écus sur les paroisses
rebelles à sa dite Majesté en la dite Juridiction de Kerahès,
pour estre employée à la paye
et solde des gens de guerre par lui établis en la
garnison de Quintin, comme plus à plein est contenu en les
Lettrres Executer, et pour ce faire; lui donner jour et
assignation. Mais d'autant que pour sureté de sa personne il
auroit esté contraint de se retirer de sa maison et exercice
de son estat, il n'auroit en main les rolles
des feux de la dite Juridiction, pour iceux les départemens
estre plus aisément et équitablement par nous faits ; nous a
requis d'escrire et commendement faire au Greffier criminel
dudit Kerahès ou ses commis de se rendre devers nous garni
des rolles et mémoires, en ce lieu, pour assister avec nous
audit département suivant le deu(dû) de sa charge. Et obtempérant
au commandement de Mon Seigneur le Prince et réquisitions du
dit Procureur du Roy, avons fait et à l'instant escrit audit
Greffier criminel se trouver et rendre avec nous en ce lieu,
garni desdits rolles et mémoires, à Lundi prochain heure de
midy, jour par nous signé pour vacquer audit département,
& nostre Lettre baillée audit Procureur du Roy, lequel à
l'instant l'aurait mise entre les mains d'Yvon Merrien pour la
rendre audit Greffier ou ses commis, d'autant qu'il est
impossible de trouver Sergent qui aille faire aucun exploit de
Justice audit lieu de Kerahez, pour la rebellion d'aucuns y
estant, comme il nous auroit apparu par attestation du Sénéchal
dudit lieu, datée du 23 jour de Février dernier. Et le dit
jour de lundy 11 dudit mois venu, nous sommes à la requeste
dudit Procureur du Roy, & en sa compagnie, ayant avec nous
prit pour adjoint en l'absence dudit Greffier criminel, noble
homme M. Jehan Rolland, Commis au Greffe de la Cour de
Rostrenen, où estant au préalable prit le serment de nostre
adjoint de se porter fidèlement au fait de nostre présente
commission, & requis que sur le défaut du Greffier
criminel de nous avoir rendu les rolles nous eussions à départir
& imposer la somme portée par ladite commission sur les
dites paroisses rebelles, pour estre sur
elles levée le plus promptement que faire se pourroit,
pour que faute et retardement n'advint par ce moyen au service
de sa dite Majesté, offrant de sa part nous bailler
promptement nomination des paroisses de la dite juridiction.
Sur quoi ayant à l'endroit fait lecture publique de nostre
commission, après avoir au préalable informé par nombre
suffisant de témoins l'heure de midi de ce jour estre sonnée
et passée, s'est présenté devant nous noble homme M. Jean
le Grand, seigneur de Kerviguen, Procureur fiscal de la Cour
de Rostrenen, lequel en présence du Procureur du Roy nous a
remontré que combien cette ville de Rostrenen avec les
paroisses de Moellou, Glomel, Paoul, Mesle et Plouguernevel
estantes dans la Juridiction de Kerahès, ce néanmoins ne
seroit raisonnable qu'elles contribuoient au payement de la
dite somme de trois mille escus, d'autant qu'elles ne sont et
n'oncques esté rebelles, ni adhérentes aux ennemis du Roy,
ainsi sont toujours tenues en son obéissance, payant les
fouages et les deniers que par son commandement l'on a depuis
le commencement des guerres voulut lever sur eux, tant pour l'entretenement
de la garnison establie au chasteau
de ce dit lieu de Rostrenen, que autrement, de tout quoy il
offroit sommairement informer ; à quoi faire, du consentement
du Procureur l'avons recu, & nous a produit à tesmoins
nobles gens Anthoine du Quellenec, sieur du Menihec, capitaine
dudit chasteau de Rostrenen, Jacques Bobille, sieur de
Campostal, Jean Douallen, sieur de Carpont, Tristan Le
Dymanach, sieur de Kerdaniel, Maîtres Gilles Annau et André
Robert, & chacun d'eux séparément interrogez & jurez
par serment dire vérité, ont dit lesdites paroisses de
Moellou, Glomel, Paoul, Mezle et Plouguernével estantes en la
Juridiction de cette baronnie de Rostrenen ne s'estre pour ces
présents troubles éclipsées & exemptées de l'obéissance
qu'ils doivent à S. M. ni aucunement adhérées à ses
ennemis ; au contraire ont toujours payé les fouages au
Receveur du Roy & autres deniers ordonnez estre levez tant
pour l'entretenement de ladite garnison dudit chasteau de
Rostrenen, que pour la compaignie du Seigneur Baron du Pont.
Sur quoi faisant droit au Procureur fiscal, avons du
consentement du Procureur du Roy, dit que ladite ville de
Rostrenen avec les paroisses de la Juridiction d'icelle
cy-dessus nommées seront éclipsez
& exemptez du département, & que icelui sera fait sur
celles que le dit procureur du Roy vérifiera s'estre de la
dite Juridiction de Kerahez adhérées aux ennemis de
Sa Majesté & émancipées de son obéissance, du nombre
desquelles il a présentement nommez estre ladite ville de
Kerahez avec ses fauxbourgs, la paroisse de Ploeker, Moustouer,
Trebrivan, Plevin, Motref, Quelen, Duaut, & Landugen, Le
Louch, Treangon, Spezet, Mael-Pestivien, Botmel & Callac,
Plusquellec, Sallavel, Plorach, Carnoet, Servignac &
Botglazac, Poulaven, Plonevezel & Kergloff.
Et pour justifier de son dire, a requis les cy-devant tesmoins
jurés estre ouys, ce que avons fait ; lesquels semblablement
ouys l'un après l'autre, ont par serment séparément
respondu lesdites paroisses & ville estre désobéissantes
à Sa dite Majesté & avoir les armes journellement en
main pour adhérer à ses ennemis & faire la guerre à ses
serviteurs ; de laquelle information avons baillé acte audit
Procureur du Roy, & dit comme devant que la dite somme de
trois mille escus portée par la dite commission sera départie
suivant l'intention de Monseigneur Le Prince par lesdites
Lettres sur les paroisses rebelles, lesquelles Lettres nous
avons ordonné estre enregistrées au Greffe de Rostrenen en
l'absence & sur la non comparution du Greffier de Kerahès,
pour y avoir recours quand besoin fera. Et outre, que présentement
il fera par nous procédé au département à nostre logis, où
s'estant retiré, avons vaqué en présence dudit Procureur du
Roy & de nostre adjoint, comme ensuit :
Et premier : Avons ordonné estre levé de la somme sur
la ville de Kerahez avec Tregleubihan & Kergroez,
les fauxbourgs la somme de 500 escus. La paroisse de
Ploeker, 100 escus. La Treffe du Moustouer, 60 escus. La
paroisse de Trebrivan, 150 escus.La paroisse de Plevin, 120
escus.La Treffe de Quelen, 100 escus. La paroisse de Duault,
compris Landugen, 200 escus. La paroisse de Spezel, 200 escus.
La paroisse de Mael, 100 escus. La paroisse de Motreff, 120
escus. La paroisse de Botmel, comprins Callac, 200 escus.
Plusquellec, 70 escus. La paroisse de Calamel, 70 escus. La
paroisse de Plorech, 70 escus. La paroisse de Carnoet, 200
escus. La paroisse de Servignac, comprins Botgasel, 200 escus.
Poulaven, 200 escus. La paroisse de Plouvenenzel, 70 escus.
Kergloff, 100 escus.
Au payement desquelles sommes,
cy-dessus taxées entre les mains de Jacques Glen, Commis à
la recette des deniers, en son Tablier
assigné en la ville de Quintin & dans huitaine après la
publication que nous ordonnons estre faire de ceste à demain
& jour de foire en cette ville ....
Nous avons condamné & condamnons l'une & chaque
desdites communautés par toutes voyes de Justice dues &
raisonnables, par emprisonnement de leurs personnes.... sauf
aux emprisonnez leur recours vers leurs consorts.... ,
auxquelles communautés permettons esgailler
lesdites sommes le sort des exempts & non exempts aidant
au faible.
En témoins de quoi avons signé cestes, ensemble le dit Sieur
Procureur du Roy & nostre Adjoint, & fait sceller du
sceau de la Juridiction de Rostrenen, à faute du sceau de la
Juridiction de Kerahez, les dits jour et an que dessus.
Signé, Kerampuil, de la Boissière, Rolland, & scellé.
Le Sieur de
Rosneguen Commissaire délivra au Receveur Jacques Glen un
autant du département & de la commission y mentionnée,
dont il donna quittance le 20 mars 1591. Pris sur l'original. »
Malgré nos recherches, nous
n’avons pu vérifier si cet impôt de 3000 écus fut appliqué
aux habitants de Carhaix et ses paroisses avoisinantes, le
doute est permis.
En conclusion, au sortir de cette
guerre civile, cause de tant de malheurs et de tant de
souffrance ; l’indépendance bretonne fut pour toujours
brisée…
Joseph Lohou(Juin 2008).
Cet article est
paru dans le Bullelin du Centre Généalogique et Historique
du POHER - "KAIER AR POHER" (Le cahier du Poher
n°21 - juin 2008)
Sources.
MORICE,
Dom Hyacinthe-« Mémoire pour servir de preuves »(
9 mars 1591)- Preuves-Tome 3.
GRÉGOIRE, Louis, Thèse de doctorat –« La
Guerre de le Ligue » - Guéraud
& Cie- Nantes –1856
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