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L'ONOMASTIQUE
L'onomastique ? Qu'est-ce ? De nos fours elle est considérée comme une
science et, contrairement à ce que d'aucuns pensent. Elle regroupe et
la toponymie et l'anthroponymie. La toponymie étudie les noms de lieux.
alors que l'anthroponymie étudie les noms de personnes. Toutes deux
sont intimement liées et on ne peut en dissocier leur étude. Des noms
de personnes entrent en composition dans des noms de lieux ou sont
devenus eux-mêmes noms de lieux. Des noms de lieux sont devenus noms de
famille.
Pourquoi
faire un nom? Question bien embarrassante que beaucoup de nous se
posent actuellement «dans notre siècle d'automatisation OÙ les
matricules remplacent de plus en plus les noms » (Sécurité Sociale,
police d'assurance, compte bancaire ou postal, inscription en
faculté...). Et pourtant. comme le signale Gwennolé Le Menn dans ses
notes sur les noms de famille bretons. « La curiosité manifestée pour
l'origine, la signification des noms de famille me semble relever d'un
désir plus ou moins conscient d'enracinement et de singularisation.
C'est un refus d'être un simple numéro »L', Les noms de personnes, tout
comme les noms de lieux sont partie intégrante de noire patrimoine
linguistique et leur étude permet souvent de mieux comprendre
l'évolution de la langue, car, comme les mots, ils ont subi des
transformations eu fil des siècles.
A la naissance, chacun de nous a été affublé d'un prénom pour la vie,
prénom librement choisi par les parents suivant des critères tels que
goût, mode, influence des médias... A ce prénom vient s'accoler un nom
de famille. On devrait plutôt dire comme nos voisins britanniques,
affublé d'un nom et d'un surnom qui, devenu héréditaire, s'est transmis
de génération en génération. Il n'en a pas toujours été de même, c'est
à dire que l'enfant ne portait pas le nom de son père mais recevait à
la naissance un autre nom et ce nom pouvait très bien laisser sa place
à un autre au cours de sa vie.
C'est
ce que permet de supposer le nom de Vercingétorix, ce chef arverne,
devenus héros national eu siècle dernier, mais roi suprême des tribus
gauloises dans leur lutte contre l'envahisseur romain. Ce nom se
prononçait en son temps [werkingetoriks] et l'onomastique nous amène à
supposer que ce nom lui a été attribué à la suite de son élection à la
tête des autres chefs. En effet. Vercingétorix se décompose en ver-,
préfixe superlatif identique au vieux breton uur moyen et moderne
gour-. cingeto- «guerrier» et rixe identique au brittonique rigo qui
s'est maintenu, évolué en ri dans quelques noms, avec le sens de «roi».
On pourrait alors traduire Vercingétorix par «Super-guerrier-roi».
Le
goût des qualificatifs élogieux dont s'affublaient les guerriers
gaulois continue avec l'aristocratie bretonne en Bretagne et avec
l'aristocratie franque en Gaule dans e haut Moyen-Age. Ces
qualificatifs sont parvenus jusqu'à nous sous des formes corrompues et
très modifiées : ainsi le nom Gouyen; Judicae', prononcé Iudicael à
donner entre autres Jézéquei, Jéquel, Iziquel, lequel, Gicquel,
Haelcomarch e donné une vingtaine de formes dont Helgouarch, Argoualch.
Au 9° siècle, le nom porté n'était pas figé et n'était pas rare de voir
un guerrier ou un saint s'appeler de noms différents.
Ainsi
l'Abbé Winwaloe, fondateur de l'abbaye de Landévennec, était aussi
connu sous le nom de Towennoc, nom que l'on retrouve évolué dans
Landévennec; Brieg, le saint éponyme de Saint-Brieuc est une forme
abrégée de Brimael; Tudwal, qu'un scribe du Moyen-Age e mal
orthographié en Tugdual est connu et honoré sous le nom de Paban à
Lababan, ancienne paroisse du pays bigouden rattachée à Pouldreuzic et
de Pabu à Saint-Pabu.
Jusqu'au
le siècle donc, l'onomastique bretonne était restée « très proche par
ses traits généraux de [onomastique gauloise ou grecque ».
Parallèlement, la Gaule conquise par les Francs connaissait la même
évolution.
Au
9° siècle, siècle qui marque l'apogée de Je puissance politique de
l'état breton, la mode était de porter ces noms bretons même dans une
partie des populations romanes soumises »0/ des comtés de Rennes et de
Nantes, c'est-à-dire de Haute-Bretagne. En Gaule Franque, la mode était
aux noms germaniques et plus particulièrement en Neustrie, ancien nom
de la Normandie; cette mode gagnera peu à peu la Bretagne romane
voisine. Ainsi dans le cartulaire de Redon, les nobles portent un nom
breton mais leurs serviteurs ont un nom roman.
«
A partir du 10° siècle s'amorce le déclin de l'onomastique bretonne.
L'aire géographique des noms bretons se restreint; les noms propres
solennels d'hommes voient leur forme évoluer JO) et leur signification
cesse d'être perme. Ils deviennent soit prénom, soit nom de famille,
tout comme les noms germaniques. En même temps pour différencier deux
personnes portant le même nom, on voit apparaître les premiers surnoms.
On en relève cependant quelques-uns aux 9° et 10° siècles dans le
cartulaire de Redon : ainsi, un dénommé Maienhoiarn est dit Cornic et
un Curnahel est dit Borie.
«
Ces surnoms, fort rares, deviennent de plus en plus nombreux dans les
cartulaires de Landévennec et de Quimperlé, et plus encore dans celui
de Quimper. Citons Jedecacl an Mulon en 1186, nom qui serait de nos
jours Jezequel Le Maroni; le plus souvent le surnom est séparé du nom
par le mot latin dictus pour un homme, dicti pour une femme: un nommé
Guillemin est dit an Coffec, c'est-à-dire le ventru, Rivallwi est dit
an Coud, c'est-à-dire te Joli.
Au 17° siècle, si l'on s'en réfère à la tenue des registres
paroissiaux, le surnom en tant que nom de famine n'est pas encore bien
fixé. Ainsi un Alan Donnarz est dit Guillou dans un acte et dans un
autre il est nonne Alan Guillou dit Donnarz.
En
même temps que les noms bretons voyaient leurs formes évoluer,
l'onomastique bretonne accueillait de nombreux noms d'origine
germanique ou latine ou biblique et ces noms, à leur tour, allaient
être soumis aux règles de l'évolution de la langue bretonne, ce qui les
rend parfois méconnaissables.