Callac-de-Bretagne

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Recueil des mots exquis

 

 

 

IGLOO, igloo, igloo... il est des nôtres!, s'exclame Patrice Delbourg, un « Papou» égaré dans la tête, grand amoureux des calembours. Son petit recueil« d'exquis mots » brasse les jeux du langage, les à-peu-près, les pataquès, si bien qu'on se prend  à trier dans cette « camisole de farce» pour découvrir des préférences. Comme toujours, les calembours les plus immédiats sont ceux qui viennent de l'homophonie, pour lesquels l'orthographe porte le décalage: un concerto en scie a de quoi décourager l'auditeur - à moins  qu'il ne s'agisse d'un morceau authentiquement atonal, et lorsque des gens qui ne feraient pas de mal à une mouche se demandent « comment tuer le taon ?», la graphie seule crée la blague.

 

De même le souvenir du bœuf de la crèche du petit Jésus n'implique pas que tous les bœufs soient dévots! Le calembour orthographique prend toutefois une valeur ajoutée lorsqu'il transforme complètement le sens d'un cliché pour faire jaillir une signification incongrue chargée de grivoiserie; c'est le cas quand « tirer les choses au clair » devient impudemment « tirer les choses au clerc »...

 

 

Je trouve cependant, pour ma part, que les changements les plus courts sont souvent les meilleurs; ceux d'une seule lettre, d'une seule syllabe, par le fait, sont sans doute parmi les plus comiques de tous. On connaît les classiques de l'arsouille: « A tout pichet miséricorde », et son corollaire: « Chasser le naturel, il revient au goulot»... On peut compter aussi sur « Avoir pognon sur rue » qui caractérise les propriétaires aisés, « Rire à gorge d'employé », ou même « Le joug le plus long» pour un mariage qui s'éternise. Un sel inattendu surgit de la phrase légèrement biaisée: « Une conférence au sommier », ouvre un champ libidineux, comme aussi cette parodie: « Par ici la bonne souple », laquelle porte au fou rire en évoquant une employée de maison singulièrement docile, voire acrobatique!

 

« Chaque chose en son temple» annonce seulement, une langue de vicaire» et peut -être « du matériel de bourreau» ; mais certaines substitutions volontaires rejoignent les coquilles d'imprimerie, ces aveuglements de protes qui, pour les auteurs, « dépassent les borgnes»! Je citerai cette expression hautement significative

  dans le dévoiement: faire chanvre à part, laquelle se recharge d'un sens autonome fort, l'inverse du ;( joint» qui circule à la ronde.

  Le Papou déchaîné jongle avec les à-peu-près: « le serrement du jus de pomme», « un plasma de père de famille », ou « le chemin d'Edam »(par un temps d'été stable ) ; dans ce genre abracadabran Delbourg touche à un point d'humour auvergnat largement daté d'avant la guerre de 1940, qui fera rejaillir bien des souvenirs enfuis chez ceux qui furent jadis écoliers dans la région de Thiers et de Clermont-Ferrand. Je parle d'une litanie des mois de l'année qui semble s'être effacée, puis perdue, au cours de la décennie1960. Il est vrai que cette époque-là comportait une obligation d'intelligence pour tous très peu favorable aux calembredaines venues d'une tradition douteuse. La jeunesse était alors censée se livrer corps et âme à la réévaluation des valeurs transmises, à des « relectures» pointilleuses de tout ! Il fallait se plonger dans les sciences humaines et les opinions politiques extrêmes les calembours affligeants furent chassés pour lors du temple de l'esprit.

 

C'est pourquoi j'éprouve un plaisir délicat à reconstituer le puzzle à l'aide de ces « exquis mots» - j'offre la série de boutades surannées aux nombreux lecteurs qui auront ainsi la joie de la transmettre de nouveau à leurs petits-enfants ravis, comme un morceau de patrimoine.  

Janvier ton sort; février tes chaussures (ou bien, en plus romantique, « février tes yeux dans les miens », qui est le souvenir d'une romance célèbre du XlXe siècle, Mire tes yeux dans mes yeux, de Loïsa Puget - ce qui plaide pour une relative ancienneté de la litanie) ; mars ou crève; avril à la population; y a pas de mai qui tienne (ou, comme plus haut, « mai tes yeux dans les miens» ; juin le geste à la parole; juillet mis mon point dans la gueule (on peut dire « figure ») ; août toi de là que je m'y mette; septembre comme la rosée; (il m'est impossible de retrouver octobre, « octobre au gant» parait hors de la tradition du Puy-de-Dôme!) et enfin l'implacable décembre et Meuse !

 

 

 

* Le Petit livre des exquis mots de Patrice Delbourg, le Cherche Midi 

 

 

                                                          J.L(
01.08.2008)

 

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