Callac-de-Bretagne

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Paroles d'amour


 


 

AU LIEU de se contenter de glisser des regards obliques vers Ies amoureux qui «  s'bécotent sur les bancs publics »», certains chercheurs du Texas ont voulu savoir si, et comment, la passion amoureuse modifie le langage. Il faut être hardi pour avoir des idées pareilles !

En tout cas. Le professeur Pennebaker et sa collègue Molly Ireland ont mené l'enquête à partir de deux couples de poètes, l'un du XIX°et l'autre  du XX" siècle. Lis se montrent formels :   « Ceux qui sont profondément amoureux parlent et écrivent de même façon ; êt

ils imitent et répètent les mots et les phrases que l'autre emploie. Mais. si la relation s'aigrit, ce langage commun se fracture et ils recommencent à paraître de-nouveau étrangers. »

La chose semble naturelle et surprenante à la fois, car il ne s'agit pas simplement d'utiliser les mots de son partenaire en passion, ni des petits mots d'amour que deux êtres en symbiose s'inventent pour leur usage privé- non, c'est toute une syntaxe qui devient similaire, disent

les auteurs, avec «les façons d'utiliser les pronoms, les prépositions et d'autres mots dans des phrases diverses » .

Le décompte des coïncidences se fait à l'ordinateur, évidemment, et Ies résultats seraient suffisamment fiables pour que l'on puisse déterminer à quel degré d'intensité amoureuse se trouve le couple, Pratique, non? Entre 1200 et 2000 incidences l'amour est fort; à
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5QO la passion crépite de tous ses-feux,  mais si le compteur tombe à 600 ou 500,. c'est le torchon qui brûle !

Ces résultats ont été obtenus avec la langue anglaise, je ne sais pas si la même recherche serait conductible en français, car en anglais le jeu des prépositions et des postpositions, par-exemple, permet de tricoter des phrases personnelles qui se prêtent à l'imitation, consciente ou inconsciente, li n'est pas certain que la violence de
l' amour soit capable de faire bouger de la sorte la syntaxe du français qui est un peu moins frivole. Au premier abord on voit mal comment la parole d'amour infléchit les gallicismes. Ou alors il faudrait
se rabattre sur le seul lexique-  la fréquence de l'argot familier dans les échanges ? À mon avis le baromètre du professeur Pennebaker ne sera pas facilement applicable aux Frenchlovers.


 

 

Claude Duneton. (octobre 2010)

 

 


 



            


 

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