LA RECHERCHE DE L'ORIGINE DES NOMS DE FAMILLE.
La
recherche de l'origine des noms de famille est une opération délicate,
et les explications données sont plus ou moins plausibles. Elles
devraient être affectées d'un «coefficient de crédibilité» selon les
éléments dont on dispose, coefficient qui pourrait différer selon les
chercheurs, mais qui aurait l'avantage de remplacer les «peut-être,
probablement, il semble que, il est possible que» par des chiffres,
qui, comme les notes de devoir dans une école, renseignent l'élève et
ses parents, même si ces notes peuvent différer selon le correcteur. De
plus la «sévérité» ou «l'indulgence» des coefficients des chercheurs
permettrait de mieux apprécier la crédibilité à accorder aux
différentes hypothèses qu'ils avancent.
Pour
étudier l'origine d'un nom de famille, il faut faire des recherches.
Certaines d'entre elles peuvent être menées par tous. D'autres
demandent des compétences plus ou moins grandes.
— Recherches pouvant être menées par tous :
— ki ou les formes du NF :
Ici
les recherches généalogiques sont précieuses. Elles permettent parfois
d'établir les relations entre certaines variantes du même nom. De plus
ces variantes sont datées et localisées géographiquement. D'où
l'importance des «arbres» généalogiques qui relient les différentes
formes attestées d'un nom de famille.
— La prononciation :
Il
y a souvent une différence entre la prononciation bretonne et la
prononciation française, cette dernière étant plus proche de la forme
écrite, même si elle est archaïsante ou erronée. La connaissance des
prononciations en breton est très importante. Savoir que Kerdaffret est
prononcé Kerzaored en breton permet au linguiste de diriger ses
recherches en tenant compte des lois de l'évolution du breton, lois
dont parlerons plus loin.
— La localisation :
Nous
ne connaissons pas la répartition géographique des NF. Celle-ci
permettrait souvent d'orienter les recherches. Un h dans un nom
léo¬nard (nord-Finistère) ne donne pas lieu aux mêmes hypothèses que
s'il se trouve dans un nom vannetais (Morbihan) ou cornouaillais
(sud-Finistère). Savoir que tel nom est attesté dans telle zone est
donc un élément important.
— Recherches qui demandent des connaissances particulières.
— Les formes anciennes :
L'onomastique
bretonne contient de nombreux noms qui remontent à l'époque du
vieux-breton, et on peut en suivre l'évolution sur plus de mille ans.
La difficulté ce que les rapprochements entre les formes anciennes et
les formes modernes ne peuvent être faits qu'avec précautions par des
personnes bien au courant de l'histoire de la langue. A moins d'avoir
la preuve de la filiation entre deux personnages portant des noms
proches (par exemple A et Al, il est toujours délicat d'affirmer que A
et A' représentent le même nom.
— L'étude des noms de lieux :
Il
ne faut jamais oublier que les noms de lieux en Bretagne contiennent
très souvent des noms d'homme, et que l'on ne peut ignorer la toponymie
(étude des noms de lieux) si l'on désire s'intéresser à l'anthroponymie
(étude des noms de personnes).
— Les rapprochements (avec les langues celtiques :
Beaucoup
de noms attestés en Bretagne le sont également dans les autres pays
celtiques, en particulier au pays de Galles et en Cornouaille
britannique. L'étude des noms gallois et corniques permet parfois
d'expliquer les noms bretons et l'existence dans ces langues
d'équivalents aux noms bretons est un élément important pour valider
une hypothèse.
— Les rapprochements avec les noms français, latins etc. :
Certains
bretons sont désolés de porter des noms d'origine non bretonne. Qu'ils
se consolent I Nombreux sont les noms d'origines diverses (noms
bibliques, d'origine grecque, latine, germanique, etc.) que l'on trouve
attestés depuis des siècles en Bretagne. Le nom de Durant par exemple
est attesté dès 1029 dans le NL Caer Durant, aujourd'hui Kerdurand en
Mellac. Certains noms, que l'on pense être bretons, se révèlent, après
étude, d'origine étrangère (le contraire arrive également). Il faut
donc faire des recherches dans les différents ouvrages traitant des
noms propres non bretons.
LES DANGERS DES «ÉTYMOLOGIES POPULAIRES».
Nombreux
sont les bretonnants qui connaissent bien la langue bretonne et qui
font, avec plus ou moins de bonheur, des rapprochements entre les noms
de famille (et de lieux) et les mots bretons qu'ils connaissent. Un tel
traduisait Plomelin par «paroisse du moulin», ce nom étant prononcé
Pio-veilh, et faisait-il remarquer, ar veilh ( : br. melin, milin)
désignant le moulin. Mais il ignorait que cette paroisse était
Ploemeryn en 1368, et que Marin (qui a évolué en Melin, d'où
aujourd'hui la prononciation -vei/h) est un nom attesté en Bretagne
(Lanmérin, près de Lannion, qui se dit Lanvilin en breton), au pays de
Galles (Bodferin, Lianferin -formes mutées) et en Cornouaille
britannique : saint Meryn.
Certaines
interprétations dénoncées comme erronées depuis longtemps ont la «vie
dure». Bizouarn, anciennement Budhoiarn «victoire-fer», n'est pas à
traduire par «doigt de fer», ce qui n'empêche pas certains de
reproduire encore cette étymologie mauvaise qui voit dans Biz- le mot
biz doigt !
Nombreux
sont les Vannetais qui pensent que les noms se terminant par -o sont
d'origine espagnole. Il n'en est rien. Les noms en -o sont les mêmes
que l'on trouve ailleurs en Bretagne avec la terminaison -ou : Rio,
Riou, Eveno, Evenou, Séveno, Sévenou (dérivé de seven poli, civil et
saint, fort : Seven(e) dér. Sévennec), Pasco, Pascou etc. Ce sont des
dérivés en -o(u) de ri roi, Even prénom, seven poli, Pasc Pâques, etc.
LES DIFFICULTÉS DES TRADUCTIONS.
Une
autre difficulté est l'interprétation des noms. Que Lescop soit une
demi-francisation de an escob «l'évêque», tout le monde en convient.
Mais le pourquoi de ce nom demeure obscur. Surnom de quelqu'un
«pontifiant» volontiers ? ou d'un homme vêtu de violet ? Ou encore d'un
individu dont le bâton avait la forme d'une crosse d'évêque ? Ou
peut-être le surnom d'un domestique (ou d'un parent ?) de l'évêque ? À
moins que ce nom n'ait été attribué à un acteur de théâtre rendu
célèbre par son rôle d'évêque ? Il est difficile, sinon impossible, de
le savoir, la formation des noms n'étant pas relatée en général dans
les textes historiques.
LES GRAPHIES TROMPEUSES.
Toute
langue évolue, et les noms propres également. Les transcriptions
reflètent plus ou moins fidèlement cette évolution, généralement avec
un certain retard.
— Les mutations non notées.
L'orthographe
du mbr. époque à laquelle s'est fixée la plupart des noms, était plus
ou moins «étymologique», et en particulier ignorait souvent les
mutations (changements de consonnes). On écrivait, par exemple,
Pieu-meur avec un m, alors que ce nom était (et est) prononcé avec un y
(Pieu-veur). Les scribes, qui avaient une bonne connaissance de la
langue, ont écrit ce nom avec un m en tenant compte de l'étymologie
(pieu paroisse4- Meur), et c'est cette graphie qui a été maintenue pour
le nom de lieu.
C'est
pourquoi il est important de connaître la prononciation traditionnelle
des noms, en breton. Un mot écrit Kermarrec est-il prononcé Ker-var
(c'h) eg, ou Kermar (c'h) eg ? Dans le premier cas le nom est composé
de Ker + marc'heg, dans le second de Ker + an + marc'heg (on trouve
kar-en-marec en 1264). Le Mar(r)ec signifie cavalier, chevalier.
.— Une orthographe mal adaptée.
L'orthographe
bretonne, après avoir été influencée par le latin, l'a été par le
français. Les besoins n'étaient pas les mêmes, et il en est résulté des
orthographes susceptibles de plusieurs interprétations.
Guénnolé LE MEN (Skol-niv. 75-76- 1982.)-1700 noms de famille bretons.