Callac-de-Bretagne

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- L’ILLUSTRATION DU 3 JUILLET 1915 -
LA MARCHE AU BINIOU


Le Colonel d’un régiment territorial du front formé de Bretons – Breton lui-même, et portant le plus breton des noms - a eu l’heureuse aspiration d’adjoindre à sa « clique », à ses tambours et à ses clairons, les deux instruments favoris de la vieille Armorique : un biniou, une bombarde, cette sorte de musette si sonore.

 
Il avait sous la main les instrumentistes, qui sont nombreux en Bretagne. Peut-être même en prévision des heures de repos, ces deux braves avaient-ils apporté avec eux leurs instruments, afin d’évoquer, dans la paix relative du cantonnement, à leurs accents nasillards, accompagnés en basse grave par le canon tout proche, les souvenirs du pays mélancolique, les longues sonneries sur la lande, au couchant, et les danses graves et quasi hiératiques de là-bas, les « dérobées » qui sont à la tumultueuse farandole ce qu’est la plainte du goéland au sifflement allègre du merle.
 
Si bien que désormais, comme les Ecossais suivent leurs « bag – pipes », c’est au son de la bombarde et du biniou, paré de rubans où le tricolore s’enlace au vent, à l’hermine héraldique de la Bretagne que le régiment marche au feu.




Et Dieu sait si les Bretons y vont de bon cœur !

Pour ne parler que de la division dont fait partie le régiment en question, nous pouvons dire qu’elle s’est glorieusement comportée, et qu’elle a été citée à l’Ordre de l’Armée.

Lors de cette bataille de la prise du saillant de Quennevières l’assaut avait été donné « par quelques bataillons, zouaves, tirailleurs, Bretons ». A maintes reprises, on a décerné ainsi une note d’honneur à des régiments provenant de telle ou telle province.
Il est assez curieux de voir, de cette sorte, grâce au recrutement régional qui groupe dans les mêmes corps des hommes originaires des mêmes terroirs, reparaître les noms des anciennes divisions territoriales de la vieille France, divisions qui n’étaient effacées qu’administrativement, arbitrairement, on peut le dire et dont les noms persistaient, malgré tout, dans le langage courant.
 
En faisant entendre chaque jour à ses Bretons les musiques qui leur sont chères, qui leur rappellent leur commune d’origine, le Colonel qui eut cette intelligente initiative tend à renforcer dans leurs cœurs cette idée qu’en luttant pour la grande France, c’est encore la quiétude et le bonheur de leur lointaine patrie qu’ils défendent.

Il rattache plus intimement la fidèle et pensive Bretagne à la commune mère, dont elle partagera la gloire triomphale après avoir partagé ses dures épreuves.

André Lohou - Poissy 2014.

L'enlèvement du saillant de Quennevières (Journal Officiel du 11 juin 1916.

http://www.lescahiersdhistoire.net/45eri/articles.php?lng=fr&pg=118