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Callac-de-Bretagne |
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SUPPLÉMENTS-MOULINS
LES MEULES.
On distingue : la courante (supérieure) et la dormante (inférieure) qui est immobile (chomante, gisante).
Ces deux meules sont placées dans un coffre en bois, ce sont les
archures, anches ou chartres. Leur forme ronde a été imposée pour
éviter les malversations. Les autres formes favorisaient en effet le
dépôt de farine dans les angles, permettant au meunier indélicat
d'augmenter son profit.
Il existait
d'abord des meules monolithiques en granit, puis apparurent les meules
à carreaux. Ces meules étaient faites d'un assemblage de morceaux de
pierres de duretés différentes, liées au plâtre ou au ciment, le tout
Les meules et leurs coffres en bois (Photo: Ph. Borgella)
cerclé de fer.
Pour faciliter
le concassage des grains et éviter l'échauffement de la farine lors de
la mouture des stries sont creusées sur la surface interne des deux
meules. Muni d'un marteau caractéristique, "pointeu karré" , le meunier
pique la surface des meules.
Après quelques
semaines de travail, la surface s'émousse. Le meunier doit alors
recreuser les sillons, c'est le rhabillage ou corroyage des meules. La
meule supérieure doit être hissée à l'aide d'un palan à une poutre du
moulin. On imagine aisément la source d'accidents possibles.
Toute la
machinerie est en bois, d'où un métier : l'amoulagemi, chargé de la
fabrication et de l'entretien des organes internes du moulin. Le bois
était donc très important, d'où dans les baux, très souvent, l'
obligation pour le preneur de planter les espèces recherchées. Ces
engrenages en bois ne céderont la place au métal que dans la première
moitié du XIXème siècle.
Il
y a beaucoup de liens professionnels entre meuniers et charpentiers. Il
n'est donc pas étonnant de trouver des mariages entre gens de ces
professions. Les nombreux enfants issus des mariages ne peuvent pas
tous être meuniers, mais il y a beaucoup de travail soit au moulin pour
le travail du bois, soit en culture pour le travail des terres qui
jouxtent le moulin.
REGLEMENTATION DES MOULINS.
L'instauration
de la banalité du moulin (obligation de moudre le grain au moulin du
Seigneur = droit de moute) au Xe' siècle en fit un des symboles de la
féodalité le plus contraignant et le plus tenace puisqu'il persista
jusqu'à l'abolition des privilèges, le 4 août 1789.
C'est
au cours des XVIIime et XVIIIème siècles que la meunerie traditionnelle
connut son âge d'or. L'emploi d'engrais naturels entraîna
l'intensification des cultures céréalières. Les moulins s'implantèrent
en grand nombre. Mais cette structure seigneuriale, longtemps
incontournable, fut une des plus lourdes et des plus conflictuelles que
le monde rural eût à subir.
Avant
l'apparition des moulins et l'instauration du droit de monte, chaque
famille possédait son propre moulin à bras : le Millinou braou. Ils
étaient formés de deux pierres circulaires que l'on pouvait faire
tourner l'une sur l'autre à l'aide d'un bâton qui s'enfonçait dans un
trou spécial de la pierre supérieure. Un orifice central permettait de
faire tomber le grain à écraser. C'est au XVIlème siècle que la chasse
à ces moulins fut intensifiée pour permettre au seigneur de tirer
profit des moulins qu'il avait fait construire33. Curieusement, j'ai
trouvé en Tunisie un grand nombre d'exemplaires de ces moulins à bras,
c'est dire leur ancienneté.
Chaque
moulin est le centre d'une circonscription appelée banlieue d'environ
une lieue de rayon (environ 4 km.). Toi ils sont les moutaux.
S'il n'y a pas de moulin dans leur banlieue, le seigneur direct peut les affermer. La banalité du moulin régira la meunerie jusqu'au 13 juillet 1793 date de son abandon définitif.
La construction d'un moulin est coûteuse, les principaux promoteurs sont :
- les seigneurs
- les châtellenies,
- les abbayes,
- les prieurés,
- les archevêchés,
- le Duc de Bretagne,
- le Roy.
Il faut toujours l' autorisation du suzerain.
AFFERMAGE
: Jusqu'à la révolution, peu de meuniers sont propriétaires de leur
moulin. La plupart louent pour une durée déterminée, variant de six à
neuf ans, le moulin d'un seigneur. La rente est le plus souvent
acquittée en grain, à partir du 18ème siècle en nature et en argent.
Ces rentes ne cessèrent de s'élever provoquant le mécontentement des
meuniers et des paysans.
"...que la servitude des moulins soit anéantie vu que le prix
exorbitant que les seigneurs exigent des meuniers force ces derniers de
voler le public ce qui enlève à l'habitant des campagnes au moins la
dixième partie des grains destinés à sa consommation, au lieu que si
les moulins étaient libres, les meuniers seraient contraints d'être
plus justes et les seigneurs qui se procureraient des meuniers en
réputation de probité ne perdraient rien sur la ferme de leur moulin"34
Les baux mettent généralement les grosses réparations à la charge du seigneur :
- réfection et entretien des chaussées, ponts, biefs ,
- curage des étangs , rivières , ruisseaux , - grosses réparations du moulin ,
- fourniture et transport des matériaux, à
l'exception des annelions, qui, trop fragiles, sont du ressort du
meunier.
Tous ces travaux sont effectués par les paysans du voisinage. Bêtes et
hommes sont mis à contribution d' où des mécontentements, car leurs
occupations habituelles sont délaissées. Ils doivent en outre assurer
le transport des meules lors de leur installation ou remplacement.
Le meunier doit assurer les frais de main d'oeuvre de la mise en place
des matériaux. Il ne peut espérer aucun dédommagement en cas d'arrêt
momentané du moulin.
Le meunier loue également les outils nécessaires au bon fonctionnement
du moulin. L'entretien des roues, du mécanisme, des meules, fait partie
des charges. Il doit également entretenir la maison d'habitation et les
dépendances.
LES PRODUITS DU MOULIN.
Avant la mouture, le grain était criblé afin d'éliminer les impuretés
ayant échappé au battage au fléau : pailles, grains cassés ou mal venus.
Selon la façon dont les meules étaient espacées entre elles et la
manière de conduire la meule supérieure, on n'obtenait, jusqu' au
XVIème siècle, qu'une mouture en grosse, les grains n'étant concassés
qu'en un seul passage. Quand on moulait haut, laissant un espace entre
les deux meules, on produisait une farine incluant beaucoup de gruaux,
de fragments de grain et de son. Si on moulait bas, écrasant mieux les
grains, les impuretés étaient mieux pulvérisées. Lorsqu'on moulait trop
vite cela donnait une farine échauffée qu'il fallait refroidir. Tout
dépendait donc de l'expérience et de l'habileté du meunier, de la
céréale à moudre et des exigences du client. La mouture en grosse
restituait presque autant de poids de farine que celui des grains à
moudre, la perte étant minime.
REVENUS DU MEUNIER.
Afin d'acquitter tous les frais et droits liés au moulin, le meunier
doit être suffisamment nanti. Il doit dès la première année régler le
fermage, mais aussi les frais de "renable" du moulin qu'il a quitté (le
renable est l'inventaire).
Le meunier est rétribué en nature par ceux qui lui confient leur grain
à moudre. Le prélèvement autorisé est de 1/16 du grain apporté (6,25%).
Il utilise à cet effet une écuelle spécifique dite "pince-grain" ou
encore "écuelle pour percevoir le droit de moute"35. Le droit de monte
est une redevance due au seigneur, qui vient en sus du prélèvement dû
au meunier. La farine est rendue à son propriétaire sans avoir été
blutée (tamisée). Cette mouture primitive est dite "mouture à la
grosse".
Le meunier tamise sa farine et élève avec le son des porcs et des
volailles qu'il vendra au marché. Seul ce commerce parallèle lui
procure des revenus en espèces.
Ses revenus sont complétés par la pêche dans les eaux du moulin. Ces
revenus peuvent être conséquents, surtout en période de carême. Ce
droit de pêche sera modifié, limité , et parfois supprimé dès la
seconde moitié du 18è'e siècle. Cette nouvelle taxe sur les pêcheries
et les étangs sera mal acceptée. Elle vient s' ajouter à l'augmentation
incessante des loyers des moulins et grève un peu plus le budget des
meuniers qui, pour pallier ce manque à gagner, haussent à leur tour le
prix de leur service auprès des moutaux.
LES DEVOIRS DU MEUNIER.
Lors de la signature du bail, le seigneur porte à la connaissance du
meunier le nom de tous les paysans contraints de se rendre au moulin.
De leur côté les sujets prêtent serment au seigneur et s'engagent à ne
suivre que le moulin qui leur a été assigné. Ils deviennent alors les
moutaux (moulans - estagers destaignables) en contrepartie le meunier
s'engage à les servir fidèlement et à les bien traiter, de ne percevoir
d'eux que ce qui est exigé par la coutume , de pourvoir à ses frais de
poids et balance pour vérifier le droit de moine. Le meunier veille au
respect de la fréquentation du moulin par les assujettis. Au besoin il
les surveille pour essayer de les prendre en flagrant délit. Le
délinquant surpris doit lui remettre 1/16
de la farine qu'il rapporte et s'attendre à être poursuivi en justice,
où il se verra condamné à une forte amende36. Il y a parfois dualité,
si un métayer refuse d'effectuer les corvées au profit d'un meunier du
domaine royal, son foncier vient le soutenir.
Outre leur manque de probité, les meuniers se voient souvent reprocher
leur malhonnêteté lors du pesage des grains et farines. Chaque moulin
doit être équipé de poids et mesures, de balances étalonnées par des
hommes de loi. L'achat reste à la charge du meunier. Les conseillers
royaux font des vérifications et des étalonnages (procès-verbal de
jaugeage). Ces contrôles peuvent être faits dans le cadre de campagne
de vérification ou suite à des plaintes.
Les moutaux doivent apporter eux-mêmes leur grain au moulin. Le meunier
est tenu de respecter l'ordre d'arrivée. Après l'abolition du droit de
moulin, pour conserver ses clients le meunier se rend alors lui-même à
leur domicile. Il y prend en charge le grain et y ramène la farine. Il
utilise pour ce faire une charrette basse à ridelles mobiles. Chacun
identifie ses sacs à l'aide de marques qui_lui sont propres faites en
fil ou par un morceau de drap.
Les cahiers de doléances se font l'écho de nombreuses plaintes à
l'encontre des meuniers. On les taxe de fripon, voleur, débauché. Tous
n'étaient pas exempts de défauts. L'opulence des meuniers n'est pas
générale, mais l'aisance de beaucoup d'entre eux inspire méfiance et
jalousie. La place d'intermédiaire qu'ils occupent entre l'autorité
seigneuriale et la communauté paysanne dont ils tirent leurs revenus,
les rend réellement impopulaires. Et si par nécessité professionnelle,
ils ont quitté leur paroisse d'origine, ils sont perçus comme tout
étranger dont il faut se défier. Ceci n'est pas propre aux seuls
meuniers mais à tout étranger, c'est-à-dire celui qui vient du clocher
d'au-delà de celui d'à côté.
Le costume met souvent en évidence l' aisance du meunier. La tradition
vestimentaire privilégie le bleu pour les costumes de maîtres, de
fermiers ou de petits propriétaires ruraux. Les bas blancs et les
souliers à boucles, le grand chapeau et la ceinture rayée sont autant
de signes qui permettent d'identifier aisément le meunier dans une
assemblée paysanne, lors des foires et des marchés. Le tablier blanc
est l' apanage de la meunière.
LES GARCONS MEUNIERS.
Logés et nourris, les garçons meuniers ne perçoivent que de modestes
gages. Ils font partie de la famille meunière qui les emploie. Ils sont
souvent les fils d'un meunier des environs. Ils se voient confier les
tâches les plus ingrates et les plus périlleuses comme le maniement des
vannes de l'étang. Hébergés clans le moulin ou dans l'écurie ils
veillent de jour comme de nuit au niveau de l'eau. Leur réputation est
encore pire que celle des maîtres qu'ils secondent. On les appelle des
"pochonniers"(de pochon = sac à farine).
UNE FORTE ENDOGAMIE.
Il existe une réelle endogamie des familles meunières. L'endogamie à
cette époque est de règle dans toutes les professions mais ce caractère
est accentué chez les meuniers car ils véhiculent avec eux une image
négative et malveillante, d'où la difficulté de trouver une épouse.
Cependant cette image est souvent contredite par les faits : en effet ,
on leur demande souvent d'être entremetteurs pour des mariages, ce qui
indique une position de confiance. En effet le moulin est un lieu de
rencontre, on attend que le grain soit moulu et on peut ainsi parler,
échanger des informations. C'est un lieu de convivialité.
Dans l'époque contemporaine, les meuniers étaient recherchés par les
fabricants d'aliments du bétail, car il possédaient plusieurs qualités
très recherchées :
- ils étaient bien implantés en milieu rural, dont souvent ils avaient
su gagner la confiance. - ils étaient habitués à travailler pour
l'alimentation humaine, et donc travaillaient bien, et savaient faire
de la qualité.
C'est sur ces deux critères que la Société SANDERS, avait créé son
réseau de concessionnaires qui lui permit, entre autre, de prendre le
premier rang des fabricants d'aliments du bétail. Cette société est
rachetée aujourd'hui par un ancien concessionnaire : André GLON, bien
connu à Pontivy.
UNE MAUVAISE RÉPUTATION.
Les cahiers de doléances s'en sont souvent pris aux meuniers, mais je
pense qu'ils ont surtout servi de boucs émissaires, sans vouloir
toutefois nier que certains méritaient bien leur réputation de fripon.
Déjà lors de la révolte dite des "bonnets rouges" en 1675, les
revendications des paysans comprenaient entre autres : "limiter la
banalité des moulins, laissant aux paysans la possibilité en cas de
manque d'eau, d'aller à un autre moulin, et que le meunier ne fraude
pas". La réalité sur les mariages est qu'étant à la tête d'un pécule
souvent appréciable, les meuniers souhaitent le conserver, sinon
l'accroître par l'apport d'une dot.
Il y a donc dualité dans leur réputation de meunier. Bon nombre d'entre
eux volent et spolient leur clientèle. D'où des dictons assez mal
sonnants :
" Il n'y a rien de
si hardi que la chemise d'un meunier, car chaque matin elle pend au cou
un voleur" "Même si le moulin ne donne qu'un tour de roue, le meunier
est sûr d'avoir sa crêpe"
et la chanson populaire s'en prend également au meunier :
"meunier tu dors ! ton moulin va trop vite ! meunier tu dors ! ton moulin va trop fort !"
Son pouce a mauvaise réputation, car il est supposé l'enfoncer dans la
mesure de farine, fraudant ainsi sur la quantité qu'il rend au client.
Pour désigner le moulin les termes bretons ou dérivés sont les suivant :
MILIN , VILIN , MELIN , VELIN
On retrouve ces termes dans la composition des noms de hameaux ou de lieux dits. (Govelin = vieux moulin).
Aujourd'hui les moulins ont deux origines :
- les moulins fondés en titre dont l'existence est antérieure à
l'ordonnance de 1'Edit de Moulins de 1566, ou vendus comme bien
national. Il y a alors un droit de riveraineté qteprévaut celui des
autres riverains. - les moulins établis à titre légal installés sur
autorisation préfectorale depuis la révolution...
EXTRAIT d'un article paru dans la revue "La Chaloupe", revue du Cecle Généalogique Sud-Bretagne Morbihan.
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